Paris 2024 : le combat pour des JO en VO

Promoteurs de la langue française et députés veillent au grain : pas question que l’anglais prenne le pas comme lors des éditions précédentes.
Le nageur français Florent Manaudou à Tokyo, en 2021, devant un panneau officiel des JO.
Le nageur français Florent Manaudou à Tokyo, en 2021, devant un panneau officiel des JO. (Crédits : © FAUGERE FRANCK/PRESSE SPORTS)

À chacun sa manière d'apprécier les Jeux olympiques. Cet été, il y a ces Français qui sauteront de joie à chaque médaille tricolore. Et il y a ceux qui ressentiront une satisfaction intense quand un journaliste choisira de parler de « rotation » plutôt que de « spin » pour décrire une figure de breakdance, ou préférera le « coucher dorsal » au « layback » en commentant du surf.

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La députée Annie Genevard (LR) et le linguiste Loïc Depecker feront partie de la seconde catégorie. Pour eux, le combat pour la parité entre les deux langues olympiques officielles, le français et l'anglais, n'a rien d'anodin. « Renoncer à la promotion du français à l'occasion de Jeux olympiques sur notre territoire en dirait beaucoup de notre incapacité à défendre notre langue, et même de l'affaiblissement de la France à l'international », juge la parlementaire. Le spécialiste en lexicologie complète : « Ce n'est ni rétrograde ni nationaliste de dire qu'une langue porte une représentation du monde et un ensemble de valeurs, et qu'il faut la défendre aussi pour ça. »

Annie Genevard porte une proposition de résolution à l'Assemblée nationale, signée par 98 autres députés. Son texte propose que « les athlètes, les entraîneurs et les officiels parlent autant que possible le français en conférence de presse » ou encore que « les médias soient invités à respecter l'usage de la langue française dans leurs reportages et leurs commentaires ». Surtout, il préconise « la création d'un comité de suivi » chargé de la mise en œuvre de cette résolution. « Il ne faut pas baisser la garde, justifie-t-elle. Regardez la Coupe du monde de rugby en France : vous ne pouviez pas allumer votre télévision ou votre tablette sans voir de l'anglais partout. »

Quelle que soit cette issue législative, d'autres observateurs sont dans les starting-blocks - pardon, dans les blocs de départ -, telle l'Association francophone d'amitié et de liaison (Afal). « Nous avons fait savoir aux organisateurs que notre vigilance sera bienveillante mais très active », prévient son président, l'ancien ministre de la Coopération Jacques Godfrain. Les entreprises françaises portées sur les anglicismes ont l'habitude des rappels courtois de l'Afal à respecter la loi Toubon, qui oblige à l'emploi du français dans certains cas. Le Comité national olympique ne sera pas en reste. « On veut une parité avec l'anglais dans les médias et sur les sites Internet des fédérations internationales, assume le président du basket tricolore, Jean-Pierre Siutat, vice-président de l'institution et secrétaire général de l'Association francophone des comités olympiques. On ne les lâchera pas. »

Pour sa candidature en 2017, Paris avait choisi le slogan « Made for sharing »...

Les JO reflètent depuis longtemps la baisse d'influence de la cinquième langue la plus parlée au monde (environ 300 millions de personnes, 600 millions en 2050). « C'est assez extraordinaire de voir comment le français est en perte de vitesse constante sur les vingt dernières années », pointe Loïc Depecker, qui a documenté le sujet en se plongeant dans les rapports de « grands témoins » olympiques désignés par l'Observatoire international de la francophonie. Feu Manu Dibango, le saxophoniste et chanteur camerounais, était celui de Rio en 2016. « Aussi bien en ville que sur les sites de compétition, le français était presque totalement absent de la signalétique, déplorait-il alors. Le slogan des Jeux, "Um mundo novo" ["un monde nouveau"], n'était traduit qu'en anglais. Aucun des commentaires oraux pendant les compétitions ni aucune des animations sur les écrans géants n'étaient en français. Seules les annonces protocolaires permettaient d'entendre du français. »

La tenue des JO à Paris élimine un scénario aussi fâcheux mais ne rassure pas totalement. C'est le Comité international olympique, et non le comité d'organisation français (Cojop), qui est chargé des questions liées à l'usage du français pendant les Jeux. Or, le monde du sport a l'anglicisme tenace. Pour promouvoir sa candidature en 2017, Paris avait ainsi choisi le slogan « Made for sharing » (« fait pour partager »), suscitant les menaces d'attaque en justice par un collectif d'associations de défense de la langue française et une réprobation officielle de l'Académie française.

Nous devrons être particulièrement vigilants sur les quatre nouveaux sports olympiques

Daniel Zielinski, délégué interministériel à la francophonie

« Cet été, nous devrons être particulièrement vigilants sur les quatre nouveaux sports olympiques [breaking, escalade sportive, surf et skateboard] tous anglo-saxons, dotés d'un vocabulaire technique anglais, souligne le délégué interministériel à la francophonie Daniel Zielinski. Nous avons fait traduire tous les termes utiles à destination des journalistes francophones. L'objectif n'est pas de remplacer l'anglais, mais que le mot équivalent en français soit présent lui aussi. »

Ces derniers mois, Daniel Zielinski s'est démené en réunissant régulièrement linguistes, journalistes, responsables ministériels et sportifs. Il s'est aussi étonné auprès du Cojop lorsqu'un certain « Jean-Pierre » s'est vu répondre en anglais à une question posée sur le site officiel de Paris 2024. Une de ses plus grandes réussites : avoir imposé le français aux côtés de l'anglais sur les écrans de résultats des sites de compétitions. « Une première », se réjouit-il.

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