Dossard 57 épinglé à son maillot Kwantum-Decosol, dos arrondi, gants rouges agrippés au guidon, Adrie Van der Poel avale les derniers kilomètres du Tour des Flandres avec appétit, jusqu'au sprint final où il devance l'Irlandais Sean Kelly. Voilà résumée la victoire en 1986 du coureur néerlandais, spécialiste des courses d'un jour, comptant plus de 100 victoires à son palmarès. « Le pur "classicman", toujours placé, avec une grande connaissance des parcours et une belle pointe de vitesse », se souvient encore Yvon Madiot, 9e place et premier Français de cette édition.
Une fin de course ressortie des archives lorsque, trente-six ans plus tard, Mathieu, le fils d'Adrie, ayant hérité de bons gènes, a devancé Wout Van Aert, également au sprint. Son premier Monument. « Un rêve d'enfance » qu'il n'avait pas savouré immédiatement car, le nez dans le guidon, il n'avait pas vu qu'il avait franchi la ligne avant son grand rival belge. Depuis, « VDP » a ajouté un deuxième « Ronde » (2022) à son CV, puis Milan-Sanremo et Paris-Roubaix en 2023. Le Néerlandais a bien commencé le printemps, vainqueur du Grand Prix E3 et deuxième de Gand-Wevelgem derrière le champion du monde danois Mads Pedersen.
Les seuls père et fils vainqueurs d'un même Monument
Avant que Mathieu ne commence à rafler les classiques les plus prestigieuses, Adrie Van der Poel avait estimé, dans le quotidien belge La Dernière Heure, qu'il lui serait « plus facile » de gagner Sanremo que le Ronde. Un pronostic chronologiquement erroné mais chronométriquement exact : le sextuple champion du monde de cyclo-cross a triomphé dans la Primavera avec quinze secondes d'avance sur l'Italien Filippo Ganna, alors qu'il a dompté les monts flandriens dans le même temps que ses poursuivants, Van Aert la première fois, son compatriote Dylan Van Baarle la seconde.
Les Van der Poel ont ceci d'unique qu'ils sont les seuls père et fils vainqueurs d'un même Monument. « Du jamais-vu », confirme Dries De Zaeytijd, historien au musée de la Course cycliste de Roulers, en Belgique, qui n'oublie pas la 9e place en 1963 de Raymond Poulidor, le grand-père de Mathieu. Ce qui fait du Ronde une affaire de famille depuis plus d'un demi-siècle. Deux ans plus tôt, « Poupou » avait levé les bras à l'issue de Milan-Sanremo, autre connexion sportive avec son petit-fils.
Le précédent Masson
L'atavisme existe dans le cyclisme, mais un seul précédent se rapproche des Van der Poel : le Belge Émile Masson junior a remporté Paris-Roubaix en 1939, dix-sept ans après la troisième place de son père, Émile Masson senior. Encore plus fort, tous deux ont remporté Bordeaux-Paris, une classique abandonnée en 1988.
S'il a vaincu sur tous les terrains, la boue du cyclo-cross comme l'asphalte, Mathieu Van der Poel a fait du Ronde son favori, bien qu'il n'aime « pas beaucoup rouler sur les pavés », comme il l'a affirmé en début de semaine. Quand il n'y gagne pas, une année sur deux, il prend la deuxième place. Celle de l'an dernier, derrière un Tadej Pogacar « tellement fort », lui a laissé un goût d'inachevé. Le Slovène ne sera pas là, pas plus que Wout Van Aert, qui a lourdement chuté cette semaine. Un boulevard ? Mads Pedersen, Matteo Jorgenson ou encore Jasper Philipsen tenteront d'empêcher VDP d'ajouter un cliché à l'album de famille.
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