Rugby à 7 : Super Dupont entre en scène

Le capitaine du XV de France s’apprête à faire ses débuts officiels dans la discipline olympique, avec Paris en ligne de mire. Un défi à sa mesure.
Antoine Dupont s’essaye à la touche avec l’équipe de France de rugby à 7, au centre national à Marcoussis, début janvier.
Antoine Dupont s’essaye à la touche avec l’équipe de France de rugby à 7, au centre national à Marcoussis, début janvier. (Crédits : ©ALAIN MOUNIC/Presse sports)

L'échec en Coupe du Monde digéré, Antoine Dupont s'est donc trouvé une nouvelle mission : guider l'équipe de France de rugby à 7 vers les sommets olympiques. Une aventure qui prend de l'altitude cette semaine. Dispensé de Tournoi des Six Nations, le Toulousain s'est envolé hier pour Vancouver (Canada) afin d'y participer à sa première compétition officielle à partir de vendredi. Ce quatrième tournoi du circuit mondial 2024, le HSBC SVNS Series, sera scruté comme jamais. Tout comme l'étape à Los Angeles (États-Unis) la semaine suivante. Un coup de projecteur symbolique de l'impact de Dupont sur son sport.

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Adaptation expresse ?

Avec sa répétition de matchs, jusqu'à neuf en trois jours, et son terrain aussi vaste qu'à XV, le rugby à 7 sollicite le cœur et les cuisses à haute dose. « Adapter son physique est l'une des complexités du passage de XV à 7, souligne la légende française de la discipline Terry Bouhraoua. Antoine Dupont y a déjà joué quand il était jeune, il sait à quoi s'attendre. Et puis il a tellement de talent et de qualités athlétiques... » Jusqu'ici, le demi de mêlée tricolore n'a participé qu'à des entraînements à huis clos à Marcoussis début janvier puis à l'Insep la semaine passée. Les premiers échos sont bons. « On voit qu'il a des standards très élevés », s'est félicité le sélectionneur Jérôme Daret dans Midi olympique.

On le sait en forme. Avec le Stade toulousain, Antoine Dupont s'est montré époustouflant le 3 février contre Bayonne (46-26), deux jours avant de rejoindre sa sélection d'adoption. Il serait toutefois surprenant qu'il survole les débats à Vancouver, où il sera enfin testé à balles réelles. « On dit qu'il faut cinq tournois World Series pour commencer à maîtriser, prévient Terry Bouhraoua, du haut de ses 323 sélections. Mais avec Antoine, je pense que deux suffiront. C'est un bosseur et il a ce don. » Son explosivité, sa défense, ses passes après contact semblent taillées pour une discipline où l'on doit pouvoir couvrir plusieurs postes.

Hormis celui de pilier (nos 1 et 3), spécifique, il pourrait jouer partout : talonneur (2), demi de mêlée (4), ouvreur (5), centre (6 ou 7). « Ce qui va surprendre c'est de le voir dans un rôle auquel on n'est pas habitués au XV », reprend Terry Bouhraoua, qui estime que rien que sa présence « change la donne et sera utile ». À XV, elle suffit pour rassurer ses coéquipiers et inquiéter ses adversaires, contraints de le surveiller comme le lait sur le feu. Dans le meilleur des scénarios, il en ira donc de même à 7, faisant de la France une candidate crédible à la médaille malgré son début de saison décevant (une élimination en poule, deux quarts de finale). Fin 2023, les Bleus occupaient la 4e place mondiale, meilleure performance de leur histoire, derrière les Néo-Zélandais (1ers), les Argentins (2es) et les Fidjiens (3es). La non-qualification pour les JO de Tokyo en 2021 n'est plus qu'un mauvais souvenir.

Sur la carte du monde

La conversion d'Antoine Dupont au rugby à 7 est uniquement motivée par son rêve de participer aux Jeux olympiques. N'empêche, ses potentiels effets collatéraux sont puissants. S'il brillait à Paris cet été, le natif de Lannemezan (Hautes-Pyrénées) pourrait se placer sur la carte du sport mondial. « Les Chinois ou les Américains ne regardent pas le Tournoi des Six Nations ou la Coupe du monde de rugby alors que les JO ont une portée mondiale, résume Vincent Chaudel, fondateur de l'Observatoire du sport business. Il y a 206 délégations, les retransmissions sont en mondovision. Si l'équipe de France réussit sa compétition, Antoine Dupont sera l'attraction. Et, à l'étranger, on va parler de ce petit Frenchie qui a mis du monde dans les rues. »

