Sur son site internet officiel, Yasser Musanganya se dépeint ainsi : « Je suis noir, musulman, handicapé et j'ai grandi dans un quartier. » Une accroche enlevée qui colle bien à la personnalité solaire de ce para-athlète dont les Français pourraient bientôt s'enticher. « Je coche toutes les cases des clichés », s'amuse-t-il au téléphone depuis le Japon, où il dispute les championnats du monde de para-athlétisme à Kobe jusqu'au 25 mai aux côtés de dix autres athlètes tricolores.
C'est un fait : Yasser Musanganya est un excellent communicant, au point qu'il envisage d'en faire son métier. Avec ses bras surpuissants, il est surtout capable de lancer son fauteuil à plus de 30 km/heure pour boucler le 100 mètres en moins de 14 secondes. Son palmarès ? Recordman de France du 100 mètres (13"82), triple champion de France sur 100, et 400 et 800 mètres (2022), champion du monde junior sur 200 mètres (2019). Le sprinteur possède des chances sérieuses de monter sur le podium à Paris. Encore faut-il oblitérer son ticket.
Il sera demain matin (11h34, heure française) sur la ligne de départ de son épreuve de prédilection, le 100 mètres. Il devrait s'extirper sans peine de sa série et disputer la finale le lendemain, où les choses sérieuses commenceront : décrocher une médaille d'or ou d'argent offre un sésame pour les Paralympiques. Échouer au Japon ne serait pas rédhibitoire car d'autres occasions se présenteront. « J'ai toujours rêvé des Jeux, et les premiers auxquels je participerai sont à la maison, se projette-t-il comme s'il y était déjà. Les vivre en France, ce sera une dinguerie, je n'ai pas les mots. »
Yasser Musanganya, 22 ans depuis avant-hier, est né au Rwanda avec une agénésie fémorale, malformation de naissance qui a conduit à une amputation de ses jambes au-dessus des genoux. Il a gagné la France avec ses parents alors qu'il avait 4 ans. Il a grandi à Tours (Indre-et-Loire), dans le quartier des Rives du Cher. « De très bons souvenirs » avec la famille, l'école et les copains « très proches ». « Mais c'était aussi difficile, poursuit-il. Dans les quartiers, ça vanne beaucoup. J'y ai appris à me forger un mental, me défendre, avoir de la repartie. »
Sa mère, Rashmi, l'a d'abord poussé vers la natation. « Il me disait : "Non, maman, les autres vont avoir peur de moi, je n'ai pas de jambes" ; mais le jour où je l'ai vu entrer dans le bassin tout seul, je me suis dit qu'il pouvait aller loin », confiet-elle. Le basket fauteuil a succédé à la natation, puis ce fut la course avec des lames et enfin l'athlétisme en fauteuil, en 2014, grâce à l'école multisport de Tours. « Après des initiations, j'ai très vite senti mon potentiel », se remémore-t-il.
En début de saison, il a quitté Tours pour Talence (Gironde), où il s'entraîne au Creps (centre de ressources, d'expertise et de performance sportive) et étudie en troisième année de langues étrangères appliquées. Dans ce nouveau contexte, sa condition continue de lui coller à la peau, sans qu'il ne s'en plaigne. « Ma réalité est différente de celle de beaucoup de gens. Des sponsors m'ont refusé à cause de ce que je suis. Dans ces cas-là, tu peux te victimiser, dire que le monde est méchant. Moi, j'ai décidé de me battre pour mes rêves et pour que ma voix soit entendue. Je veux incarner un modèle d'inclusivité et d'exemplarité. Pour moi, c'est un devoir de montrer que, peu importe d'où l'on vient, on peut se donner les moyens de faire de grandes choses. »
Emploi : les vraies raisons des vagues de départs des salariés français
Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !