Grand gagnant du coronavirus, qui a démocratisé les usages numériques et notamment dans la e-santé avec la prise de rendez-vous à distance et la téléconsultation, Doctolib lève ce mardi 15 mars 500 millions d'euros supplémentaires auprès des fonds français Eurazeo et Bpifrance.
Trois ans après sa précédente méga-levée - alors de 150 millions d'euros -, Doctolib devient la startup la mieux valorisée de la French Tech, à 5,8 milliards d'euros. La pépite parisienne bat ainsi le record de Back Market (5,1 milliards d'euros), qui avait lui-même en janvier battu le record de Qonto (4,4 milliards d'euros), qui avait lui-même dépassé pour à peine un jour celui de Sorare (3,7 milliards d'euros).
Bref, Doctolib devient le nouveau champion - probablement de courte durée - de la French Tech, et pèse désormais davantage que des champions cotés en Bourse comme OVHCloud (4,4 milliards d'euros), et aussi des grands groupes historiques comme Air-France-KLM (2,42 milliards d'euros), Casino (1,71 milliard d'euros), Atos (2,87 milliards d'euros) ou encore Faurecia (3,7 milliards d'euros).
"Winner takes it all" : quand l'argent permet de rafler le marché
Cet argent frais permettra à la startup de recruter massivement, en France et en Europe, pour poursuivre son extraordinaire hypercroissance. Stanislas Niox-Chateau, le PDG et fondateur de la licorne française, annonce ainsi 3.500 nouvelles créations d'emplois dans les cinq années à venir, réparties dans 30 villes en France, mais aussi en Allemagne et en Italie, où il a racheté à l'automne dernier le challenger local Dottori. Dans le détail, Doctolib compte s'étendre dans 30 villes en France : à Paris bien sûr, où se situe le siège social de l'entreprise, mais aussi à Nantes - où travaillent déjà 750 personnes - et dans toutes les zones urbaines moyennes du territoire.
La startup reprend ainsi une stratégie très efficace dans le monde de la tech : "winner takes it all". Pour cela, il faut lever massivement de l'argent et l'utiliser pour conquérir rapidement le marché, en devenir le leader, puis étouffer la concurrence. La recette a fonctionné en France, où Doctolib domine le marché à tel point que le gouvernement s'est appuyé sur lui pour organiser la stratégie vaccinale contre le Covid-19. Ainsi, l'essentiel de ses 60 millions d'utilisateurs, répartis entre la France, l'Allemagne et l'Italie, se situent dans l'Hexagone.
La pépite espère désormais démultiplier ses efforts commerciaux outre-Rhin et dans la botte italienne pour devenir là-bas aussi la référence des praticiens et des patients. Quitte à rester un peu plus dans le rouge : Doctolib n'est toujours pas rentable, mais son PDG espère le devenir pour "2024 ou 2025". Ce qui ne sera pas chose aisée car "chaque euro qu'on a, on le réinvestit", assure-t-il, énumérant les développements en cours de logiciels pour les médecins, infirmiers et kinés libéraux, mais aussi pour les hôpitaux, qui doivent tous aboutir cette année. Sans oublier d'autres projets de "messagerie instantanée sécurisée", d'échange de documents médicaux et de prescription électronique, mais a priori pas de nouvelle acquisition prévue sur ou en dehors de ses trois marché actuels.
Des investisseurs (enfin) français
Dans son communiqué, la licorne met l'accent sur la nationalité française de ses investisseurs : Eurazeo et Bpifrance, déjà présents au capital depuis 2017, et qui demeurent, d'après Stanislas Niox-Chateau, "les principaux actionnaires de Doctolib derrière ses dirigeants et ses salariés".
De quoi faire oublier la mésaventure de sa précédente levée de fonds ? En mars 2019, Doctolib avait fait appel à un fonds américain, General Atlantic, connu pour avoir accompagné Alibaba ou encore Airbnb, pour financer son expansion.
Depuis, la startup de la e-santé, domaine où les données personnelles sont particulièrement sensibles, est régulièrement sous le feu des critiques pour sa dépendance envers Amazon Web Services (AWS), qui héberge son infrastructure cloud. Un choix que la startup , également empêtrée dans un scandale sur la gestion de ses données en Allemagne, justifie pour des raisons pratiques : aucun hébergeur français ne pouvait répondre à ses besoins à l'époque, dit-elle.
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