Le 7, aux règles simples et aux scénarios souvent renversants grâce à ses mi-temps de sept minutes, est déjà plus populaire que le XV dans certaines régions du monde. « Il a déjà une audience assez folle en Asie, les stades sont pleins à Hong Kong », illustre Nicolas Keribin, directeur de Nielsen France. Dans l'Hexagone, la marge de progression de la notoriété d'Antoine Dupont est plus faible. La Coupe du monde à la maison l'a déjà fait exploser. « Dans nos études de juin, 30 % des Français disaient le connaître ; aujourd'hui, ils sont 66 %, indique Nicolas Keribin. Kylian Mbappé [83 %], Antoine Griezmann [79 %] ou Teddy Riner [76 %] sont au-dessus, mais la plupart des joueurs de l'équipe de France de football sont moins connus que lui. À titre de comparaison, Nikola Karabatic obtient 49 % de notoriété. »

Célèbre, Antoine Dupont est aussi apprécié : selon Nielsen, sa cote d'amour (8/10) est plus élevée que celle de Teddy Riner (7,5/10). En décembre, un sondage Odoxa l'a classé sportif préféré des Français devant Mbappé. Il faut se déplacer sur le terrain des réseaux sociaux pour mesurer les limites du rugby, ce sport non mondialisé. Les 870 000 suiveurs de Dupont sur Instagram ne pèsent pas lourd en comparaison des 112 millions de Mbappé, des 42 millions de Griezmann, ni même des 6 millions d'Aurélien Tchouameni ou des 2 millions de Lucas Hernandez. « Même si le marché du rugby est significatif, il y a un plafond de verre, note Christophe Quiquandon, conseiller en image devenu associé. Comme pour le meilleur joueur au monde de cricket... »

La clause à 400 000 euros

La tête de gondole de l'Ovalie pèse lourd. Son salaire dépasse les 600 000 euros brut annuels. Pour le laisser à disposition du XV de France pendant la Coupe du monde puis de la sélection de rugby à 7 pour les Jeux olympiques, le Stade toulousain a vu son salary cap relevé du montant record de 400 000 euros par la Ligue (LNR). Très au-dessus d'une mise à disposition pour la seule Coupe du monde (180 000 euros), ou des seuls JO. Une clause Dupont ficelée sur mesure ? Non, selon la LNR, Damian Penaud et Sekou Macalou ont aussi été pressentis pour rejoindre l'aventure olympique. « La Ligue a souhaité inciter les clubs à laisser leurs joueurs engagés à la Coupe du monde à XV s'impliquer à 7 en vue des JO à Paris, que ce soit Antoine Dupont ou un autre », soutient son directeur général, Emmanuel Eschalier.

Ses sponsors, plus rémunérateurs encore que son club (environ 1 million d'euros brut par an), ne s'en plaindront pas. Antoine Dupont représente Adidas, Volvic, Casino, Puressentiel, Audemars Piguet, Mondelez, ainsi que Peugeot à travers le Stade toulousain. Un nouveau partenaire important devrait les rejoindre mi-mars. Avec les JO, de nouvelles sollicitations pourraient se faire jour. Celles-ci ont connu un pic en 2021 quand il a été élu meilleur joueur du monde. Elles se sont calmées depuis, non en raison d'une perte d'attractivité mais parce que le ticket et les critères d'entrée ont été revus à la hausse. « Avant, indique Christophe Quiquandon, on avait parfois des demandes farfelues comme des échanges de dotation en barres de céréales. On n'en a plus trop. »

Prendre la lumière des JO, c'est aussi renégocier ou actionner des bonus. Pour tous ses grands sportifs sous contrat, Adidas prévoit des clauses. Une médaille olympique, comme une victoire dans le Tournoi ou un titre de meilleur joueur du monde, et le montant grimpe. Le fil conducteur derrière ces partenariats ? « Un mélange de paramètres », selon Christophe Quiquandon, qui cite le sens, le caractère premium, la compréhension de son agenda - créneau bloqué le lundi en fin de journée à Toulouse - et, évidemment, la dimension économique : « Antoine n'est pas un joueur de foot, ces revenus peuvent lui permettre de lancer des projets et avoir un impact sur sa vie d'homme. »

4 Le classement de l'équipe de France de rugby à 7 à l'issue des World Series 2023

66 % Son taux de notoriété actuel auprès des Français, alors qu'il était de 30 % avant la Coupe du monde

6 SPONSORS sont associés à Antoine Dupont. Deux contrats se sont arrêtés fin 2023 (Ami et SNCF), un doit bientôt arriver

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