La nouvelle place de l'écosystème dans le contrat social

A l'occasion du Forum Smart City du Grand Paris, organisé par La Tribune les 26, 27 et 28 novembre prochains à l'hôtel de ville de Paris, experts, penseurs, politiques et entrepreneurs ont pris la parole dans un numéro spécial consacré à la ville intelligente. La philosophe Cynthia Fleury y fait un pari fou : et si les villes, pour relever les enjeux climatiques, redevenaient des lieux où la nature est préservée ?
Le projet de Central Park à la française (La Courneuve) devrait être le poumon vert du Grand Paris, entouré d'éco-habitations. Un parfait exemple d'harmonie entre la ville et la nature...

Ces villes, qui étaient encore jusqu'au début l'antithèse de la nature, le signe même de la suprématie industrielle, l'autre nom d'un progrès intégralement technique, sont en train de changer leur modèle d'urbanisation pour mieux relever les enjeux du réchauffement climatique. Redevenir des lieux où la nature est heureuse, où tous les « habitats » s'harmonisent n'est désormais plus un voeu pieux ou naïf, mais à l'inverse la manière la plus créative possible pour les villes et leurs habitants d'inventer leur développement. Dès le début des années 1900 et jusque dans les années 1930, les citésjardins poussent, en marge des villes, en Angleterre comme en France, comme une première réponse face à l'envahissement nocif urbain. Le Corbusier, pilier de la Charte d'Athènes (1933) et de la défense de la fonctionnalité de l'espace, aura à coeur de les éradiquer, les considérant comme antinomiques du progrès. Depuis, la Charte d'Aalborg (1994) défend le maintien du capital naturel comme inhérent à l'édification urbaine.

Grandes consommatrices de l'énergie mondiale

Le paradoxe posé par James Lovelock, dans son hypothèse Gaïa, s'est ici vérifié : « Lorsque l'homme industriel urbain perturbe l'environnement et qu'il en prend conscience, il a tendance à prendre des mesures pour corriger son erreur. » Même paradoxe qu'en amour, où celui qui blesse est le seul susceptible de réparer durablement chez l'autre la blessure causée. Grandes consommatrices de l'énergie mondiale, les mégalopoles sont responsables de 80 % des émissions de gaz à effet de serre. Le salut de l'homme, de la nature, de leur bien-être commun, passera donc par elles.

Considérer les villes comme des « êtres vivants » ne relève plus de la métaphore mais de l'impérieuse nécessité des politiques publiques. Nous ne sommes qu'au début de la réinvention des paysages urbains : certes, les murs et toits végétalisés, les bâtiments à énergie positive, les trames verte et bleue, la gamme des jardins potagers, ouvriers, jusqu'aux parcs, les ruches, les Amap, la démultiplication des panneaux solaires, l'éolien des villes, la géothermie, la dépollution naturelle, etc., sans oublier toute l'ingénierie numérique au service d'une meilleure intégration de la nature dans la ville. Mais surtout, ce qui est en jeu dans ces nouvelles articulations, c'est tout l'imaginaire nouveau et ancestral ici convoqué.

C'est un nouvel esthétisme qui s'annonce, une nouvelle manière de vivre la ville, de savourer sa beauté, son patrimoine culturel, tant il sera lié au patrimoine naturel. Ce qui est en jeu, c'est la réémergence du pouvoir résilient de la ville, comment elle nous régénère, comment elle nous ressource. C'est la redécouverte de nos identité et citoyenneté écologiques qui est à l'horizon, avec cette conscience désormais certaine qu'il n'y a pas de contrat social in abstracto, c'est-à-dire sans contrat naturel, sans préservation des services écosystémiques, services proprement capacitaires pour les citoyens. Alors nos villes, trop souvent insalubres et inhabitables, redeviendront une « maison commune », susceptible d'unir les clameurs de la Terre et des hommes.

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