Agriodor détruit les insectes ravageurs sans pesticides

Certains insectes sont très sensibles aux odeurs. C’est en travaillant sur ces molécules que l’agritech Agriodor a développé des pièges et des parfums pour attirer et détruire les ravageurs. Une méthode qui permet d’éviter le recours massif aux pesticides.
(Crédits : Pixabay)

Il n'y a pas que les humains qui sont sensibles aux parfums. Certains insectes se servent des kairomones, des molécules odorantes émises par les plantes, pour les trouver et s'en nourrir. La deeptech Agriodor s'est spécialisée dans cette technique. Elle a été fondée en janvier 2019 par Ene Leppik, chercheuse qui a fait sa thèse à l'INRAE de Versailles, et Alain Thibault, investisseur et spécialiste de l'accélération des sociétés. « Après cinq ans de recherches sur la manipulation comportementale des insectes grâce à des médiateurs chimiques, INRAE a déposé deux brevets. Pour les valoriser, j'ai incubé le projet chez Incuballiance. C'est là que j'ai rencontré Alain Thibault et Alexandra Faure Nardonnet » raconte Ene Leppik. L'agritech a déménagé en février 2021 à Rennes. Elle emploie 13 collaborateurs (dont 70 % de femmes) et 10 salariés dont 4 docteurs en science et 2 agronomes.

Ces solutions de biocontrôle utilisent les « sens chimiques » de certains insectes ravageurs pour les égarer et les piéger. « Nous prélevons les odeurs émises par la plante, nous les analysons en chimie analytique puis nous regardons comment les insectes perçoivent ces odeurs » détaille la chercheuse estonienne. Ces odeurs sont ensuite reformulées pour contrôler les insectes. Il existe trois grandes stratégies de manipulation du comportement des insectes par des odeurs. Créer des kairomones attractifs associés à des pièges, qui fonctionnent bien sur les insectes monophages, ceux qui se développent aux dépens d'une seule espèce de plante, comme les bruches. Pour les polyphages comme le puceron, Agriodor travaille sur une stratégie de répulsion. « On masque l'odeur de la culture au moment sensible de la colonisation par ces ravageurs : l'insecte ne retrouve pas la parcelle qu'il veut attaquer et va aller sur d'autres plantes » précise Ene Leppik. La troisième stratégie est plus indirecte. Elle consiste à attirer la faune auxiliaire, prédateurs et parasitoïdes comme les coccinelles ou les chrysopes, qui viennent limiter la population des ravageurs.

Plus d'odeurs, moins de pesticides

Agriodor a déjà expérimenté ses solutions sur la culture de la féverole, une légumineuse riche en protéines végétales. « Nous avons fait des essais sur 360 hectares de champs pour attirer et détruire les bruches, des petits coléoptères qui infestent les graines. Nous avons divisé le taux de plantes abîmées par ces insectes par trois en capturant jusqu'à 6 000 bruches par semaine » précise la cofondatrice d'Agriodor. La culture des fèves étant très réduite, la deeptech a élargi ses expérimentations sur les lentilles et les pois, d'autres légumineuses qui contribuent à l'indépendance protéique de la France vis-à-vis du soja OGM. Ces outils peuvent limiter l'utilisation des pesticides, même s'ils ne seront jamais aussi efficaces que les insecticides chimiques. Ene Leppik propose de combiner des solutions de biocontrôle avec celles basés sur les kairomones pour une efficacité optimale sur les ravageurs. « Il existe une synergie entre l'insecticide et les kairomones, qui ne détruisent pas 100 % des insectes » estime l'entrepreneuse.

Agriodor a signé un contrat avec la société De Sangosse qui va commercialiser ses produits. Bpifrance soutient l'agritech depuis sa création en 2019. Agriodor a reçu 190 000 euros en subvention via la Bourse French Tech Emergence et Innov'up Expérimentation. Elle a également été labellisée AgriO en 2020 et listée dans les pépites des startups agritech puis agréée Protein Connect en 2021. Aux entrepreneurs du secteur agritech qui voudraient se lancer dans l'aventure, Ene Leppik conseille de « rester fidèles à leurs valeurs et à leur vision ». La sienne étant de participer à la baisse de l''utilisation des pesticides et insecticides en privilégiant des solutions naturelles et respectueuses de l'environnement. Agriodor fait également partie des laboratoires choisis par le Ministère de l'Agriculture pour travailler sur les alternatives aux néonicotinoïdes afin de protéger les betteraves des pucerons vecteurs de la jaunisse. La deeptech a un plan de R&D en cours avec des partenaires internationaux : « nous souhaitons avoir un impact sur le territoire français mais également européen et américain » conclut Ene Leppik.

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Commentaire 1
à écrit le 08/01/2022 à 8:35
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de la belle chimie orga high tech en perspective . Très intéressant article. EELV qu'en dit-il concrètement ? Là c'est du carboné pour la bonne cause !!!

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