Raidlight, la PME française qui a la cote dans l'ultra-trail

Implanté au cœur du massif de la Chartreuse, Raidlight a misé sur l’authenticité pour se faire une place parmi les géants du secteur. Et ça marche.
Benoît Laval, en octobre 2023 en Jordanie.
Benoît Laval, en octobre 2023 en Jordanie. (Crédits : Reuters)

Au bivouac du Marathon des Sables, qui s'élance aujourd'hui, certains sujets de discussion reviennent aussi sûrement que les dunes dans le Sud Sahara marocain : l'état piteux des orteils, la fatigue ou la qualité du matériel. Au rayon sacs à dos ou tee-shirts ultralégers, deux marques françaises se taillent la part du lion, loin devant les poids lourds de l'outdoor (Salomon, Hoka ou Decathlon). Waa, la marque de l'organisateur Cyrille Gauthier, joue sur son terrain et domine au sein du peloton des 900 coureurs. Mais Raidlight empiète largement sur ses plates-bandes. Sur les chemins montagneux des trails traditionnels, elle surpasse même de loin sa concurrente du désert.

Lire aussiFootball : la mine d'or du Barça

La PME française est bien connue d'une grande partie du million de participants aux 4 000 trails organisés chaque année dans le pays. Avec ses 150 références et son chiffre d'affaires de 5,5 millions d'euros en 2023, elle est le plus petit des gros équipementiers, grâce à sa réputation d'ingéniosité agrémentée d'un parfum d'authenticité lié au parcours de son créateur, Benoît Laval.

C'est à plus de 2 000 kilomètres au nord, dans son bureau de Saint-Pierrede-Chartreuse (Isère), que le patron de Raidlight observera les deux premières des six étapes de la 38e édition du Marathon des Sables, le plus long de son histoire avec 252 kilomètres. À 51 ans, il serait encore capable de s'aligner, mais il a choisi de s'envoler mercredi pour le Népal et l'Himal Race, épreuve de trois semaines autour de l'Himalaya. « J'espère que j'y perdrai les 5 kilos que je traîne depuis quelque temps », s'amuse ce bon vivant et excellent traileur, 2e au Grand Raid de la Réunion en 2003 et 9e au Marathon des Sables un an plus tard.

La Barkley en quatre ans

Ingénieur textile de formation, passé par HEC et l'Insead, Benoît Laval a créé Raidlight en 1999 près de Saint-Étienne (Loire), sur la base de son expérience de coureur au long cours, en quête de matériel toujours plus léger et performant. « On dit souvent qu'on lance son entreprise dans son garage et c'est exactement mon cas, dit-il. L'idée a germé lors d'une traversée des Pyrénées que j'ai effectuée en 1994, à 22 ans. J'ai ressenti le besoin de concevoir du matériel mieux adapté à la pratique. » L'entreprise a pris une autre envergure en 2011, avec le déménagement dans une ancienne scierie à Saint-Pierre-de-Chartreuse. « Je cherchais un bâtiment au contact de la nature, pour y faire venir des clients, prendre un café, courir, prendre une douche après. J'ai trouvé une collectivité locale motivée pour nous accueillir ici. » Bien lui en a pris. Dans une zone de moyenne montagne touchée de plein fouet par le changement climatique, Raidlight emploie aujourd'hui 35 personnes sur son site de 1 200 mètres carrés et génère des emplois indirects grâce aux 10 000 trai-leurs attirés chaque année par ce lieu peu banal.

Le magasin jouxte le site de production, façon cuisine ouverte : entre deux essayages de vestes imperméables, les clients observent la confection de tee-shirts, de bobs et de sacs à dos. Certains font partie des 3 000 membres de la « communauté Raidlight », sollicités pour des essais de produits et des retours d'expérience. Seul l'équivalent de 20 % du chiffre d'affaires est fabriqué en France. « Impossible de faire plus, pour des questions de coûts et de délais, admet Benoît Laval. On fait tout ce qu'on peut. Nos tee-shirts personnalisés coûtent 30 euros à fabriquer au lieu de 1 euro au Bangladesh, on le fait quand même. On produit plus vite, on a une plus-value technique. »

Ce jour-là, le directeur d'atelier s'attelle avec ses couturiers à produire des bobs pour le désert et des sacs à dos. Tous deux ont été conçus par les designers maison. Lesquels, eux-mêmes coureurs aguerris, testent leurs produits sur la « Station de trail » balisée autour de leur bureau, dans le massif de la Chartreuse. « Si on sent une couture mal placée, un zip qui pourrait être plus accessible, on demande la modification directement », expliquent les responsables Thomas Pousset et Aurore Guerlot. Le concept de Station de trail a depuis largement essaimé. Ce n'est pas sa seule riche idée, aux yeux des puristes de l'ultra-trail, sport à l'esprit libertaire mais gagné par la concurrence entre courses aux dossards coûteux.

À contre-courant, Benoît Laval a importé deux mythes américains. Chaque année, il organise la Chartreuse Backyard Ultra, une course par élimination. Les coureurs partent pour une boucle de 6 704 kilomètres. Jusqu'à ce qu'il n'en reste qu'un en piste. Il a surtout adapté la Barkley, officieusement la course la plus dure du monde, rebaptisée la Chartreuse Terminorum. Lancée en 2017, c'est une épreuve de cinq tours de 60 kilomètres chacun à réaliser autour du monastère des Chartreux, sans balisage, sans GPS et sans assistance. Les cinq premiers coureurs ont tous franchi la ligne d'arrivée en 2023. Benoît Laval a eu l'honneur d'être sélectionné de 2016 à 2019 pour sa grande sœur américaine. « Il faut faire cinq tours pour la terminer, je l'ai fait... mais en quatre ans », ironise-t-il. L'éloge de la persévérance.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.