Rugby : la légende des « Tuilagix »

Posolo Tuilagi, 146 kilos à 19 ans, est l’héritier d’une famille de rugbymen surpuissants. Le phénomène tricolore est titulaire contre l’Italie.
Posolo Tuilagi à Édimbourg, le 10 février, lors d’Écosse-France.
Posolo Tuilagi à Édimbourg, le 10 février, lors d’Écosse-France. (Crédits : © MALCOLM MACKENZIE/PROSPORTSIMAGES/DPPI VIA AFP)

Ce 3 décembre 2023, le banquet d'avant-match du Racing club de Trèbes (Aude) fait irrésistiblement songer à la dernière planche d'un Astérix. Il y a là des victuailles à profusion, de la bonne humeur et des gabarits spectaculaires : ceux de la famille Tuilagi, les invités d'honneur. Mais qui dans le rôle d'Obélix ? Vavae Tuilagi, 120 kilos, devenu à 35 ans la vedette du club de Fédérale 3, après un passé professionnel à Narbonne et Carcassonne ? Son frère Henry, 47 ans, 130 kilos à l'époque où il terrorisait ses adversaires sous les couleurs des Samoa, de Leicester et de Perpignan ? Ou le fils de ce dernier, Posolo, 146 kilos, 19 ans, appelé à débuter en Bleu cet après-midi contre l'Italie à Lille (16 heures, France 2), au poste de deuxième ligne ?

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Au jeu du plus gros mangeur du cassoulet concocté pour l'occasion par l'Hôtel de la Cité, un cinq-étoiles de Carcassonne, il semble qu'Henry ait triomphé. Au point de piquer une sieste digestive au milieu des 250 convives. Mais pour le casting d'Obélix, son fils Posolo s'impose. Lors du sacre en Coupe du monde 2023 des moins de 20 ans, « Tuilagix » a enfoncé des cohortes d'adversaires. Il a crevé l'écran. Notamment en finale contre l'Irlande (50-14), lorsqu'il a soulevé de terre et emporté sur quelques mètres le demi de mêlée irlandais Fintan Gunne.

Pour ses débuts chez les A, à la 53e minute contre l'Irlande en ouverture du Tournoi des Six Nations (17-38), le 2 février, chacune de ses prises de balle a été accompagnée par les « ouh » du Vélodrome naguère réservés aux déboulés de Sébastien Chabal. « Il est étonnant et détonnant », synthétise Fabien Pelous. L'ancien capitaine des Bleus, grand maître de la confrérie des deuxièmes lignes, s'étonne de la précocité de ce successeur que les sélectionneurs auraient probablement laissé mûrir sans une avalanche de blessés (Emmanuel Meafou, Thibaud Flament, Romain Taofifenua) ou la suspension de Paul Willemse : « On a l'habitude de voir ces gros gabarits éclore plus vieux, car ce poste exige de l'expérience. »

Patrick Arlettaz, l'entraîneur de l'attaque du XV de France, qui l'a vu grandir à Perpignan (Usap), s'en est presque amusé cette semaine : « Il y a un an et demi, Posolo jouait en Crabos [juniors]. Très vite, il a été surclassé en Espoirs. Je pense qu'il ne va plus m'écouter parce que je lui avais dit "attention, il y a un gros passage entre les Crabos et les Espoirs". Et puis finalement il a traversé ça de manière très naturelle. » À l'Usap, où Posolo Tuilagi brille en Top 14, sa jeunesse ne l'empêche pas de dominer souvent son sujet. « Cette génération est mieux préparée que la mienne, convient Fabien Pelous. Elle a commencé la musculation dès 14 ans. Ça permet à un joueur comme lui de combiner puissance et énergie de la jeunesse. » Sans oublier qu'il a la dextérité d'un rugbyman de 50 kilos de moins. Dans les arrêts de jeu du deuxième match du Tournoi, en Écosse (16-20), sa main a sauvé la patrie en se glissant sous le ballon.

Ce colosse (1,94 mètre) précoce a de qui tenir. Son père, ex-troisième ligne centre, est une légende. L'ancien entraîneur de l'Afrique du Sud Jake White a raconté avoir vu son terrifiant pilier Os du Randt étourdi par un adversaire en une seule occasion : lorsqu'il a croisé Henry Tuilagi. L'ex-troisième ligne anglais James Haskell, un autre grand costaud, n'a « eu peur que d'un joueur » dans sa carrière : Henry Tuilagi. Ça vous pose un homme. Cinq des six frères d'Henry ont tâté du ballon ovale. Le plus célèbre : Manu Tuilagi, centre international anglais ayant plus d'une fois tyrannisé la défense tricolore et qui est annoncé la saison prochaine à... Perpignan. Parmi les six frères et sœurs de Posolo, quatre jouent au rugby, après avoir essayé en vain le handball ou le judo. L'un est centre à Périgueux (Fédérale 1). Un autre, pensionnaire des catégories de jeunes à l'Usap, pèse près de 130 kilos à 15 ans et est déjà considéré comme « le plus gros mangeur de la famille ». Sans compter les cousins...

Tous tiennent leur gabarit du patriarche : Vavae senior, chef traditionnel samoan et ancien employé de mairie, qui n'a pourtant pas joué au rugby. Dans sa jeunesse, le grand-père de Posolo a gagné quelques dollars grâce à ses talents de boxeur poids lourd. « Je ne l'ai jamais vu combattre parce que j'étais trop jeune pour ça, mais il nous disait qu'il avait été un sparring-partner de Mohamed Ali », raconte son fils Vavae junior, qui s'excuse de ne pas en savoir davantage et est visiblement gêné d'avoir à évoquer une quelconque gloire familiale.

Posolo est un bon garçon, poli, respectueux, et c'est plus fort que ses talents de rugbyman

Vavae Tuilagi, son oncle

Rien n'est plus important aux yeux des Tuilagi que cette simplicité non feinte. « Ce sont vraiment de bons gars, d'une rare gentillesse, qui savent rester humbles », décrit Jean Marson, président du RC Trèbes. Né aux Samoa, arrivé jeune en France dans le sillon paternel, Posolo vit toujours chez ses parents. Une évidence pour Vavae, lui-même père de quatre filles : « Chez nous, on ne laisse pas partir les enfants comme ça. On est stricts, c'est notre culture. Posolo est un bon garçon, poli, respectueux, et c'est plus fort que ses talents de rugbyman. »

Retour à Trèbes, ce 3 décembre. Posolo Tuilagi a donné le coup d'envoi du derby contre l'Arpal XV, fusion de clubs de la région de Limoux. Pour le voir en compagnie de son père et de son oncle, plus de 600 spectateurs se sont déplacés. « Un record », s'enorgueillit le président du RCT. Sur la pelouse, Vavae reçoit un carton rouge. Trèbes ne s'en remet pas (13-24). Henry et Posolo, restés pour la troisième mi-temps, le taquinent. Le lendemain, tous reprendront les affaires courantes. Henry, traiteur, est le fondateur de Chief 's Event. La description de son activité renvoie étonnamment aux Gaulois d'Uderzo : aidé par ses enfants, il organise des banquets en plein air qui réunissent jusqu'à 400 personnes, pour des mariages ou des baptêmes. Henry cuisine la viande, surtout le cochon. Cultivant ainsi la légende des « Tuilagix ».

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