Diversité : Black Founders Matters, l'extension de Black Lives Matters dans la tech

Seulement 1% de l'argent des fonds d'investissement outre-Atlantique vient soutenir des entrepreneurs noirs. Pour attirer l'attention sur ce manque de diversité, deux entrepreneurs afro-américains ont lancé la campagne Black Founders Matters, visant à récolter 10 millions de dollars afin de sensibiliser l'écosystème et aider les minorités à briser ce plafond de verre. Une initiative parmi d'autres.
Sylvain Rolland
Le but final de Black Founders Matters est de corriger une effarante statistique : 1% à peine de l'argent des fonds d'investissement américains revient à des startups portées par des entrepreneurs noirs.
Le but final de Black Founders Matters est de corriger une effarante statistique : 1% à peine de l'argent des fonds d'investissement américains revient à des startups portées par des entrepreneurs noirs. (Crédits : Black Founders Matters)

Après le mouvement Black Lives Matters, suite aux violences policières qui ont ébranlé les États-Unis ces dernières années, deux entrepreneurs de Portland viennent de lancer son extension dans la tech, baptisée Black Founders Matters.

Lancée par les entrepreneurs afro-américains Marceau Michel et Kathryn Brown, Black Founders Matters espère récolter 10 millions de dollars pour financer des pépites issus de la diversité sociale et ethnique, y compris les leurs : les startups de recrutement à la demande Werk Horse pour Marceau Michel, et Scout Savvy -spécialisée dans le recrutement des femmes dans la tech- pour Kathryn Brown.

Pour l'instant, l'initiative, lancée en avril, a récolté 10.000 dollars par la vente de vêtements entre 49 et 69 dollars pièce, et espère avoir atteint son objectif de 10 millions de dollars d'ici à deux ans. Une goutte d'eau, mais le but est surtout d'attirer l'attention des médias, des entrepreneurs et des acteurs majeurs du secteur de la tech, notamment la Silicon Valley, afin de "déclencher une prise de conscience" qui, à terme, réduira les inégalités.

1% de l'argent du capital-risque finance des startups portées par des entrepreneurs noirs

Le but final est de corriger une effarante statistique : 1% à peine de l'argent des fonds d'investissement américains revient à des startups portées par des entrepreneurs noirs, selon une étude du cabinet CB Insights, bible des datas dans la tech. Le chiffre date de 2010, mais il n'a que très peu évolué d'après le Kapor Center for Social Impact, un organisme qui promeut la diversité dans la tech. Aujourd'hui, moins de 10% du financement des startups va à celles portées par des femmes et des minorités aux États-Unis. Un problème qui prend sa source dans les inégalités sociales et d'accès aux métiers tech.

"Les écarts de revenus et d'accès à l'éducation limitent les opportunités de créer et de développer une startup pour les entrepreneurs sous-représentés. De plus, l'homogénéité sociale et ethnique parmi les professionnels de l'investissement et leur réseau, contribuent à biaiser les décisions de financement », écrit le Kapor Center.

Ces disparités sont bien documentées. 17% des startups aux États-Unis -proportion similaire en France- ont été fondées par des femmes en 2017. Du côté des fonds de capital-risque, les investisseurs sont essentiellement blancs, masculins et issus de milieux sociaux favorisés : d'après Kerby, 88% des capitaux-risqueurs en 2016 sont des hommes, et 93% sont blancs (73%) ou asiatiques (23%), pour à peine 2% de noirs et 1% de latinos. Les inégalités sont donc encore plus marquées dans le milieu de la tech -y compris pour les asiatiques, sur-représentés-, que dans la plupart des autres secteurs économiques.

Lire aussi : Silicon Valley, French Tech : où sont les femmes et les minorités ?

Tout un écosystème pour intégrer les minorités dans la tech

Black Founders Matters est le dernier-né d'une série d'initiatives ces dernières années visant à corriger les énormes inégalités dans le secteur de la tech en pratiquant la discrimination positive. Le Kapor Center for Social Impact est l'une des pierres angulaires de cet écosystème, qui comprend de nombreuses ONG, entreprises, incubateurs et fonds de capital-risque.

