"La lutte contre le réchauffement climatique n’est pas anti-économique", Laurent Bataille (Schneider Electric France)

Leader mondial de la gestion de l’électricité, Schneider Electric entend bien accélérer la transformation numérique pour optimiser la distribution électrique. Objectif : décarboner efficacement. Le point avec Laurent Bataille, président de Schneider Electric France depuis juillet 2021. (Cet article est issu de T La Revue de La Tribune - N°6 Octobre 2021)
Laurent Bataille, président de Schneider Electric France
Laurent Bataille, président de Schneider Electric France (Crédits : Nicole Connolly)

Quels sont les grands enjeux liés au secteur électrique aujourd'hui ?

Laurent Bataille Le récent rapport du GIEC est venu nous rappeler l'urgence climatique, et avant cela, la crise de la Covid-19 a également renforcé la prise de conscience collective sur la fragilité du système. En conséquence, de nombreux décideurs se posent désormais des questions structurelles. Nous approchons de la fin de « l'âge du feu » : le temps où l'énergie carbonée dominait nos vies se termine. L'électricité, qui est l'énergie la plus efficace, puisqu'elle engendre moins de déperditions et peut être contrôlée et stockée, va progressivement prendre une place dominante dans notre vie quotidienne et la plupart des activités économiques et industrielles. Ce n'est pas par hasard que le slogan de Schneider Electric est « Life Is On » ! Tandis que nous entrons dans l'ère de l'électrification des transports, nous allons avoir besoin de davantage d'électricité. Il va donc falloir d'une part la produire, mais de l'autre, l'économiser, si nous voulons atteindre une société décarbonée et efficace. Ce qui est clair, c'est que la lutte contre le réchauffement climatique n'est pas anti-économique. Au contraire, via la technologie, elle est créatrice d'emplois.

Quel est selon vous le meilleur mix énergétique ?

L.B. Pourvu qu'on aille dans le sens de la décarbonation, il n'y a pas de mauvais choix ! En France, nous avons la chance de pouvoir nous appuyer sur une électricité déjà largement décarbonée, en particulier avec nos capacités historiques dans le nucléaire et l'énergie hydraulique. Il faut aujourd'hui redoubler nos efforts dans les domaines du solaire et de l'éolien, sans négliger de chercher toujours plus d'efficacité énergétique aux points de consommation, pour une transition réussie !

Le métier de Schneider Electric est de mettre sur le marché des solutions permettant d'organiser « un dialogue entre la production et la consommation ». Pouvez-vous nous en dire plus ?

L.B. Nous sommes en effet leader mondial en gestion de l'énergie, grâce à nos produits, systèmes et logiciels pour gérer la distribution électrique. Nous nous sommes donné pour mission d'être le partenaire digital de nos clients pour leur développement durable et leur efficacité. Si nous ne résolvons pas cette équation du « mieux » et du « moins », nous ne réussirons pas la nécessaire décarbonation de l'économie. Elle est possible, car les technologies existent aujourd'hui. Il faut simplement qu'elles soient davantage et plus rapidement déployées ! Nous servons de nombreux segments de marché : les particuliers évidemment, l'industrie, les data centers... Nous sommes particulièrement présents dans le secteur du bâtiment, qui reste, en prenant en compte l'ensemble de son cycle de vie - construction, opération, démolition - le premier émetteur de gaz à effet de serre dans le monde, devant le transport et l'industrie. En outre, nos solutions, qui peuvent être très frugales, sont disponibles à l'échelle de la planète, y compris dans les pays en développement dont les populations doivent pouvoir accéder à l'énergie. C'est un droit humain fondamental. Nous proposons pour ces pays des offres adaptées, en fonction de leurs besoins et de leurs moyens financiers.

Quelles sont vos dernières innovations ?

