Feu vert ou veto pour le rachat d'ARM par Nvidia ? L'antitrust européen se donne 90 jours de plus

La Commission européenne a annoncé mercredi l'ouverture d'une enquête approfondie sur le projet de rachat du britannique ARM, un géant mondial de la conception d'architectures pour microprocesseurs, présent dans notamment 90% des téléphones mobiles, par le spécialiste américain Nvidia. Ce rachat pourrait avoir des effets négatifs sur les prix et la concurrence, qui plus est dans un secteur en pleine pénurie et au centre d'enjeux de souveraineté nationale.
La commissaire européenne à la Concurrence Margrethe Vestager soulève la question des licences de propriété intellectuelle d'ARM, dont l'accès pourrait être restreint pour ses autres clients concurrents de Nvidia: Cela aurait des effets de distorsion sur de nombreux marchés où les semi-conducteurs sont utilisés.
La commissaire européenne à la Concurrence Margrethe Vestager soulève la question des licences de propriété intellectuelle d'ARM, dont l'accès pourrait être restreint pour ses autres clients concurrents de Nvidia: "Cela aurait des effets de distorsion sur de nombreux marchés où les semi-conducteurs sont utilisés." (Crédits : Reuters)

Auparavant, Nvidia, géant mondial des cartes graphiques et désormais spécialiste de puces taillées pour l'intelligence artificielle, n'était qu'un des clients d'ARM, autre géant mondial mais dans la conception de puces. Le projet de fusion à 40 milliards de dollars initié il y a un an par le premier avait mis en alerte les autorités de régulation européenne et britannique inquiète des conséquences de cette gigantesque consolidation du secteur.

En effet, de nombreux secteurs technologiques sont très dépendants d'ARM, dont le modèle économique repose sur la propriété intellectuelle, sa spécialité étant la conception d'architectures pour micro-processeurs. Car le britannique ne vend pas de puces, mais seulement des licences d'utilisation de sa technologie. Laquelle est présente dans 90% des téléphones mobiles fabriqués sur la planète (car ARM est notamment le champion des puces basse consommation d'énergie), dans les tablettes tactiles de Samsung ou d'Apple (il est aussi désormais présent dans les nouveaux Mac avec la puce M1), les serveurs et centres de données, ainsi que dans l'internet des objets (IoT) et notamment dans l'automobile.

Les puces, elles, sont fabriquées par d'autres, qu'ARM appellent ses "partenaires", comme par exemple l'américain Qualcomm ou le taiwanais MediaTek qui produisent respectivement 29% et 31% des puces pour téléphones mobiles. Presque tous les fournisseurs de processeurs et microcontrôleurs utilisent sa technologie sous forme de licence.

Pénurie mondiale et enjeux de souveraineté

Au vu des risques de distorsion de concurrence, Margrethe Vestager, commissaire européenne à la Concurrence, a décidé hier mercredi, de prolonger son examen préliminaire par une enquête approfondie.

La Commission européenne s'inquiète en effets des effets négatifs sur les prix et la concurrence sur ce marché des semi-conducteurs qui est en situation de pénurie mondiale, mais aussi l'objet de tensions internationales autour de problématiques de souveraineté technologique, particulièrement entre les États-Unis et la Chine.

Risque de restrictions d'accès aux technologies d'ARM

La commissaire européenne soulève notamment la question des licences de propriété intellectuelle d'ARM, dont l'accès pourrait être restreint pour ses autres clients concurrents de Nvidia.

"Cela aurait des effets de distorsion sur de nombreux marchés où les semi-conducteurs sont utilisés", explique-t-elle dans un communiqué.

L'opération de vente à Nvidia, estimée à 40 milliards de dollars, avait été annoncée en septembre 2020 par le japonais SoftBank, maison mère d'ARM (qu'il avait achetée 32 milliards de dollars en 2016, et retirée de la Bourse à cette époque).

Risques de mainmise américaine dans l'intelligence artificielle

Cette méga-acquisition devait au départ être bouclée d'ici mars 2022, sous réserve de l'approbation de nombreuses autorités réglementaires dans le monde entier, notamment britannique et européenne.

