Penser (collectivement) les intelligences artificielles génératives

OPINION. Les circonstances seraient enfin réunies ! Alors que le Comité de l'intelligence artificielle générative mis en place par Elisabeth Borne s'apprête à remettre ses premières propositions, la France semble enfin déterminée à rattraper son retard en la matière. Une avancée prometteuse qui ne doit pas éluder, pour autant, les nombreuses interrogations liées à son usage et à la façon dont elle modifie notre rapport au monde. Par François Miquet-Marty, président du centre de prospective Global Center for the Future.
(Crédits : DR)

Vers une convergence des intérêts ? Côté pouvoirs publics, de l'émergence du Comité de l'intelligence artificielle générative d'Elisabeth Borne, au rapport du Comité national pilote d'éthique du numérique de Jean-Noël Barrot, en passant par les tests d'IA générative dédiés au service public annoncés par Stanislas Guérini, ou encore à la solution d'IA générative de la Direction interministérielle du numérique ​​de Stéphanie Schaer , on ne compte plus les initiatives lancées ces derniers mois.

Côté entreprises, les sociétés françaises sont également nombreuses à se lancer dans l'aventure, telles que les prometteuses Mistral IA, LightOn, HuggingFace ou Giskard pour ne citer qu'elles. Enfin, l'accueil réservé aux IA génératives par le grand public est lui aussi relativement positif : 47% des Français expriment ainsi une opinion « positive » sur cette technologie, contre 37% une opinion « négative » selon le dernier baromètre Viavoice - GCF - Impact AI.

Pourtant, cet alignement des « parties prenantes » n'épuise pas, loin s'en faut, l'ampleur des interrogations sur l'avenir des IA génératives et sur ce qu'elles engendrent vraiment.

Une innovation... pas comme les autres

En effet, l'IA générative est tout sauf une innovation lambda : elle est même considérée comme « une révolution majeure pour l'humanité, comparable aux révolutions agricoles, industrielles, numériques » par 29% des Français. Par ailleurs, 45% des salariés déclarent avoir déjà expérimenté cette IA (ibid.).

Dès lors, trois domaines de réflexion se dessinent, correspondant à trois révolutions concomitantes et liées :

  • Le premier registre concerne la révolution de l'entreprise : 60 % des salariés aimeraient « être davantage sensibilisés sur les conséquences et les applications pratiques de l'IA générative dans le cadre de leur travail », et cette proportion s'élève même à 80% auprès des salariés ayant déjà utilisé une IA générative (ibid.). Les domaines sont nombreux : champs d'applications opérationnels, missions « simples » ou « complexes », nature des « collaborations » entre salariés et IA génératives (que Bruno Le Maire qualifie de changement de « paradigme numérique »), stimulation de l'innovation. Pour l'activité économique en IA, ils appellent la promotion d'un écosystème (« Hub France IA »), investissement en R&D, soutien en entrepreneuriat technologique, fléchage des formations, accès aux données, etc.
  • Le deuxième registre de réflexions est la révolution planétaire : « guerre » des IA génératives (la Chine ayant récemment lancé sa propre IA générative « Ernie Bot »), concurrences linguistiques (en faveur desquelles s'engage le ministre de la Transition numérique), données sources et impacts climatiques mondiaux. Il s'agit aussi de repenser la souveraineté, voire l'idée d'un « État stratège » pour préparer les IA génératives des années 2030-2040.
  • Le troisième registre est la révolution cognitive : une transformation des formations, mais également des notions de créativité, de responsabilité, d'éthique et d'IA « digne de confiance ».

Si Woody Allen dit qu'une « intelligence artificielle » n'est que l'inverse de la « bêtise naturelle », en réalité l'IA, et les IA génératives en particulier, invitent plutôt à repenser - notamment - l'entreprise et la vie quotidienne, la planète et la connaissance ; autant dire notre monde et son avenir. Sur ces registres, les IA génératives ne devraient-elles pas également « générer » des « grands débats citoyens », également ouverts aux experts ?

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Commentaires 2
à écrit le 09/11/2023 à 18:42
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On pourrait en effet, on devrait même faire réfléchir sur cette technologie mais ce n'est hélas absolument pas le paradigme marchand, il faut voir déjà comme on nous a mis un téléphone portable dans les mains qui peut tout faire et débrouillez vous a...

à écrit le 08/11/2023 à 15:40
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Bref ! Grâce à l'IA, la "pensée" individuelle sera remplacée par une collective... de quoi supprimer tout idée de démocratie ! ;-)

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