Le port de Nantes Saint-Nazaire fait le pari de l’éolien flottant

Point de transit pour 10% des énergies carbonées consommées en France, le port de Nantes-Saint-Nazaire ambitionne de devenir un hub des énergies décarbonées d’ici 15 à 20 ans. Cette mutation écologique et économique aussi radicale que progressive va imposer un changement d’échelle pour le quatrième port français, petit parmi les grands et grand parmi les petits… confronté à des problématiques de foncier, d’acceptabilité et d’anticipation. Pour rester dans la course, le port cherche à basculer vers les énergies renouvelables, notamment vers l’éolien offshore et surtout flottant.
Projection du projet Eole à Saint-Nazaire  où le port de Nantes Saint-Nazaire entend investir près de 200 millions d'euros pour permettre le développment d'une filière dédiée à l'éolien flottant.   © F.Badaire -vue 3D Jacques Rouzeval
Projection du projet Eole à Saint-Nazaire où le port de Nantes Saint-Nazaire entend investir près de 200 millions d'euros pour permettre le développment d'une filière dédiée à l'éolien flottant. © F.Badaire -vue 3D Jacques Rouzeval (Crédits : credit photo F.Badaire -vue 3D Jacques Rouzeval)

Berceau de la construction de navires transatlantiques, le port de Saint-Nazaire verra-t-il demain, des éoliennes flottantes, hautes comme des tours Eiffel, assemblées sur ses quais et remorquées au large pour aller chercher les vents propices à la production d'électricité nationale ? Pour l'instant, seule une vue d'artiste permet d'éveiller les consciences sur ce que pourrait être le port de Nantes-Saint-Nazaire, dans le monde d'après. Dans les services du Grand Port Maritime de Nantes-Saint-Nazaire (GPMNSN), en revanche, ce projet, baptisé Eole, pierre angulaire de la transition énergétique de l'établissement portuaire, est déjà une réalité. « On y travaille depuis un an et demi. Le programme est calé avec les industriels. Les études géotechniques et de faisabilité sont lancées. L'investissement est chiffré à hauteur de 130 millions d'euros auxquels s'ajouteront 80 à 90 millions d'euros pour les équipements de levage », détaille Julien Dujardin, directeur adjoint du GPMNSN. L'État, de son côté, vient d'annoncer qu'il contribuerait à ces études à hauteur de 1,2 million d'euros. La concertation publique est prévue pour la fin de l'année 2023. Car, des impacts, il y en aura. Pour le moins, visuels pour les Nazairiens. Pour le port, l'enjeu est considérable. « Il ne s'agit plus de transporter des turbines de 400 tonnes, mais de lever à 250 mètres des machines de 1.000, 1.200 ou 1.500 tonnes. Le système portuaire n'est pas fait pour cela. Là, on change carrément de dimension... », reconnaît Julien Dujardin. Cette démarche de décarbonation, si elle veut contribuer à l'avenir énergétique du pays, n'échappera pas au débat citoyen.

La raréfaction foncière oblige à des choix

Ce changement d'échelle, c'est tout bonnement une remise à plat du modèle économique du quatrième port français. Pour conserver sa place, il doit se réinventer. Car, ce qui était sa force est devenue une fragilité clairement identifiée au regard des objectifs de la transition énergétique. Dépendant pour plus de 70% de ses trafics des énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon), le Grand Port Maritime de Nantes Saint-Nazaire qui, après des années de tergiversations, semble prêt à faire sa mue. Avec l'objectif de devenir, a minima l'Ecoport national du Grand Ouest. A l'aune d'un projet stratégique établi pour 2021-2026, le port se rêve en hub des énergies renouvelables. Avec dans ses bagages quelques atouts, et dans sa chaussure, quelques cailloux, comme un foncier, extrêmement limité. Implanté sur un espace de 2.722 hectares, le port de Nantes-Saint-Nazaire détient 1.177 hectares d'espaces naturels et 1.545 hectares d'espaces industrialo-portuaires aménagés ou autorisés à l'aménagement. Entre les sites de Cheviré (Nantes), et Montoir de Bretagne, en aval de la Loire, la réserve foncière représente à tout casser 150 à 200 hectares.