L.B. Nous investissons en R&D 5 % de notre chiffre d'affaires (de plus de 25 milliards d'euros en 2020 pour 135 000 salariés dans une centaine de pays), et nous pouvons dire que nous lançons, sur l'ensemble de la chaîne de valeur, quasiment une nouvelle offre par jour à l'échelle mondiale ! En outre, nous travaillons sur la décarbonation de nos propres produits. Nous pouvons ainsi, après plus de dix ans de recherche, proposer les premiers appareils moyenne-tension sans hexafluorure de soufre (SF6), un gaz à effet de serre puissant, longtemps jugé incontournable pour ses avantages dans la maîtrise de l'électricité. C'est une rupture technologique majeure. Par ailleurs, nous lançons, en ce mois de septembre, la première gamme de tableaux électriques totalement connectés pour les bâtiments du tertiaire, pour plus d'intelligence et d'efficacité. Au-delà de ces nouvelles offres proposées à nos clients, nous cherchons également à décarboner nos activités. Ainsi, notre nouveau hub à Grenoble, IntenCity, largement dévolu à la R&D, est un bâtiment à énergie positive, grâce à la combinaison de production renouvelable et de nos solutions d'efficacité énergétique. Enfin, nous avons plusieurs centaines d'ingénieurs dans le monde qui planchent chaque jour sur de nouvelles applications digitales pour servir nos marchés et les rendre encore plus intelligents. À cet égard, nous croyons à l'effet de plateforme et à la co-innovation, c'est pourquoi nous nouons nombre de partenariats et soutenons, avec d'autres industriels, des start-up, telle Verkor, qui prévoit une méga-usine de batteries en France pour dynamiser le développement du véhicule électrique et dont la production devrait débuter en 2023 avec une capacité initiale de 16 GWh. Le défi climatique est tel qu'aucune entreprise n'a, seule, la solution.

Que contient votre nouveau plan, le Zero Carbon Project ?

L.B. Nous nous sommes fixé comme objectif d'être une entreprise neutre en émissions carbone à l'horizon 2040. Depuis 2005, nous mesurons notre impact social et environnemental, grâce à un baromètre de durabilité, mis à jour tous les trois ans. Cette initiative, le Zero Carbon Project, s'inscrit dans notre programme intermédiaire pour 2025, qui veut non seulement que nos produits contiennent 50 % de matériaux durables et que 100 % de nos packagings primaires et secondaires soient sans plastique à usage unique et à base de carton recyclé, mais aussi que 80 % de notre revenu ait un impact positif pour l'environnement et que 800 millions de tonnes d'émissions soient économisées ou évitées chez nos clients. Avec le Zero Carbon Project, nous voulons nous assurer que 1 000 de nos fournisseurs, les principaux, qui représentent 70 % de l'empreinte carbone étendue de Schneider Electric, réduisent de 50 % leurs propres émissions d'ici 2025. Pour ce faire, nous allons les accompagner avec nos outils, mais aussi avec un plan d'actions élaboré avec eux.

Schneider Electric est en tête du classement 2021 des Global 100 établi par Corporate Knights. Vous êtes donc l'entreprise la plus durable au monde... Les investisseurs y sont-ils sensibles ?

L.B. Absolument. C'est une distinction à laquelle sont sensibles toutes nos parties prenantes ! C'est aussi le cas de nos collaborateurs. Notre politique RSE est très riche. Nous avons ainsi pris l'engagement, en 2009, de former un million de personnes éloignées de l'emploi à horizon 2025. Nous aidons également les jeunes, notamment par le biais de l'apprentissage et nous formons 1 000 apprentis par an. Sur 16 000 collaborateurs en France, c'est une belle proportion. Nos salariés, très engagés, pratiquent aussi le transfert de savoir-faire en matière d'électricité dans certains pays, et sont, de manière générale, très soucieux du social.

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Cet article est extrait de "T" La Revue de La Tribune n°6 - PLANETE MON AMOUR - Réparons les dégâts ! Octobre  2021 - Découvrez la version papier

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