Publicité : pourquoi la télévision traditionnelle peut se faire du mouron

D’ici à 2030, la durée d’écoute individuelle de la télévision va fortement baisser, souligne une étude prospective commandée par l’Arcom, le régulateur de l’audiovisuel. Cela va impacter le marché de la publicité sur le petit écran, attendu en nette baisse. Or, en parallèle, les acteurs comme TF1 et M6 ne devraient profiter qu’à la marge d’une forte hausse des recettes de la publicité numérique, majoritairement captées par les grandes plateformes comme Google, Youtube, Facebook ou Amazon.
Pierre Manière
Rodolphe Belmer, le PDG de TF1. Le groupe multiplie depuis des années les initiatives pour prendre une plus grosse part du gâteau de la publicité digitale. Mais il peine à investir ce créneau, largement dominé par les géants américains du numérique.
Rodolphe Belmer, le PDG de TF1. Le groupe multiplie depuis des années les initiatives pour prendre une plus grosse part du gâteau de la publicité digitale. Mais il peine à investir ce créneau, largement dominé par les géants américains du numérique. (Crédits : Reuters)

Cette étude était très attendue par les champions français de la télévision. Ce mardi, l'Arcom a levé le voile sur une enquête sur les perspectives d'évolution du marché publicitaire français à l'horizon 2030. A sa lecture, les cadors du petit écran, comme TF1 et M6, ont de quoi, et sans surprise, se faire du souci. D'après cette enquête, réalisée par le cabinet PMP Strategy, les recettes publicitaires nettes de la télévision (en incluant la publicité sur la télévision linéaire, celle sur les espaces numériques des chaînes, et la publicité ciblée), qui étaient de 3,5 milliards d'euros en 2022, vont progressivement baisser de 1,4% par an jusqu'en 2030. A cette date, ce gâteau, ne pèsera plus « que » 3,1 milliards d'euros.

C'est évidemment un problème pour les chaînes privées, lesquelles se financent quasi-exclusivement via la publicité. Celles-ci vont certes générer davantage de revenus sur leurs plateformes et applications numériques (telles TF1+ ou 6Play). Mais pas de quoi compenser, selon l'étude, les pertes liées à la baisse des revenus publicitaires sur la télévision linéaire.

La télévision, un « média résilient »

Autrement dit : si la télévision reste un « média résilient », lequel devrait « conserver à court terme un rôle essentiel de partenaire de confiance pour les annonceurs, et afficher ainsi une stabilité de ses recettes publicitaires », cela ne durera pas. Le vieillissement des audiences de la télévision linéaire, avec des jeunes qui ne cessent de privilégier les plateformes numériques pour s'informer ou se divertir, va, en clair, continuer de plomber les champions du petit écran.

L'enquête de PMP Strategy a d'ailleurs tenté de prévoir l'évolution de la durée d'écoute individuelle quotidienne de la télévision (DEI) en 2030. Il s'agit d'un indicateur particulièrement important, puisque très suivi par les annonceurs pour orienter leurs investissements. Or celui-ci est attendu en nette baisse. En 2022, cette DEI était de 206 minutes par jour. Elle devrait baisser de 3 minutes par an jusqu'en 2030, où elle atteindra, selon l'étude, 182 minutes par jour.

Le poids croissant des plateformes dans la publicité

Les acteurs de la télévision traditionnelle sont déjà, et depuis fort longtemps, bien conscients de ces difficultés à venir. Leur stratégie est claire : étendre leur sphère d'influence sur le numérique, via des plateformes propres, afin d'« accompagner » leurs audiences, et prendre leur part du marché grandissant de la publicité digitale. Mais ils sont confrontés à la forte concurrence des grandes plateformes étrangères. En 2022, les Google, Youtube, Facebook, Amazon ou TikTok ont capté, selon l'étude de PMP Strategy, 52% des recettes publicitaires globales de l'Hexagone, soit près de 8 milliards d'euros. En 2030, ces plateformes devraient se tailler une plus grande part du marché, à hauteur de 65%, ce qui correspond à près de 12 milliards d'euros !

Ces chiffres, encore une fois, ne surprendront pas TF1 ou M6. Cette crainte d'être marginalisés à petit feu dans l'écosystème de la publicité les a notamment poussés à tenter de se marier, il y a deux ans, afin d'investir massivement dans le numérique. Mais leur projet de fusion a été retoqué par l'Autorité de la concurrence, qui considérait que cette union posait de sérieux problèmes de concurrence. Récemment, TF1 a décidé, sous l'impulsion de Rodolphe Belmer, son PDG, d'investir le créneau de la « télévision sur demande », via sa nouvelle plateforme TF1+.