Du côté des ONG, Project Include vise à sensibiliser les entreprises tech sur la question de la diversité, tandis que Code 2040 ou encore Black Girls Code enseignent l'informatique et les "compétences tech" à des jeunes -notamment des femmes- issus de milieux sociaux défavorisés.

Du côté des fonds, Backstage Capital investit uniquement dans les projets portés par des femmes, des minorités et des entrepreneurs LGBT, tout comme Black Angel Tech Fund, qui soutient des entrepreneurs "noirs et latinos". Ce dernier a été créé suite au Stanford Black Alumni Summit, en 2015, qui réunissait des anciens étudiants noirs de la prestigieuse université Stanford, dont les diplômés irriguent la high tech américaine. "Nous avons réalisé l'extraordinaire opportunité de fédérer d'anciens étudiants de Stanford pour aider les entrepreneurs noirs", expliquent les fondateurs sur le site.

De nombreuses initiatives veulent aussi développer un réseau d'entrepreneurs de la diversité. C'est le cas de Black FoundersDigital Undivided, un accélérateur de projets portés par des entrepreneurs de la diversité. Son portefeuille comprend 52 startups qui ont levé 25 millions de dollars depuis 2013. Autres initiatives notables, le Founder Gym -un "centre d'apprentissage à l'entrepreneuriat" pour les entrepreneurs "sous-représentés"-, ou encore de DevColor, qui se présente comme la communauté des développeurs noirs.

Et en France ?

En France, où l'écosystème d'innovation est beaucoup moins mature qu'aux États-Unis, les problématiques de diversité sont les mêmes. Les femmes comme les minorités restent très sous-représentées, à la fois aux manettes des startups, dans leurs effectifs, et du côté des fonds d'investissement.

Lire aussi : Startups : pourquoi les femmes lèvent deux fois moins d'argent que les hommes

En revanche, s'il existe de plus en plus d'initiatives pour aider et fédérer les femmes, à l'image du réseau Willa (ex Paris Pionnières) ou des Girls in Tech, très peu mettent aujourd'hui l'accent sur la diversité. Un manque dénoncé par Mounir Mahjoubi, le secrétaire d'État au Numérique, lui-même issu d'un milieu social populaire:

"La France a besoin de plusieurs types d'entrepreneurs, pas seulement des jeunes hommes blancs de bonne famille qui sortent d'une grande école de commerce ou d'ingénieur. Il y a des entrepreneurs à aller chercher dans les quartiers populaires. Ils existent, mais ils ne sont pas encouragés à entreprendre, car ils n'ont pas les moyens -notamment financiers- de se lancer", expliquait-il en octobre dernier.

Lire aussi : French Tech Diversité, un (petit) coup de pouce contre les inégalités dans la tech

Le gouvernement a ainsi lancé fin 2017 French Tech Diversité (FTD), une louable -mais timide- initiative pour promouvoir l'entrepreneuriat dans les milieux sociaux défavorisés. 35 startups ont été choisies pour bénéficier d'un programme d'aide à l'entrepreneuriat doté de 2 millions d'euros. FTD devrait être étendu l'an prochain dans d'autres régions françaises que l'Ile-de-France, avec un budget doublé. Trop anecdotique pour avoir un véritable impact ? Certainement, mais French Tech Diversité vient appuyer et donner une visibilité à d'autres initiatives jusqu'alors discrètes, comme Startup Banlieue, qui vise à fédérer et aider les entrepreneurs des quartiers populaires.

Sylvain Rolland

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Commentaires 3
à écrit le 02/05/2018 à 15:34
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En France aussi,beaucoup de retard.Pourquoi pas une prime de 5000 euros pour toute startup crée par une femme issue de la diversité?

à écrit le 02/05/2018 à 12:48
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Décidément les USA c'est 50% de riches et 50% de pauvres, c'est un pays où tout les 5 ans il y a plus de décès par armes à feu que de soldats tombés lors de la guerre du Vietnam, où en 2017, il y a eu 50000 décès par overdoses (bref une guerre du Vie...

à écrit le 02/05/2018 à 8:32
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Où l'ont voit comme l'argent a vraiment beaucoup de mal à changer de mains au fil des siècles.

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