« Moi président... » (Mourad Boudjellal, ex-président du RC Toulon)

ENTRETIEN - L’artisan des grandes années du RC Toulon s’amuse à appliquer ses recettes à succès à son ancien club... et au rival le plus titré, le Stade toulousain.
Mourad Boudjellal en 2019.
Mourad Boudjellal en 2019. (Crédits : LTD / LAURENT ARGUEYROLLES/PRESSE SPORTS)

Redevenu éditeur de bandes dessinées, depuis son retrait de l'Ovalie en 2020, Mourad Boudjellal s'est prêté au jeu du « moi président » en se glissant tour à tour dans la peau du patron du RC Toulon et du Stade toulousain, qui se sont affrontés hier à l'Orange Vélodrome en Top 14. L'occasion de constater que le dirigeant au palmarès étoffé (champion d'Europe 2013, 2014, 2015 et champion de France 2014) n'a rien perdu de sa créativité.

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LA TRIBUNE DIMANCHE - Vous président, quelle chanson lancez-vous à l'entrée des joueurs ?

MOURAD BOUDJELLAL - Pour Toulon. Aya Nakamura. Son tube Djadja peut sembler évident, mais je préfère La Dot. Contrairement à la facho-sphère, je pense que cette artiste représente la France d'une manière remarquable. Du haut de sa réussite, elle emmerde tous les gens sans talent qui ne pourront jamais remplir un stade.

Pour Toulouse. Je mets forcément Motivés, le Chant des partisans repris par 100 % Collègues, avec Mouss et Hakim de Zebda. Ils ont des têtes d'Arabes avec un putain d'accent toulousain : c'est ça la France ! Même si, comme de nombreux Marseillais, ils sont peut-être toulousains avant d'être français.

La statue de quel grand ancien installez-vous à l'entrée du stade ?

Pour Toulon. Celle de Jérôme Gallion [demi de mêlée de 1975 à 1989]. Pour moi, c'était le Johan Cruyff du rugby. Il était beau, avec un coup de reins impressionnant. La classe. Un vrai Toulonnais puisqu'il a été discriminé : il aurait dû avoir 50 sélections de plus [il en a eu 27], mais à l'époque il valait mieux être agenais, comme le président de la Fédération [Albert Ferrasse].

Pour Toulouse. Celle de Pierre Villepreux. Il avait quelque chose. À son époque, je découvrais le rugby [il a joué à Toulouse de 1965 à 1975]. Pour moi, c'était le plus fort car il enquillait tous les points au pied.

Qui faites-vous venir pour faire une grande causerie d'avant-match ?

Pour Toulon. L'ex-président, vous savez, celui qui a gagné trois Coupes d'Europe...

Pour Toulouse. Thomas Pesquet. Toulouse veut une sixième étoile [un nouveau titre européen] sur son maillot, ça tombe bien. Le sport n'est rien sans symbolique pour le relier à la société. Ceux qui ne comprennent pas ça passent à côté de tout. Ce lien permet de créer des publics qui s'identifient à une équipe.

Quels parrains choisissez-vous ?

Pour Toulon. Jean-Roch [homme d'affaires et musicien]. Un bel exemple de Toulonnais qui a réussi sans oublier ses racines. Je l'aime beaucoup. Il y a un très bon proverbe qui dit « qui réussit à Toulon réussit dans le monde ». Parce que la ville est dure.

Pour Toulouse. Francis Cabrel. Son accent et son identité toulousaine inspireraient tout le monde. Des grands chanteurs à texte avec un univers qu'on reconnaît tout de suite, il y en a peu. Il aime le rugby, pas la corrida : pour moi, il n'a que des qualités.

 Je mettrais Aya Nakamura à Toulon, Zebda à Toulouse

Quel slogan choisissez-vous pour l'affiche des matchs ?

Pour Toulon. « On craint degun ». C'est une expression très populaire chez nous, pour dire qu'on n'a peur de rien. Lors de notre retour en Top 14, on avait peur en allant jouer à Toulouse. Un de nos supporters s'était mis au premier rang avec une pancarte « On craint degun ». J'avais beaucoup aimé.

Pour Toulouse. « On vient, on gagne et on s'en va ». Parce que quand on joue contre Toulouse, on a l'impression qu'ils gagnent s'ils veulent, dès qu'ils se mettent en état de surmotivation.

Quel grand joueur essayez-vous d'attirer ?

Pour Toulon. Antoine Dupont, si on trouve une machine à cloner. De façon plus réaliste, Marcus Smith, le 10 de l'Angleterre. Il a une personnalité, un look. Autour de lui, on peut construire une image de club. Ça peut faire venir des gens au stade.

Pour Toulouse. Mark Telea, l'ailier des Blacks. Il a fait souffrir l'équipe de France [deux essais en ouverture de la Coupe du monde 2023]. Un mec comme ça, bien servi, ça peut faire mal.

Quels sont les trois joueurs auxquels vous proposez de prolonger en priorité ?

Pour Toulon. C'est moi qui les ai recrutés : Charles Ollivon, Baptiste Serin et Gabin Villière. Je les ai pris à une époque ou pas grand monde ne les voulait. Serin venait de Bordeaux, qui était content de prendre Lucu à sa place. Villière, je l'ai récupéré à Rouen sous la pluie. Et Ollivon après un match qu'on gagne à Bayonne. Mon entraîneur de l'époque [Bernard Laporte] m'a dit avec son accent du Sud-Ouest : « Le 8, il faut que tu le signes, il nous a tout fait cet enc... ! »

Pour Toulouse. Pas très compliqué : Antoine Dupont, Romain Ntamack et Thomas Ramos. Éventuellement, si on trouve le système pour cloner Dupont, j'en fait quinze.

Quel entraîneur recrutez-vous ?

Pour Toulon. Je garde Pierre Mignoni mais je lui donne un entourage pour qu'il se concentre à 100 % sur la stratégie, où il excelle. Ce mec peut passer des heures devant un écran pour trouver des combinaisons. Mais régler les problèmes extérieurs, ce n'est pas son truc. Pour l'entourer, je prends des mecs qui connaissent la vie, surtout pas le genre à sortir des grandes écoles. À Toulon, il ne faut pas des gens obéissants mais des créatifs qui sortent des normes. C'est l'intelligence de la rue.

Pour Toulouse. Je garde aussi Ugo Mola, un entraîneur exceptionnel avec des idées très intelligentes, taillé pour prendre un jour l'équipe de France. Certains disent : « Il a des résultats, mais c'est facile avec cette équipe. » Mais quand il met sa troisième équipe, au lieu d'en prendre 50, il gagne. Et c'est un super mec qui sait reconnaître la légitimité de ses rares défaites.

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