La question de la valorisation domaniale est au cœur des enjeux de développement. Avec la nécessité d'acculturer les industriels et les logisticiens aux problématiques du ZAN (Zéro Artificialisation Nette), déjà inscrites dans le projet stratégique, « mais où se pose la question de l'intérêt national dans les fonctions portuaires », interrogent Julien Dujardin, sur la même longueur d'onde qie la présidente de la région, Christelle Morançais, présidente du conseil de surveillance de Nantes Saint-Nazaire Port. « La raréfaction foncière est un vrai sujet qui nous amène à faire des choix extrêmement contraints pour compenser l'arrêt du charbon programmé à l'horizon 2026-2027 et la baisse des énergies fossiles. La question est de savoir quand cela va s'arrêter ? », dit-il. Et ce jour-là, il faudra être prêt.

La filière s'est structurée et formée

Plus petit des grands ports français et plus grand parmi les petits, le port de Nantes-Saint-Nazaire, considéré comme un couteau suisse de par la diversité de ses trafics, recèle néanmoins quelques atouts. Comme celui d'avoir permis la livraison du premier parc éolien français avec 45 jours d'avance ! Et l'écosystème s'est structuré avec sur le territoire des fleurons comme les Chantiers de l'Atlantique, fabricant des sous-stations électriques, l'usine de Général Electric, qui exporte une partie de sa production de nacelles aux USA, un pool de sous-traitants (Neopolia) et une supply chain logistique, aujourd'hui acculturés et formés aux spécificités des chantiers hors normes de l'éolien offshore. Un savoir-faire sur lequel le port de Nantes-Saint-Nazaire, comptant sur le principe de réalité géographique, espère capitaliser lors de l'attribution portuaire du parc Yeu-Noirmoutier pour laquelle la décision n'a pas encore été annoncée. Pour éviter les pics de production à gérer en parallèle de ses services traditionnels, c'est sur l'éolien flottant, avec son projet Eole, que le port de Nantes-Nazaire entend se démarquer. C'est lui encore qui avait permis l'acheminement du premier prototype d'éolienne flottante d'Ideol sur le site d'expérimentation Sem-Rev au large du Croisic. Entièrement montée, celle-ci avait traversé le port de Saint-Nazaire poussée par des remorqueurs.

Anticiper malgré des technologies non matures

Cette manœuvre sera, néanmoins, impossible avec les futures éoliennes flottantes hautes de 300 mètres, montées sur des flotteurs d'une centaine de mètres de côté dans la configuration portuaire actuelle. D'où la nécessité de trouver un site disposant de 14 mètres de tirant d'eau et 300 mètres de tirant d'air, d'allonger le quai d'accès de 700 mètres, de le renforcer à plus de 30 tonnes par mètres carré, de prévoir un poste d'échouage pour les flotteurs et d'avoir la capacité d'accueillir les énormes navires jack-up. Complexe, « d'autant qu'il existe une soixantaine de technologies et qu'aucune n'est véritablement mature aujourd'hui. Et pourtant on doit anticiper, si l'on veut pouvoir atteindre les ambitions affichées par le gouvernement », indique Julien Desjardins. A savoir, disposer, en France, d'un parc éolien offshore de 40 à 45 GW à l'horizon 2050. « L'arc Atlantique constitue la zone la plus propice à son développement avec un potentiel de 20 à 30 GW. A condition d'y implanter 1500 éoliennes. L'éolien flottant permettra d'aller chercher des vents plus forts et plus loin des yeux des riverains », défend le directeur général adjoint de ce couteau suisse, bien résolu à devenir un hub des énergies décarbonées grâce l'éolien offshore flottant, l'acheminement et le stockage de e-carburants qui emprunteront les tuyaux autrefois dédiés aux énergies fossiles ou encore à l'hydrogène... Une autre histoire.

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