French Tech : chute brutale des levées de fonds au premier trimestre 2023

Après avoir mieux tenu que les autres en 2022, l'effet boomerang frappe la French Tech de plein fouet au premier trimestre 2023 : ses startups ont levé 1,4 milliard d'euros, soit une chute de -68% sur un an, largement supérieure à la baisse constatée en Europe (-12%), aux Etats-Unis (-1%) ou en Asie (-27%). Les faiblesses de l'écosystème tricolore, notamment la dépendance aux fonds étrangers pour mener les tours de table supérieurs à 50 millions d'euros, se révèlent au grand jour. Analyse.
Sylvain Rolland
Gros coup dur pour les startup françaises. Elle n'ont réussi à lever que 1,4 milliard d'euros au premier trimestre 2023.
Gros coup dur pour les startup françaises. Elle n'ont réussi à lever que 1,4 milliard d'euros au premier trimestre 2023. (Crédits : Reuters)

Douche froide pour la French Tech. Après les fanfaronnades de fin 2022 -la France a battu son record de fonds levés l'an dernier alors que tous les autres écosystèmes mondiaux expérimentaient une chute inédite-, la réalité a brutalement rattrapé les startups françaises. Au premier trimestre 2023, les levées de fonds en France ont chuté de 68% sur un an, à 1,4 milliard d'euros entre janvier et mars, d'après une étude de Newfund. Comme l'écrivait en début d'année La Tribune, la bonne santé de l'écosystème tricolore en 2022 n'était pas une exception qui témoignait de l'exceptionnelle solidité de la French Tech par rapport à ses voisins. Comme cela est déjà arrivé dans le passé (notamment en 2020) les mécanismes français d'amortisseurs de crise -rôle structurant de Bpifrance, soutien politique majeur à l'innovation, inflation et tensions sur l'énergie moindres que dans les autres pays- avaient simplement retardé l'inévitable.

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La crise du financement de la tech, amorcée début 2022 aux Etats-Unis, a bien fini par rattraper la French Tech. Avec, en prime, un effet correctif particulièrement brutal : -68% sur un an, alors que la chute mondiale est de « seulement » 13%, d'après les données de CB Insights. De premier de la classe mondiale en 2022, la France dégringole tout en bas au premier trimestre 2023 : la chute moyenne des montants levés par les startups au premier trimestre en Europe se situe à -12% (10,4 milliards de dollars levés), contre -1% aux Etats-Unis (32,5 milliards de dollars) et -27% en Asie (12,5 milliards).

La chute va au-delà de la « nécessaire correction » des excès des années 2021-2022

Dans le détail, selon Newfund, les startups tricolores ont levé 1,36 milliard d'euros entre janvier et mars, contre 4,3 milliards d'euros sur la même période en 2022. Soit le plus mauvais trimestre depuis le premier trimestre 2021.

« Il n'y a rien de dramatique, on revient à des niveaux plus normaux, la situation des années 2021 et 2022 était exceptionnelle et correspondait à une période d'euphorie post-Covid, qui n'était ni saine ni tenable sur le long terme. Revenir à des levées basées sur la performance économique réelle des startups est plutôt une bonne chose », relativise Stéphanie Hospital, investisseure et dirigeante du fonds d'amorçage français OneRagtime.

Effectivement, la tech mondiale vit depuis l'an dernier un retournement de cycle, déclenché par le resserrement des politiques monétaires et un climat économique et géopolitique mondial plus tendu. Une correction logique des excès de ces dernières années, où les montants levés et les valorisations des pépites avaient atteint des montants démesurés.

En revanche, l'assèchement brutal de la rivière inquiète car les fondamentaux de la révolution numérique restent pertinents. Autrement dit : la chute va bien au-delà de la nécessaire correction. Le nombre de startups en activité a quasiment doublé depuis 2020, et le financement de l'innovation est devenu -encore plus- un enjeu de développement économique et de souveraineté technologique. D'où l'insistance d'Emmanuel Macron auprès des bancassureurs pour boucler le plan Tibi 2, censé apporter de l'air et de l'argent frais à l'écosystème pour financer sa croissance.

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Bérézina pour les levées de plus de 50 millions d'euros et dépendance aux fonds étrangers

Et c'est là où le bât blesse : la chute spectaculaire des montants levés au premier trimestre 2023 s'explique principalement par la bérézina des tours de table de plus de 50 millions d'euros : seulement 9 ont été conclus au premier trimestre... contre 85 un an plus tôt. « C'est compliqué pour les startups au stade des levées de fonds d'hyper-croissance de série B, C et au-delà, car le temps des valorisations délirantes est terminé. Certaines avaient levé 20 millions d'euros en Série A il y a un an et demi sur la base d'une énorme valorisation, et se présentent devant les investisseurs avec une équation impossible de vouloir lever 50 millions mais la valorisation ne peut pas suivre. Les gros tickets sont beaucoup plus difficiles à obtenir, le rapport de force avec les investisseurs s'est inversé » note Marianne Tordeux, la directrice des affaires publiques de France Digitale, qui représente à la fois les startups et des investisseurs de la French Tech.

La chute des tours supérieurs à 50 millions d'euros s'explique aussi par un autre phénomène : la réduction brutale de l'activité des fonds étrangers en France. En plus du japonais Softbank, qui a décidé de stopper tout investissement en Europe fin 2022 après avoir déversé des centaines de millions d'euros sur l'écosystème, les fonds américains les plus actifs comme Tiger Global, Accel, General Atlantic, Index Ventures ou Goldman Sachs, se sont rabattus sur leur marché domestique depuis la fin 2022.

Ce qui souligne, par ricochet, la dépendance des startups françaises aux fonds américains pour les gros montants, malgré des initiatives comme le plan Tibi qui ont pour objectif de combler cette faiblesse en structurant en France un écosystème d'investisseurs capables d'injecter des gros tickets dans les startups.

Sylvain Rolland

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Commentaires 2
à écrit le 13/04/2023 à 16:10
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très gros contraste avec les chiffres In Extenso / ESSEC. ces données Newfund ne sont pas fiables.

à écrit le 13/04/2023 à 13:16
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....notamment la dépendance aux fonds étrangers..Les etrangers ils ont bien vu l'instabilite des francais les dernieres semaines. Personne veut investir dans des employees mal a arriver a l'age de 60 ans en un bon sante mental comme ils ont montres d...

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