Une réglementation à revoir

Plusieurs analystes financiers ont salué ce lancement. « Nous le considérons comme une rupture », souligne Jérôme Bodin, analyste chez Oddo BHF, dans une note récente. « La nouvelle plateforme nous semble très attractive, poursuit-il. Elle devrait permettre de générer une audience de première intention et plus simplement une consommation uniquement de rattrapage. » Avec TF1+, le groupe pourrait être en mesure, poursuit l'analyste, de multiplier par « 2,6 » ses recettes publicitaires numériques d'ici à 2026. Sachant que sur les neuf premiers mois de l'an dernier, celles-ci se sont élevées à près de 70 millions d'euros. Autant dire une goutte d'eau au regard du chiffre d'affaires de TF1.

L'étude de PMP Strategy doit notamment permettre à l'Arcom et au gouvernement de mieux saisir les bouleversements auxquels les acteurs de la télévision font face, et surtout de réfléchir à réviser la régulation. « La captation croissante de la publicité par les acteurs numériques extra-européens pèse sur l'équilibre du modèle des entreprises audiovisuelles privées, a déclaré Roch-Olivier Maistre, le président de l'Arcom, le 22 janvier dernier. Inventer et mettre en œuvre un meilleur partage de la publicité au profit des médias qui investissent dans les contenus, et corriger ainsi les déséquilibres qui pénalisent nos acteurs nationaux, est devenu un impératif. » La balle est, désormais, dans le camp du gouvernement.

Pierre Manière

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Commentaires 11
à écrit le 01/02/2024 à 22:12
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Bonjour, La pub n'arrive pas à m'atteindre, au fond comme pour lire j'utilise une lecture transversale et le cerveau fait le tri je peux regarder une série un reportage sur les gendarmes de péta machin,, les infos et un dessin animé dans la même...

à écrit le 01/02/2024 à 15:31
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L'interdiction de tout publicité commerciale ne peut qu'améliorer l'info ! ;-)

à écrit le 01/02/2024 à 15:18
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Actuellement ,nous sommes entre 24 à 28 minutes de pubs par heure à la TV en fonction des programmes et des chaînes.

à écrit le 01/02/2024 à 10:24
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Autant il existe un débat sur la présence des femmes et des minorités visibles à la télévision, autant l’absence des milieux populaires sur ce média semble n’interpeler personne. Pourtant, le décalage est énorme. Alors que les cadres supérieurs repré...

le 01/02/2024 à 10:58
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Ardisson que j'aime pas forcément mais c'est lui qui a une cette excellente idée, il y a quelques années avait fait un test après la déclaration idiote de Copé sur les gens qui ne valent rien s'ils ne gagnent pas 4000 balles par mois. Il demanda au p...

à écrit le 01/02/2024 à 10:17
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Quand on fait des programmes pour la "ménagère! de moins de 50 ans" et qu'on vend "le temps de cerveau disponible des auditeurs" à Coca-Cola , à quoi peut on s'attendre sinon une baisse des audiences.

à écrit le 01/02/2024 à 9:51
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Marre des programmes qui débutent au mieux à 21h15 et nous emmènent largement au-delà de 23h00. Qu'ils fassent débuter les contenus post-journal à 20h45 et pas au-delà de 22h30, et tout ira mieux. Nous avons besoin de dormir pour aller au travail le ...

à écrit le 01/02/2024 à 8:13
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Et pourtant la télévision s'adresse aux derniers électeurs qui ont un bon pouvoir d'achat mais public âgé du coup on se doute que les 1.4% de baisse chaque année sont dus à cela. Enfin on s'en doutait vu comme les GAFAM ont absorbé le marché de la pu...

à écrit le 31/01/2024 à 23:15
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La publicité est un secteur qui génére 850 000 000 000 de chiffre d'affaire au niveau mondial. Autant d'argent qui pourrait servir à tellement de choses vraiment utiles!

à écrit le 31/01/2024 à 21:01
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Aujourd'hui je ne regarde la télévision que pour le journal de 20h, le reste du temps, les programmes n'ont aucun intérêt. Sinon, j'écoute la radio qui est infiniment plus intelligente. A force d'avoir ciblé les programmes de télévision pour "le peup...

le 01/02/2024 à 4:26
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