Nantes : le Sénat pousse 15 propositions pour moderniser en urgence l’aéroport

Près de six ans après l'abandon du projet de Notre-Dame-des-Landes, le dossier de l'aéroport de Nantes-Atlantique (Loire-Atlantique) vient d'atterrir au Sénat. Le Vendéen (LR) Didier Mandelli vient de présenter les principales conclusions de son rapport d'information sur la modernisation du site. Des propositions qui ne laissent pas insensibles le président de la CCI Nantes Saint-Nazaire Yann Trichard. Explications.
Le 20 décembre, la commission de l’aménagement du territoire a voté à l’unanimité le rapport du sénateur LR Didier Mandelli au sujet de la modernisation de l’aéroport de Nantes-Atlantique (Loire-Atlantique)
Le 20 décembre, la commission de l’aménagement du territoire a voté à l’unanimité le rapport du sénateur LR Didier Mandelli au sujet de la modernisation de l’aéroport de Nantes-Atlantique (Loire-Atlantique) (Crédits : Nick Resmann)

Comprendre pourquoi, près de six ans après l'abandon du projet de Notre-Dame-des-Landes, la modernisation de l'aéroport de Nantes-Atlantique est toujours au point mort et formuler des recommandations pour sortir au plus vite de l'impasse. Telle est la mission qui a été confiée au sénateur (LR) de Vendée Didier Mandelli, rapporteur de la mission d'information « flash » portée par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.

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Ce dossier prend racine dans un projet plus ancien et complexe : la construction d'un aéroport à Notre-Dame-des-Landes qui remonte aux années 1960, avant d'être abandonné en 2018. Suite à quoi le gouvernement s'est engagé à moderniser l'aéroport de Nantes-Atlantique. En ce sens, une procédure d'appel d'offres pour la remise en concession de cette infrastructure et sa modernisation a été lancée en 2019 avant qu'elle ne soit annulée par le gouvernement en octobre dernier. Un nouvel avis de concession a alors été publié le 15 décembre.

« Une décision lourde de conséquences puisque les travaux de modernisation de l'aéroport, pourtant indispensables, ne pourront démarrer qu'en 2026 ou 2027 dans le meilleur des cas. Une situation très insatisfaisante pour l'ensemble des acteurs du territoire », introduit Didier Mandelli, rapporteur de la mission d'information « flash » relative à la modernisation de l'aéroport de Nantes-Atlantique, lors d'une conférence de presse ce mercredi 20 décembre.

« Il y a urgence »

D'emblée, le sénateur vendéen dresse un constat « alarmant » : « les nombreuses promesses formulées par l'État depuis 2018 consécutivement à la décision de maintenir en activité l'aéroport de Nantes-Atlantique n'ont été que peu suivies d'effets ». D'après lui, l'aéroport demeure dans « un état de vétusté avéré » et « la qualité de service y est toujours insuffisante, au détriment des voyageurs et des compagnies aériennes ». Alors que « les compensations promises afin d'améliorer la desserte ferroviaire de la région nantaise se font toujours en grande partie attendre ».

Surtout, la méthode employée par le gouvernement n'aurait pas permis, selon lui, d'assurer le dialogue avec les forces vives du territoire nantais et d'avoir une transparence nécessaire. « Il y a eu beaucoup d'opacité dans ce dossier, qui a créé un climat de suspicion. »

Face à ces constats, la mission d'information formule 15 suggestions selon trois axes et deux objectifs : renouer les liens de confiance avec le territoire nantais et ses habitants et répondre aux enjeux de la modernisation de l'aéroport de Nantes-Atlantique. « Il y a urgence », lâche-t-il.

Agir « au plus vite » pour la modernisation de l'aéroport

Le premier axe de son rapport long de 93 pages est d'« agir au plus vite pour la modernisation de l'aéroport » et ce, en accentuant « les efforts de co-construction avec les acteurs du territoire tout au long de la procédure », afin de favoriser une certaine « transparence ». D'après Didier Mandelli, des travaux d'entretien de l'aéroport doivent être urgemment menés par le concessionnaire actuel AGO Vinci en mettant l'accent sur « l'amélioration des conditions d'accueil des voyageurs, la sécurité de la piste et la conformité des infrastructures aux obligations issues du règlement européen « AFIR ».

Contactée par La Tribune, la société AGO Vinci a décliné notre demande d'interview précisant qu'elle n'avait « pas de commentaires spécifiques à faire ». La région Pays de la Loire, la métropole  Nantes Métropole et le Medef Loire Atlantique n'étaient, elles, pas en mesure de répondre dans les délais impartis.

Deux points doivent faire l'objet d'une forte vigilance. Primo : l'association des acteurs locaux (élus locaux, milieux socio-économiques et riverains) dans l'élaboration du futur cahier des charges, en particulier sur le volet relatif à l'environnement et aux nuisances sonores. A ce titre, il préconise la mise en place de réunions de concertation régulières et demande à ce que le projet de cahier des charges soit soumis pour avis aux collectivités territoriales directement concernées par ce projet de modernisation de l'aéroport. Secundo : il souhaite que ce document soit rendu public.