Or, en août, le gendarme britannique de la concurrence, saisi par le gouvernement d'une demande d'enquête, a déjà fait part de ses "craintes" sur les problème de concurrence que pourrait entraîner ce rachat.

L'opération serait de nature par conséquent à entraver l'innovation dans des secteurs comme les centres de données, les jeux ou les voitures autonomes, ce qui pénaliserait in fine leurs clients, qu'ils soient des entreprises ou des consommateurs.

De fait, si les autorités antitrust validaient l'opération, Nvidia pourrait se trouver en position prépondérante sur les nouveaux marchés liés à l'Internet des objets, accentuant la mainmise américaine dans l'intelligence artificielle.

"Les semi-conducteurs sont partout dans les produits et appareils que nous utilisons au quotidien, ainsi que dans les infrastructures telles que les centres de données", fait valoir mercredi Mme Vestager.

"Même si ARM et Nvidia ne sont pas en concurrence directe, la PI (propriété intellectuelle) d'ARM est un élément important dans les produits concurrents de ceux de Nvidia, par exemple dans les centres de données, l'automobile et l'internet des objets", poursuit-elle.

La décision de la Commission doit être rendue d'ici au 15 mars 2022

Elle juge que l'absorption d'ARM par Nvidia, malgré la bienveillance promise par celui-ci, pourrait compliquer l'accès des entreprises européennes aux technologies leur permettant de "fabriquer des produits semi-conducteurs à la pointe du progrès à des prix concurrentiels".

L'exécutif européen précise qu'il dispose à présent de 90 jours ouvrables, soit jusqu'au 15 mars 2022, pour prendre une décision. "L'ouverture d'une enquête approfondie ne préjuge pas de l'issue de la procédure", est-il souligné.

Pour Hauser, cofondateur d'ARM, le rachat par Nvidia serait "désastreux"

En août 2020, Herman Hauser, affichait sa grande inquiétude envers ce projet de vente d'une entreprise qu'il a cofondée en 1990 et qu'il considère comme un joyau de la couronne de la technologie britannique: à la BBC, il déclarait qu'il serait désastreux qu'elle soit vendue à une société informatique américaine.

"L'un des postulats fondamentaux du modèle commercial d'ARM, c'est qu'il peut vendre à tout le monde", a-t-il expliqué à la BBC.

Il ajoutait:

"Le seul point positif à propos de Softbank était qu'il ne s'agissait pas d'une société de puces électroniques et qu'elle conservait la neutralité d'ARM.

Selon lui, si la vente se réalise, ARM "deviendra l'une des divisions de Nvidia, et toutes les décisions seront prises en Amérique, et non plus à Cambridge." Et de préciser une autre conséquence qu'il anticipe:

S'il devient une partie de Nvidia, la plupart des licenciés sont des concurrents de Nvidia, et chercheront bien sûr alors une alternative à ARM."

Lire aussi 11 mn"Il y a de très fortes chances que le rachat d'ARM par Nvidia soit recalé" (Eric Baissus, Kalray)

(avec AFP)

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Commentaires 5
à écrit le 31/10/2021 à 7:32
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Un ultimatum de 90 jours pour remplir les poches de Vestager... sauf que ARM est britannique et Bojo peut limiter voir interdire l'export de la technologie britannique notamment en Chine ou UERSS. A part ça on vient encore de changer d'heure pou...

à écrit le 28/10/2021 à 19:03
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Une commission de gens très honnêtes lol , pas foutue de créer des GAFA dans l'UE alors que la Chine l'a fait en 10 ans , avec des cerveaux moins brillants que les notres ... La seule chose à faire , analyser les comptes bancaires de nos dirigeants ...

le 29/10/2021 à 9:36
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"avec des cerveaux moins brillants que les notres": la bétise humaine et le génie ayant une tendance à l'isotropie il est peu probable que la Chine, au vu de sa population, dispose de moins de cerveaux et de moins bonne qualité que nous.....Le comple...

à écrit le 28/10/2021 à 16:20
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Bref! Des fonctionnaires donnent leur avis sans l'aval des peuples, on se demande vraiment ce qui les motivent!

à écrit le 28/10/2021 à 15:03
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il vaut mieux NVIDIA que de laisser huawei continuer à dominer la 5 G

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