Ornikar lève 35 millions d'euros pour se diversifier au-delà du permis de conduire

En plus de simplifier, via sa plateforme en ligne, l'obtention du code de la route et de casser le coût du permis de conduire, la startup Ornikar souhaite proposer de nouveaux services comme des assurances et la vente et la location de voitures. L'objectif : devenir la plateforme unique des jeunes sur toute la chaîne de leur accès à la mobilité.
Sylvain Rolland
Ornikar compte désormais exploiter toutes les data disponibles sur ses clients, pour établir des profils de risque afin de faire baisser le coût de l'assurance pour les jeunes conducteurs les moins à risque.
Ornikar compte désormais exploiter toutes les data disponibles sur ses clients, pour établir des profils de risque afin de faire baisser le coût de l'assurance pour les jeunes conducteurs "les moins à risque". (Crédits : DR)

Plus de 1,5 million de personnes, surtout des jeunes de moins de 25 ans, se sont présentés à l'examen de passage du permis de conduire en 2018 en France. Parmi eux,  350.000 avaient pris des cours via la plateforme Ornikar. Avec 20% du marché à lui tout seul, pas étonnant que la startup dirigée par Benjamin Gaignault et Flavien Le Rendu réussisse une troisième levée de fonds d'un montant conséquent de 35 millions d'euros. Les deux investisseurs historiques de la société, Idinvest Partners et Brighteye, sont rejoints pour l'opération par Bpifrance, via son fonds Large Venture.

300% de croissance par an, concurrence féroce pour les auto-écoles

Créé en 2013, Ornikar part du constat de "l'absurdité" du coût du permis de conduire. D'après l'Insee, celui-ci est effectivement l'un des plus élevés au monde : 1.500 euros en moyenne, une somme qui correspond au code de la route et à 35 heures de cours de conduite.

"Ce coût délirant s'explique par les charges des auto-écoles, mais disposer d'un local ne sert à rien, estime le CEO Benjamin Gaignault. Pour réussir son permis, il suffit d'avoir un bon professeur et sa voiture", ajoute-t-il.

En supprimant les locaux physiques, en développant une plateforme en ligne pour s'entraîner au code de la route, et en faisant appel à des professeurs auto-entrepreneurs pour les leçons de conduite plutôt que de les salarier, Ornikar minimise ses coûts, simplifie et raccourcit le processus pour les candidats, et peut casser les prix, au grand dam des écoles de conduite traditionnelles. Le code, qui se travaille seul chez soi sur la plateforme et se passe dans un centre d'examen agréé après une inscription en ligne, coûte 29,90 euros, contre 300 euros en moyenne quand on passe par une auto-école. Imbattable. Pour le permis de conduire, Ornikar propose un forfait fixe à 749 euros pour 20 heures, puis 35 euros l'heure supplémentaire. Au total, le candidat s'en sort pour un peu plus de 1000 euros en moyenne, code et conduite, soit un tiers de moins que le montant relevé par l'Insee. La startup ne s'oublie pas dans le processus : elle prélève 20% du coût de chaque heure de conduite. Ornikar affiche un taux de succès supérieur d'au moins 10 points à la moyenne nationale, à la fois pour le code et pour le permis. La startup explique cette performance par la motivation des professeurs, qui sont aussi évalués sur ce critère.

"Ubérisation" des auto-écoles

Cette "d'ubérisation" des auto-écoles a, évidemment, provoqué la fureur du secteur. "On a connu trois ans compliqués entre 2013 et 2016, les syndicats de la profession étaient vent debout contre notre modèle, admet l'entrepreneur. Mais tout a changé quand on a obtenu l'agrément de l'Etat". Depuis, la startup est en hyper-croissance : elle revendique une progression de 300% de son chiffre d'affaires en 2018.

