Antitrust  : Epic Games (Fortnite) gagne une manche décisive contre Google

Plus de trois ans après le début de sa rébellion contre Apple et Google, Epic Games a remporté ce lundi une victoire majeure contre le moteur de recherche grâce à un jury californien convaincu que le géant des technologies abuse de son monopole sur le marché des applications mobiles, au détriment des développeurs. Google compte contester la décision.
Selon un dirigeant, « Android et Google Play offrent plus de choix et d'ouverture que n'importe quelle autre grande plateforme mobile ».
Selon un dirigeant, « Android et Google Play offrent plus de choix et d'ouverture que n'importe quelle autre grande plateforme mobile ». (Crédits : STEVE MARCUS)

Et, à la fin du jeu, c'est Epic Games qui remporte la « Battle Royale ». Trois ans de procédure, quatre semaines de témoignage et, au bout, pour l'éditeur du jeu phénomène Fortnite, la victoire, grâce à un jury californien.

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Un grand soulagement pour Tim Sweeney, patron d'Epic Games, qui s'est embarqué à l'été 2020 dans une guerre contre Google et Apple, qui dominent l'économie mobile mondiale. « Le travail du tribunal sur les mesures de rétorsion commencera en janvier. Merci à tous pour votre soutien ! Libérez Fortnite ! », a-t-il lancé sur X. Epic reproche à Apple et Google, via Android et iOS, d'imposer aux développeurs d'applications l'utilisation de leurs plateformes de téléchargement (le Play Store et l'App Store) ainsi que leurs systèmes de paiement, et de leur faire payer des commissions trop élevées (30%).

« En 1998, quand Google a été fondé, c'était une jeune entreprise fascinante avec une devise unique : 'Don't Be Evil', (« Ne soyez pas malveillant », ndlr), ont souligné les avocats d'Epic en introduction de la plainte de 2020. « Vingt-deux ans plus tard, Google a relégué sa devise au second plan et utilise sa taille pour nuire à ses concurrents, aux innovateurs, aux clients et aux utilisateurs sur une multitude de marchés qu'il s'est mis à monopoliser. »

Le jury a donné raison à Epic Games sur tous les chefs d'accusation

Le jury a donné raison à Epic Games sur tous les chefs d'accusation : Google détient bien selon eux un monopole sur le marché de la distribution d'applications sur Android - le système d'exploitation mobile de Google - et sur celui des services de paiement dans les applications. Ils estiment que Google a agi de manière anti-concurrentielle sur ces marchés, qu'Epic a subi un préjudice du fait de ce comportement et que le lien entre le magasin d'applications Google Play Store et son service de paiement (Google Play Billing) est illégal.

« Le verdict rendu aujourd'hui constitue une victoire pour tous les développeurs d'applications et les consommateurs du monde entier », a déclaré Epic Games dans un communiqué publié dans la foulée. Google « abuse de son monopole pour soutirer des frais exorbitants, étouffer la concurrence et réduire l'innovation », a assené l'entreprise.

Google va contester le verdict

« Nous avons l'intention de contester le verdict », a réagi Wilson White, un vice-président de Google, dans une déclaration transmise à la presse. « Android et Google Play offrent plus de choix et d'ouverture que n'importe quelle autre grande plateforme mobile. Le procès a clairement montré que nous sommes en concurrence féroce avec Apple et son App Store, ainsi qu'avec les boutiques d'applications sur les appareils Android et les consoles de jeux », a-t-il continué. Jonathan Kravis, avocat de Google, a fait valoir que l'éditeur ne faisait pas payer moins cher aux utilisateurs qui passent par son propre magasin (plutôt que par Android ou une console de jeux), malgré l'absence de commission. Epic Games veut pouvoir se servir du Play Store « gratuitement » a-t-il encore contre-attaqué. « Chers jurés, nous aimerions tous des choses extraordinaires. Mais le droit de la concurrence n'oblige pas Google à offrir ses services gratuitement ».

La revanche de Fortnite après une défaite contre Apple

Le studio de Fortnite savoure d'autant plus sa victoire qu'il avait perdu une manche importante en 2021, lors de son procès contre Apple pour les mêmes raisons. Une juge fédérale américaine avait sommé le fabricant de l'iPhone d'autoriser un système de paiement alternatif au sein de l'App Store, mais avait également estimé qu'Epic n'avait pas réussi à prouver d'infraction au droit de la concurrence de la part d'Apple.

La marque à la pomme impose aux développeurs d'utiliser son propre système d'achat intégré propriétaire «IAP», lorsqu'ils proposent du contenu payant à leurs utilisateurs. En clair, si un utilisateur souhaite accéder à du contenu payant sur une application - comme il est possible sur Fortnite - il doit nécessairement télécharger l'application depuis l'App Store et il est obligé de payer directement via le système de paiement d'Apple. La firme californienne prélève au passage une commission de 30% sur les transactions entre consommateurs et développeurs générés la première année du téléchargement de l'appli, puis 15% les années suivantes.

Une emprise sur le marché de la distribution des applications

Contrairement à la marque à la pomme, Google autorise les magasins alternatifs. Mais selon l'éditeur de Fortnite, c'est une illusion, et Android n'est guère plus ouvert que iOS. « Seuls 3% des téléphones sous Android aux Etats-Unis ont réussi à télécharger une autre boutique d'applis sur le web », a noté ce lundi Gary Bornstein, avocat d'Epic, lors de son argumentaire final. Il a surtout reproché à Google d'abuser de son pouvoir pour conclure des contrats avec différentes entreprises, afin de verrouiller son emprise sur le marché de la distribution des applications.

Un argument similaire à celui des procureurs du ministère de la Justice, qui accusent le groupe californien d'avoir bâti son empire non pas grâce à sa popularité mais via des contrats d'exclusivité illégaux, pour que son moteur de recherche soit installé par défaut sur les appareils et services d'Apple et Samsung, notamment. « Epic se bat contre un monopole. Quand Epic gagne, tout le monde gagne », a assuré Gary Bornstein.

Un procès en cours avec les Etats-Unis

La défaite de Google arrive dans un contexte juridique déjà difficile pour le groupe américain : les Etats-Unis l'accusent d'entretenir un monopole sur le marché des moteurs de recherche. Un procès historique a eu lieu cet automne, le verdict n'est pas encore connu mais il a confirmé qu'Alphabet, la maison mère, versait des sommes colossales à Apple pour que Google soit le moteur de recherche par défaut des iPhone et autres appareils connectés, une relation qui lui permet, selon le gouvernement américain, de défendre son monopole. Le montant exact en jeu n'a jamais été rendu public, mais des documents cités à l'audience l'évaluent à dix milliards de dollars par an.

Pour mettre en évidence le caractère prétendument hégémonique de Google, le gouvernement américain a appelé à témoigner le directeur marketing du site de réservations touristiques Booking.com, lui-même ancien cadre de Google. Arjan Dijk a qualifié Google de « dictature bienveillante » dont les services étaient incontournables pour un site internet qui souhaitait générer du trafic et qui facturait en conséquence.

(Avec AFP)

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