Rugby : les « fils de » du Stade toulousain

Six joueurs de l’effectif sont les enfants d’ex-internationaux, signe que la reproduction sociale se prête bien au rugby. À 16 heures, Toulouse affronte les Harlequins pour une place en finale.
Romain Ntamack et Paul Costes
Romain Ntamack et Paul Costes (Crédits : © LTD / Laszlo Geczo/INPHO/PRESSE SPORTS)

« Mes jambes tremblaient, mon cœur s'est emballé. » Arnaud Costes s'est laissé submerger par les émotions lorsque son fils, Paul, a fait sa première apparition sur une pelouse de Top 14 avec le Stade toulousain, la saison dernière à Bayonne. Une réaction de papa comme les autres. Ce qu'il n'est pas tout à fait. Lui a porté quatorze fois le maillot du XV de France entre 1994 et 2000, quand il jouait à Clermont. Émile Ntamack, Olivier Roumat, Stéphane Graou et l'Irlandais Trevor Brennan ont vécu des expériences comparables. Eux aussi sont anciens internationaux et pères de joueurs toulousains.

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Cette concentration de « fils de », à laquelle on pourrait agglomérer Matthis Lebel et Arthur Retière, ne peut être le fruit du hasard. Romain et Théo Ntamack, Alexandre Roumat, Paul Graou, Joshua Brennan et Paul Costes ont très probablement hérité de prédispositions physiques, même si la plupart n'évoluent pas au même poste que leur paternel. Leur dextérité doit beaucoup à une pratique précoce, encadrée par des éducateurs choisis par des parents experts. « À 4 ans, Paul a réclamé et obtenu de jouer en club avec son cousin plus âgé de deux ans, se souvient Arnaud Costes. Toucher un ballon a été une révélation. Il en a toujours eu un dans les mains. »

Légende toulousaine, Jean-Claude Skrela se rappelle combien son environnement a été propice à l'épanouissement de son fils David, devenu international à son tour : « Je l'emmenais partout et il s'est tout de suite plu. Mes coéquipiers l'ont très bien accueilli, c'était le petit roi. Après les matchs, il mangeait avec nous, jamais à ma table. Il était aussi ramasseur de balles. Lors de notre finale du championnat de France 1989, il a ramené le ballon sur le terrain. D'autres ont vécu ça. Je me souviens bien des petits Ntamack... » Trente ans plus tard, Émile Ntamack et Arnaud Costes s'amusent de voir leur progéniture « faire comme [eux] ».

Le sujet de la reproduction sociale n'est pas propre au rugby mais c'est un sport qui s'y prête particulièrement. « Son environnement social et culturel est vécu comme magique par les enfants, souligne l'universitaire Jean-Jacques Sarthou, auteur d'écrits sur l'Ovalie, professeur de Staps à l'université Paris Nanterre. L'origine de ce sport, c'est la recherche de socialisation. Et sa pratique est faite de solidarité. On s'y épanouit, ce qui n'est pas le cas de toutes les activités. On n'a pas besoin d'aller voir ailleurs quand on vient de là. » Se découvrir un potentiel pour le haut niveau est une invitation supplémentaire à persévérer.

Théorie bourdieusienne

D'autant que la concurrence est moindre que dans beaucoup d'autres sports, à commencer par le football. « Il est évident que cette concentration renvoie à l'aspect non universel du rugby, reprend Jean-Jacques Sarthou. C'est un monde d'entre-soi. J'entraîne l'équipe de l'université de Nanterre : mes joueurs viennent des villes aisées des Hauts-de-Seine. Les footballeurs de l'équipe universitaire sont plus souvent issus des quartiers populaires. » Voir Romain Ntamack échapper à la défense des Harlequins, cet après-midi en demi-finale de Champions Cup (16 heures, France 2, beIN), serait donc en partie un avatar de la célèbre théorie bourdieusienne des héritiers. « Il ne faut pas leur enlever leur mérite », nuance l'universitaire, qui souligne la force mentale nécessaire pour bonifier un tel héritage et émet la théorie d'un environnement « si porteur que les prédispositions l'emportent sur les pressions ».

À la théorie, Arnaud Costes et Jean-Claude Skrela ont préféré la pratique. « J'ai accompagné Paul parce que c'était bon pour son développement personnel, mais je lui ai toujours rappelé que le haut niveau avait des contraintes et accueillait très peu d'élus », souligne le premier. « Je n'ai pas poussé plus que de raison David, qui a d'abord fait du tennis de table puis du basket et enfin du rugby, où il a voulu rester », prolonge le second. Le Stade toulousain n'y trouve rien à redire.

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