Paris, ville pour la vie #ParisForLife

Daech a cherché à tuer la vie dans la ville, la joie de vivre des citoyens de Paris et Saint-Denis, à tuer ce qui fait le tissu de la ville, sa fragilité, son intelligence - son identité même. Le combat est donc celui de la vie contre la mort, de la joie contre la tristesse, du partage contre l'isolationnisme. Par le professeur Carlos Moreno.

Au moment des attaques barbares de Paris, nos larmes coulent encore, notre douleur est sans limites, mais nous nous devons de garder le cap pour nous battre afin que nos villes restent des lieux vie. Le combat est celui de la vie contre la mort, de la joie contre la tristesse, du partage contre l'isolationnisme.

Daech revendique ses actes sauvages en accusant Paris d'être la « capitale des abominations et perversions » et celles et ceux qui assistaient au concert au Bataclan, d'être des « idolâtres dans une fête de perversité ».

La Ville Lumière, ville-monde, a connu des heures sombres dans son histoire. Ville capitale, mais aussi, ville de caractère, elle est visée aujourd'hui dans son identité, dans sa personnalité profonde qu'elle porte et qu'elle a construite au fil du temps.

Le Stade de France à l'occasion du match de football France-Allemagne, un quartier populaire, des terrasses de cafés bondées, une salle de concert connue de tous, des rues remplies d'habitants, de passants et de touristes, tous ces lieux furent pris d'assaut un vendredi de manière aveugle par des membres de cette organisation terroriste, des fanatiques, extrémistes.

J'écris depuis de longues années, et déjà au moment des attaques à Charlie Hebdo en janvier, que la question de la sécurité est une préoccupation majeure compte tenu de la fragilité socio-territoriale de nos villes et de la recrudescence, depuis une décennie, dans le monde entier, d'actes terroristes perpétrés au sein même des villes.

Je rappelais que, à l'heure où notre monde se transforme en profondeur sous l'effet de grandes mutations technologiques, économiques, sociétales, environnementales et politiques, les espaces urbains cristallisent les tensions de notre développement. Les citoyens sont soumis à des situations inédites et fortement anxiogènes, comme c'est le cas à l'heure actuelle avec les menaces émanant d'individus radicalisés à outrance.

J'ai eu à exprimer ma vision de la ville intelligente humaine comme étant celle qui sera intelligente uniquement si elle sait comprendre l'importance capitale de sa vulnérabilité et mettre d'abord en œuvre sa capacité à anticiper et à construire, chaque jour, sa résilience. C'est donc à cette notion de vulnérabilité sociale-territoriale que je fais référence lorsque j'évoque la fragilité de la ville. Évoquer la ville sensible, la ville légère, la ville vivante est, pour nous, porter un regard singulier sur cette composante essentielle de la vie de la Cité, de la qualité de la vie, de la valeur sacrée et inaliénable de la vie.

La volonté de mondialiser la terreur par Daech et son fanatisme aveugle s'attaque à la vitalité urbaine, signe de la puissance des villes à l'heure de l'urbanisation massive. Les habitants de Paris sont victimes d'une guerre qui lui a été déclarée car elle représente  sa capacité à vivre, sa qualité de vie, sa dynamique de vivre - ensemble et  sa volonté de vivre. C'est la bataille de la mort contre la vie.

Étrange déclaration de guerre qui est signifiée aux Parisiens dans leurs lieux de détente, restaurants, cafés, une salle de concert, des lieux où banalement nous vivons notre vie...

Ce n'est pas uniquement une déclaration de guerre à la France, c'est une déclaration de guerre à la vie, qui, elle, se passe majoritairement dans la ville, une déclaration de guerre à la joie de vivre, celle des jeunes comme celle des moins jeunes.

A l'ère du siècle ubiquitaire technologique et de l'omniprésence des médias et réseau sociaux, Daech se livre à une attaque dont la puissance réside dans l'ubiquité urbaine manifeste. Pour la première fois, c'est une démonstration de sauvagerie dans une multiplicité de lieux, de temps et d'actions urbaines touchant la vie dans l'espace public. Ces lieux qui sont ainsi l'expression de l'identité de la ville et du brassage de ses habitants et qui constituent un élément majeur de la capacité du citoyen à s'identifier avec sa ville.