En outre, le rapporteur s'alarme du recours étonnamment « massif » aux cabinets privés de conseil sur les politiques publiques pour un montant pouvant atteindre 12 millions d'euros. Selon lui, ces organismes doivent être sollicités « seulement quand cela est nécessaire ». Le rapport précise qu'il est impératif d'encadrer « strictement » leur recours dans la gestion du projet de modernisation de l'aéroport de Nantes-Atlantique et d'assurer la publicité des prestations demandées.

Protéger le lac de Grand-Lieu

Le deuxième axe de préconisation de ce rapport d'information concerne une meilleure maîtrise de l'impact environnemental de l'aéroport situé à moins de trois kilomètres de la réserve naturelle nationale du lac de Grand-Lieu.

Le sénateur vendéen conseille le lancement « dès aujourd'hui » d'une étude destinée à mesurer les effets des nuisances issues de l'aéroport sur ce site naturel. D'autre part, il attend que le cahier des charges soit « plus ambitieux » sur le plan environnemental pour le prochain appel d'offres, notamment concernant la décarbonation des engins de piste et la maîtrise du foncier utilisé.

La santé des populations : une priorité

Le troisième et dernier axe d'orientation porte sur « un enjeu essentiel » : faire de la santé des populations riveraines de l'aéroport une priorité car « elles subissent un haut niveau de nuisances sonores aériennes, du fait de la proximité immédiate de l'aéroport avec le centre-ville de Nantes et des trajectoires de décollage et d'atterrissage des avions, qui survolent à basse altitude des zones habitées ».

Parmi ses pistes, Didier Mandelli préconise un renforcement du couvre-feu en vigueur depuis 2022, avec une interdiction des atterrissages avant 7 heures du matin, contre 6 heures actuellement, et une interdiction des décollages après 21 heures, contre minuit actuellement.

Il ajoute que le renouvellement des flottes d'aéronefs moins bruyants, un levier déjà activé par d'autres aéroports situés en zone urbaine, est une autre piste à explorer à Nantes. « J'incite les compagnies aériennes à renouveler leurs flottes. Un système de bonus-malus serait alors accordé à celles qui le font rapidement. »

Une autre procédure pourrait être utilisée à Nantes-Atlantique : l'approche satellitaire dite RNP AR, comme cela se fait à Ajaccio, qui permettrait de conserver la trajectoire dérogatoire actuelle, tout en la rendant plus sûre et fluide et donc, moins bruyante pour les populations survolées. Le rapporteur juge opportun de prévoir une application obligatoire de ce dispositif d'ici à 2027.

Des aides pour les riverains encore plus importantes

Concernant les travaux d'insonorisation des logements situés dans les zones du Plan de Gêne Sonore (PGS), le rapporteur estime que le rehaussement de 25% du plafond d'aide, annoncé par le ministre des Transports le 17 novembre dernier lors de sa venue à Nantes, n'est pas à la hauteur des besoins. Il suggère donc une augmentation plus conséquente, de l'ordre d'un tiers, pour tenir compte de l'inflation du coût des travaux. Et afin que les riverains ayant réalisé des travaux d'isolation il y a plus d'une dizaine d'années puissent bénéficier de nouvelles aides, il demande une réouverture du dispositif, les techniques d'insonorisation ayant évolué entre-temps.

Pour conclure, Didier Mandelli précise qu'un rapport d'étape avec Clément Beaune s'est tenu il y a une quinzaine de jours. Reste à savoir si ses conclusions seront suivies par le gouvernement.

La réaction du président de la Chambre de commerce et d'industrie

« Protéger les populations et aller vite dans la mise en place d'une nouvelle plateforme aéroportuaire » sont les deux priorités affichées par Yann Trichard, président de la CCI de Nantes Saint-Nazaire contacté par La Tribune à l'issue de cette conférence de presse. « C'est la moindre des choses après toutes ces années », souligne-t-il.

L'élu se dit satisfait de voir avancer ce dossier et se dit prêt à participer aux réunions de concertation qu'il juge « indispensables » dans un objectif de co-construction.

Concernent le renforcement du couvre-feu, il se dit en revanche « surpris ». « Si le sujet est plus aucun décollage à partir de 21 heures, ce couvre-feu étendu va rompre les équilibres économiques nécessaires au bon fonctionnement de l'aéroport et réduire drastiquement l'intérêt de la plateforme nantaise, ce qui aurait des conséquences économiques importantes", déclare-t-il. Selon lui, le couvre-feu actuel est cohérent. « Le vrai sujet ce n'est pas celui des horaires mais la protection des populations. »

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Commentaire 1
à écrit le 21/12/2023 à 22:54
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