Benjamin Gaignault refuse toutefois la comparaison avec Uber, devenu un symbole de la précarisation des travailleurs des plateformes. Il revendique au contraire une "meilleure rémunération" pour ses professeurs par rapport au salariat dans une auto-école. 'L'élève paye en moyenne 36 euros l'heure de conduite, le professeur touche 25 euros hors taxes et 14,93 euros après les taxes, pour 27 heures par semaine en moyenne", étale le dirigeant. La startup revendique plus de 700 enseignants actifs dans 400 villes, tous détenteurs d'un diplôme d'Etat payant. "La plupart ont quitté leur auto-école pour venir en auto-entrepreneuriat chez nous", affirme même l'entrepreneur. Malgré ses avantages, cette "flexibilité" a son revers : la couverture sociale reste à la charge des auto-entrepreneurs, ils restent vulnérables en cas d'inactivité et cotisent moins pour leur retraite.

Modèle de croissance basé sur la data pour vendre des assurances

Les 35 millions d'euros levés en Série C (après 10 millions d'euros en Série B l'an dernier et 1 million d'euros en 2014 en Série A) vont servir deux objectifs : accélérer la conquête du marché et déployer de nouvelles offres. Après la France, Ornikar veut ainsi se renforcer en Allemagne et en Espagne, où il est déjà présent, et éventuellement attaquer de nouveaux marchés comme l'Italie.

Surtout, la startup de 107 employés veut devenir ne veut plus perdre ses clients une fois qu'ils ont obtenu leur permis de conduire. Ornikar veut devenir "la" plateforme de référence de l'accès à la mobilité pour les jeunes adultes. Elle compte profiter de la rampe de lancement du code et du permis de conduire pour vendre d'autres services à ses clients : des véhicules (en location courte et longue durée ou à la vente) et des assurances.

Pour retenir les jeunes conducteurs dans son écosystème sur la durée, Ornikar compte casser les prix des assurances :

"Aujourd'hui, 100% des jeunes conducteurs payent leur assurance plein pot, parce qu'ils n'ont pas encore de note, parce que les assureurs ne les connaissent pas. Nous, on connaît nos clients et on veut aussi leur proposer des formations en continu pour réduire le risque", explique Benjamin Gaignault.

Autrement dit : Ornikar compte exploiter toutes les data disponibles sur ses clients, pour établir des profils de risque afin de faire baisser le coût de l'assurance pour les jeunes conducteurs "les moins à risque". La startup a déjà signé un partenariat avec Direct Assurance, mais n'a pas encore mis en place ces offres personnalisées par la data. Elle refuse même d'expliquer sur quelles données elle basera son analyse pour déterminer qui sont les profils les plus risqués et pourquoi. "Nous sommes en pleine construction de nos modèles, mais le but est de proposer des offres assez rapidement", ajoute l'entrepreneur, conscient du côté polémique d'une telle démarche, mais qui assure que la sienne sera éthique. A suivre...

Sylvain Rolland

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Commentaires 5
à écrit le 01/07/2019 à 9:21
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Très bien placée pour savoir que dans mon département, on est bien loin des 10 points au dessus de la moyenne annoncés.... Taux de réussite très inférieur à l'enseignement "classique"... et élèves livrés à eux-mêmes..dommage.

à écrit le 28/06/2019 à 20:11
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10 points au-dessus de la moyenne pour le code ou la conduite ? pour la conduite, les taux de réussite sont invérifiables puisque les élèves passent le permis en candidat libre. Quant à la motivation des professeurs ????ce n'est par un article mais ...

à écrit le 28/06/2019 à 17:35
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Normalement la loi exige un local obligatoire pour un agrément auto-école. 10 points au-dessus de la moyenne ce n'est pas exceptionnel vu que celle-ci est en dessous de 60%. Comme notre cher président Ornikar apprend à passer le permis pas à conduire...

à écrit le 28/06/2019 à 8:12
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"Ils cotisent moins pour leurs retraites". Le mieux est de faire son bas de laine et capitaliser au maximum ses gains. Ainsi, l'on se met a l'abri. D'autant que personne dans vingt annees ne touchera de retraites ou alors des figues sauf bien ente...

le 28/06/2019 à 8:33
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effectivement hormis les rentiers de la ripoubliques, les autres seront tous mis au regime ' minimum vieillesse', qu'ils aient cotise ou pas meme la suite est ecrite ( et certains hurleront quand on leur annoncera que la retraite pour laquelle ils ...

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