Boxe : Oleksandr Ysyk, à poings nommés pour l’Ukraine

Emblème sportif d’un pays en résistance, Oleksandr Usyk peut devenir le premier poids lourd depuis 1999 à agréger toutes les ceintures mondiales. Tyson Fury se dressera sur sa route.
Oleksandr Usyk victorieux, le 27 août 2023, à Wroclaw (Pologne).
Oleksandr Usyk victorieux, le 27 août 2023, à Wroclaw (Pologne). (Crédits : © LTD / PAWEL ANDRACHIEWICZ/PRESSFOCUS/NEWSPIX.PL/ICON SPORT)

Un champion du monde des poids lourds ne devrait pas faire ça : déambuler en gardant au bras un bourriquet en peluche. Pas très raccord avec le statut de dur des durs. Peu importe, Oleksandr Usyk croit moins aux postures du boxing business qu'à la force d'un porte-bonheur aux grandes oreilles. Surtout s'il lui a été confié par sa fille Yelizaveta, à l'amorce de longues semaines d'éloignement. La séquence date de l'été 2022, avec en toile de fond le match revanche face à Anthony Joshua. Chacun en sortira convaincu : le nouveau venu dans la catégorie, sacré quelques mois plus tôt à son troisième combat, n'a pas rallié le toit par effraction.

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Depuis, rien n'a changé. Usyk est toujours lesté d'un brelan de ceintures (WBA, IBF, WBO) et l'Ukraine est toujours en guerre. Un conflit qui irrigue les attitudes du natif de Simferopol, dans cette Crimée désormais annexée. Plus un mot de russe prononcé et une gravité prégnante lors de ses apparitions publiques, lui qui avait la badinerie facile. « Après Joshua, je suis rentré et parti au front, racontait-il l'an passé au Daily Mail. Je vivais avec les troupes, j'étais là pour les soldats. À 900 mètres, avec des jumelles, j'ai vu mes ennemis courir, les chars exploser, les maisons détruites. J'ai vu des gens sans bras ni jambes. Ceux qui pouvaient encore marcher ressemblaient à des morts-vivants. »

Il était à Londres, en famille, quand l'invasion russe a été déclenchée. Retour illico au pays, déjà. Dans la foulée, une vidéo directement adressée à Vladimir Poutine. Plus de 4 millions de vues. Mais surtout, un engagement. Un mois dans les milices d'autodéfense, patrouilleur dans les rues de Kiev mitraillette à la main ; puis dans l'aide aux forces armées et aux civils, à travers sa fondation. En s'impliquant aussi, entre deux camps d'entraînement à l'étranger, dans le programme de reconstruction de bâtiments. Sa maison à lui, jouxtant Boutcha et Irpin les défigurées, a été investie et pillée par les troupes russes.

« La force de notre peuple »

En prélude à sa dernière défense, face à l'Anglais Daniel Dubois en août 2023, les écrans du stade de Wroclaw (Pologne), garni de 40 000 spectateurs, ont diffusé un message du président Volodymyr Zelensky : « L'Ukraine se bat grâce à la force que vous allez voir, la force de notre peuple aussi puissant qu'Oleksandr Usyk. » Ce soir-là, le champion avec une chaussure bleue (et l'autre jaune) a souffert. Mais confirmé qu'il est un digne successeur des frères Klitschko. Il pourrait même devenir le premier poids lourd du XXIe siècle à réunir l'ensemble des ceintures mondiales - Lennox Lewis est le dernier en date à l'avoir fait, en 1999.

Ce sera lui ou bien Tyson Fury, champion WBC, et c'est le ring de Riyad (Arabie saoudite) qui apportera la réponse samedi. Ne pas chercher plus loin le combat de l'année, entre deux boxeurs invaincus et de même génération (37 et 35 ans) mais aux feuilles de route dissemblables. Après l'or olympique en 2012 (-91 kilos), Oleksandr Usyk a piétiné avec méthode la concurrence en lourds-légers, tandis que le « Gypsy King » se signalait au-dessus en clôturant neuf ans de règne de Wladimir Klitschko (2015).

« Cours, lapin, cours »

Client régulier des colonnes extra-sportives, Tyson Fury (2,06 mètres, soit 15 centimètres de plus qu'Usyk) s'avancera affûté comme rarement. Loin du tableau affiché en octobre face à Francis Ngannou, icône MMA. Comment imagine-t-il les débats ? « Vous allez voir un lapin courir. Cours, lapin, cours. Mais je serai l'homme qui veut sa tourte au lapin. » Dans le genre animalier, Usyk préfère son surnom officiel, « le Chat », qui dit la qualité de son jeu de corps et de ses esquives.

« Techniquement, c'est un maître, mais il reste un lourd-léger monté en lourd, soupèse Johann Duhaupas, ex-challenger WBC du seul boxeur à avoir contraint Fury à un match nul, Deontay Wilder. Autrement dit, il ne pourra pas gagner par KO. » L'Ukrainien, c'est vrai, n'a pas le poing qui éteint, mais il a le geste qui étincelle. Suffisant pour rendre les bookmakers indécis. La suite ? Ce pieux père de quatre enfants ne la voit guère s'étirer. Un ou deux combats. Mais surtout un dernier au stade olympique de Kiev, une fois qu'on aura foutu la paix à son pays.

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