Formule 1 : le fiasco Alpine

Le début de saison du mastodonte français est raté. Concours de circonstances ou difficultés plus profondes ? La trajectoire déclinante de l’écurie de Renault interpelle.
La monoplace du Français Pierre Gasly le 24 mars, lors du Grand Prix d’Australie, à Melbourne.
La monoplace du Français Pierre Gasly le 24 mars, lors du Grand Prix d’Australie, à Melbourne. (Crédits : © LTD / XPB / Icon Sport)

Sur le papier, Alpine a tout pour réussir : des infrastructures de haut niveau, des ingénieurs compétents et deux pilotes de talent, français de surcroît. Et pourtant, rien ne va. Après trois Grands Prix, Pierre Gasly et Esteban Ocon n'ont toujours pas marqué le moindre point, ne se hissant jamais au-dessus de la 13e place. Seules Williams et Sauber affichent, elles aussi, un zéro pointé, mais ces écuries n'ont pas les moyens humains et financiers d'un puissant constructeur automobile mondial comme Renault. Difficile à avaler quand on investit près de 200 millions d'euros chaque année pour s'offrir une vitrine mondiale censée vanter l'excellence de son savoir-faire.

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« Même si nous n'avons pas marqué de points, nous avançons progressivement », soupèse le directeur d'Alpine, Bruno Famin, qui espère entamer la convalescence cette semaine au Japon, théâtre du quatrième rendez-vous de la saison. La monoplace 2024, entièrement repensée, est mal née. Malgré un léger mieux après des débuts catastrophiques à Bahreïn, l'équipe reste loin des aspirations, pourtant modestes : un simple passage à « un stade supérieur » après avoir échoué au 6e rang du classement des constructeurs en 2023, avec les deux pilotes hors du top 10. D'autant plus décevant que le cru 2022, conclu à la 4e place et enluminé par la victoire d'Ocon en Hongrie, était porteur d'espoirs. « Cette écurie est un mystère », résume l'Anglais Damon Hill, champion du monde en 1996 sur une Williams équipée d'un moteur Renault, consultant pour Sky Sports.

Des licenciements imposés en haut lieu

Les récents atermoiements managériaux expliquent en partie cette trajectoire dangereusement déclinante. En juillet 2023, le patron de l'écurie, Laurent Rossi, une personnalité clivante aux commandes depuis 2021, est débarqué par le directeur général de Renault, Luca de Meo. Dans le paddock, il est notoire que le climat est dégradé en interne et que tout le monde ne tire pas dans le même sens. Denis Chevrier, un ingénieur historique de la maison désormais retraité, dépeint alors sur RMC Sports une équipe « où, comme ça ne marche pas, on entre dans un jeu politique avec des gens qui ne vont être intéressés que par une chose : défendre leur petite place plutôt que se retrousser les manches ».

Bruno Famin, jusqu'ici vice-président, remplace donc Laurent Rossi. Ferme mais davantage apprécié que son prédécesseur, l'ancien patron de Peugeot Sport assainit les relations au sein de l'équipe ainsi qu'entre ses deux sites historiques, l'usine britannique d'Enstone (châssis) et celle francilienne de Viry-Châtillon (moteur), aux cultures pas toujours faciles à concilier.

Mais l'ex-directeur des opérations de la Fédération internationale automobile doit composer avec les licenciements imposés en haut lieu : ceux du directeur général Otmar Szafnauer, du directeur sportif Alan Permane et du directeur technique Pat Fry. « Ils ont viré des personnes importantes pour la performance sur la piste, donc vous savez où sont les problèmes », pointe l'ancien pilote indien Karun Chandhok. Désormais consultant pour Sky Sports, il se dit inquiet du manque de vision de la marque et doute de son avenir en F1, comparant la situation à l'échec de Toyota il y a vingt ans : « Alpine s'engage dans une voie d'entreprise qui, j'en suis convaincu, ne va pas fonctionner et pourrait la pousser à jeter l'éponge. »

Une lourdeur de fonctionnement

Le reproche est aussi ancien que la présence de Renault en F1. Le constructeur est un motoriste brillant et multiple champion du monde (dix titres de pilote et neuf de constructeur) quand il est associé à une écurie de course agile et efficace comme Williams, Benetton ou Red Bull. Seules Ferrari et Mercedes peuvent se vanter d'un palmarès plus étoffé. Mais il ressemble trop souvent à un géant empêché quand il forme une écurie à part entière : entre 1977 et 1985, puis de 2000 à 2011, la marque au losange n'a remporté que deux titres (2005 et 2006), sous la houlette de Flavio Briatore.

Depuis son retour en 2016, et son passage cinq ans plus tard sous la bannière Alpine pour des raisons de marketing, elle n'a pu réparer cette anomalie. La faute aux jeux de pouvoir : les managers de la maison mère, qui rêvent souvent du poste de patron d'écurie, se glissent des bâtons dans les roues. La faute aussi à une lourdeur de fonctionnement, à une lenteur de prise de décision, inhérente aux grandes entreprises. Difficile de gagner en F1 quand le volant n'est pas relié aux roues.

Au début des années 1980, Alain Prost se plaignait déjà que Renault ne soit pas en mesure de lui fournir des pièces très simples, capables d'améliorer la performance de sa monoplace, à cause de contrats industriels de grande échelle qui obligeaient l'écurie à privilégier un sous-traitant pas au niveau. Conseiller puis directeur non exécutif de l'écurie jusqu'en janvier 2022, le quadruple champion du monde français avait détaillé, en juillet dans L'Équipe, les clés des grands succès des trente dernières années en F1 : « Une structure simple, détachée d'un organigramme industriel, construite autour de trois ou quatre personnalités fortes, couplée à un pilote champion. » Il dépeignait en creux toutes les erreurs commises par Renault.

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Commentaires 2
à écrit le 31/03/2024 à 12:27
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Commencons par le commencement : qu'est ce qui marche encore en France ? Vous avez deuzeures.

à écrit le 31/03/2024 à 10:59
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La seule bonne question est: "que sont ils venus faire là dedans ?". Depuis plusieurs années une "écurie" truste les victoires. Elle porte le nom d'un vendeur de "boissons", et le motoriste du groupe propulseur n'est pas particulièrement mis en avant...

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