Daech à la recherche de la mort, mise en scène comme expression ultime de sa haine de l'autre - « des mécréants » -, veut imposer la peur dans nos villes pour faire taire l'expression de nos vies dans les espaces urbains. Faire de nos villes des déserts urbains, assécher notre joie de vivre, nous faire devenir des zombies urbains. La sémantique de la guerre meurtrière de Daech est devenue celle de la guerre qui se déchaîne contre nous tous, citoyens, dans notre espace de vie et notre vie dans le partage urbain. C'est l'acte social urbain qui est visé - partager un café, un dîner à une terrasse, écouter un concert, se promener dans la rue, aller voir un match...

« Paris a tremblé sous leurs pieds et ses rues sont devenues étroites pour eux », éructe Daech dans communiqué.

Ce ne sont pas des intérêts économiques ou des symboles de puissance qui sont visés, mais la vie citadine de tous les jours, pour qu'elle devienne instable, traumatique, anxiogène, afin de porter la peur de la vie dans la ville au cœur de nos préoccupations. C'est le fait nouveau de ces attaques aveugles. Ils  peuvent toucher chacun de nous, nos enfants, nos proches, nos amis, dans des actes courants de la vie dans l'espace public.

Le terrorisme qui s'attaque à la vie, se présente à nous dans une nouvelle puanteur assassine, celle de la proximité dans notre vie quotidienne urbanisée. Ceux qui sont morts dans la ville de Paris, c'est un peu chacun de nous. Cette attaque nous impacte encore plus, bien sûr par sa sauvagerie extrême, mais aussi par la banalisation de la cible. Elle fait basculer nos vies urbaines dans une nouvelle sémantique de danger permanent où les victimes auraient pu être tout simplement chacun de nous, dans nos espaces courants sociaux et citadins.

Face à cette volonté d'imposer la peur comme levier pour imposer le chaos dans nos vies et semer la terreur dans nos vies urbaines, c'est à nous tous de faire face en revendiquant plus que jamais la ville pour la vie, la ville vivante, notre volonté de vivre, de partager et d'exprimer notre qualité de vie sociale et urbaine.

Ça sera leur échec. Que la musique continue à agrémenter nos vies, nos terrasses de cafés, qu'ils restent lieux de vie et de partage. Que la vie exprime sa primauté sur la mort et que la vie urbaine partagée dans l'espace public soit notre fierté citoyenne. Comme la beauté de ces citoyens anonymes qui quittaient de force le Stade de France mais ensemble et chantant la "Marseillaise".

Corollaire que j'avais déjà exprimé en janvier aussi, après Charlie: une fois de plus, nous voyons le dépassement du regard des citoyens sur les forces de l'ordre et sur le maintien de la sécurité qui a profondément changé. De la méfiance, on est passé à une vraie reconnaissance : la sécurité, en France, dans l'espace public peut être désormais expliquée non pas comme une limitation à la liberté des citoyens, mais bien comme un élément constitutif de la qualité du partage et du respect de la vie dans l'espace urbain.
Saluons une fois de plus le dévouement hors pair des forces de l'ordre qui sont intervenues dans un contexte très difficile pour donner l'assaut au Bataclan et qui sont au travail sans relâche pour protéger les citoyens.

Paris est blessé mais debout, la France est émue mais mobilisée, la solidarité exprimée dans le monde entier, la puissance des réseaux sociaux et les expressions citoyennes qui ont fleuri dès la première minute (#PorteOuverte par exemple, deuxième hashtag en France une heure après sa création, magnifique exemple de l'hyper proximité qui a sauvé des vies et apporté de l'apaisement à tant des personnes), sont les preuves concrètes que, face à la mort, au fanatisme, à l'obscurantisme et à la haine, ce sont la vie, la musique, la joie, la solidarité, et l'allégresse qui seront plus forts.


Plus que jamais Paris reste une ville pour la vie...
Plus que jamais nous devons vivre dans une ville vivante...
Plus que jamais la ville intelligente sera sociale et humaine ou ne sera pas...

#ParisForLife - #CitiesForLife for ever....

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Commentaires 2
à écrit le 14/11/2015 à 23:04
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Jamais ces mécréants fanatiques ne parviendront à mettre à genoux la patrie de Voltaire et de Rousseau. Ces hérétiques à la vie et l'amour ne sont que l'incarnation du mal et n'ont aucun droit de se réclamer de la parole d'un quelconque dieu.

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