Prix 10.000 startups 2021 : Bodyguard, l'IA qui débarrasse les réseaux sociaux de la haine

En moins de trois ans, la startup niçoise a convaincu ministres, médias, influenceurs et le grand public. Sa spécificité ? Lutter contre le cyber-harcèlement en identifiant et retirant automatiquement les contenus haineux qui envahissent Twitter, Facebook ou Instagram. Bodyguard est le gagnant 2021 du prix "10.000 startups pour changer le monde", dans la catégorie "Impact".
Charles Cohen, le CEO de Bodyguard, reçoit le prix Impact du concours 10.000 startups pour changer le monde, au Grand Rex de Paris le 29 mars 2021.
Charles Cohen, le CEO de Bodyguard, reçoit le prix "Impact" du concours 10.000 startups pour changer le monde, au Grand Rex de Paris le 29 mars 2021. (Crédits : DR)

Certaines innovations sont si utiles qu'elles peuvent sauver des vies. C'est le cas de Bodyguard, créé il y a trois ans par un petit génie de l'informatique, Charles Cohen, 22 ans à l'époque. Grâce à son intelligence artificielle unique au monde, Bodyguard peut repérer et supprimer tous les contenus haineux publiés sur les réseaux sociaux, de manière personnalisée, avant même que l'utilisateur en prenne connaissance. Même Facebook, Twitter ou encore YouTube n'ont pas encore réussi à atteindre ce niveau de précision dans la compréhension du langage naturel. Autrement dit, la startup niçoise permet à tous de se protéger de tous les types de cyber-harcèlement (haine, insultes, harcèlement sexuel...), ce qui est particulièrement précieux pour les personnes les plus vulnérables comme les adolescents.

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Autodidacte de l'informatique

Lorsqu'il se lance il y a trois ans, Charles Cohen est bien loin d'imaginer s'embarquer pour une aventure entrepreneuriale au long cours. Tout juste, au moins, une expérience utile. Tout commence à l'âge de 10 ans, lorsque la programmation entre dans sa vie, tout simplement parce que son père installe un ordinateur dans sa chambre... mais sans accès à Internet. Curieux, Charles Cohen découvre la programmation en Java Script, ce langage qui est d'ailleurs celui utilisé pour Bodyguard. A 12 ans, il a affaire à ses premiers logiciels. Sa scolarité se poursuit jusqu'au bac, qu'il obtient avec une moyenne de 10,5. S'il ne sait vers quelle voie s'orienter, le déclic se produit lorsque Charles Cohen découvre l'histoire d'une petite fille harcelée en ligne qui se suicide.

« J'ai reçu une très bonne éducation de la part de mes parents, je pense être quelqu'un de bon, dans le sens où j'aime faire du bien autour de moi, aider si possible par mes compétences. L'article sur cette terrible histoire m'a donné envie de tester une solution. Et puis j'étais nourri, logé, blanchi, puisque je vivais chez mes parents. Je me suis dit que je pouvais faire un an de R&D en pyjama dans ma chambre ».

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Compréhension fine du langage naturel

Charles Cohen se lance. « J'ai commencé par le plus difficile, protéger un individu. Mais pour cela, il faut comprendre très finement le langage naturel, pour séparer ce qui relève d'un simple commentaire, même s'il y a une insulte dedans, d'un propos haineux". Par exemple, la phrase "J'ai été traitée de sale pute dans la rue" sera conservée, tandis que "T'es une sale pute" sera supprimé. Bref, Bodyguard ajoute de l'intelligence à la modération automatique, aujourd'hui globalement inefficace.

La ponctuation, notamment, joue toute son importance. Mais il faut aussi appréhender le contexte, les métaphores et autres nuances de la langue, le langage SMS qui fleurit sur les réseaux sociaux, les emojis, les abréviations, les mots censurés et jusqu'aux fautes de frappe. L'algorithme développé par Bogyguard offre une protection personnalisée : chacun définit, dans ses paramètres, contre quoi il veut être protégé, certains voulant juste supprimer les insultes tandis que d'autres souhaitent une modération plus complète intégrant harcèlement moral, haineux, sexuel... La startup assure ainsi pouvoir détecter 90 % des contenus inappropriés et ne comptabiliser que 2% d'erreurs.

Rapidement, 20 000 utilisateurs adoptent Bodyguard. Ses meilleurs ambassadeurs sont des politiques, des YouTubeurs et des célébrités, qui ne tarissent pas d'éloges à son égard, notamment l'ancien secrétaire d'Etat au numérique Mounir Mahjoubi, la députée LREM Aurore Bergé, la journaliste Rokhaya Diallo ou encore le chanteur Bilal Hassani. Les médias évoquent la techno. Et voilà la startup devenir le sujet d'attention d'une vingtaine de fonds d'investissement. C'est ainsi que sans chiffre d'affaires, sans business-plan et sans bagage universitaire, Charles Cohen lève 2 millions d'euros.

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60.000 utilisateurs, lancement d'une offre "entreprises"

Aujourd'hui, Bodyguard a bientôt quatre ans et revendique 60 000 utilisateurs. Initialement destinée au grand public, la solution a également été développée et commercialisée en janvier dernier pour les entreprises.

« Nous voulons que Bodyguard reste gratuite pour le grand public, mais pour générer des revenus nous proposons un abonnement aux entreprises, afin d'en faire une solution SaaS de la trust and safety », indique Charles Cohen. « La version BtoB permet de protéger les entreprises à tous les niveaux et sur tous les réseaux sociaux, les dirigeants comme les salariés ».

La startup a opté pour le système de l'abonnement et trois niveaux d'offres pour le segment BtoB -dont une offre dédiée aux startups-, pour compenser la « perte » engendrée par le segment BtoC, gratuit. Aujourd'hui, quatre types d'entreprises ont souscrit à la solution Bodyguard : celles du jeu vidéo, les nouveaux médias comme Brut ou Powder, les marques qui vendent en ligne, et les clubs sportifs. Toutes font face à d'importants enjeux de modération de leurs contenus. « A chaque fois, nous avons signé les top leaders », s'enthousiasme Charles Cohen.

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"Pas intéressé" par un rachat par Facebook, Google ou Twitter

Entrée une nouvelle étape de son développement, la startup entame une phase de commercialisation plus active, afin « de pouvoir générer du chiffre d'affaires d'ici le mois de septembre prochain ». 80.000 euros de revenus par mois sont espérés en 2021, précise Charles Cohen. Septembre devrait également voir la conclusion d'une levée de fonds en série A, destinée notamment à intensifier la présence sur le marché américain. Un tour de table envisagé à hauteur de 10 millions d'euros. Et qui donnerait à BodyGuard la capacité à s'exporter sereinement.

Quant à la suite, Charles Cohen assure que Bodyguard qu'il n'est "pas intéressé" par un rachat de sa technologie par Facebook, Google ou Twitter. Ces géants américains feraient pourtant un très bon usage de cette technologie, tant ils sont critiqués pour leur modération plus qu'insatisfaisante. Mais l'entrepreneur n'a pas peur de rater une belle opportunité financière:

"Quand ils auront suffisamment la pression des politiques pour régler le problème de la haine sur leurs plateformes, ils développeront eux-mêmes dans quelques années leur propre technologie, qui sera aussi efficace que celle de Bodyguard. Donc on deviendra inutiles sur Facebook, YouTube et Twitter, mais c'est tant mieux ! s'exclame l'entrepreneur. Notre but est d'être là pour tous les autres, c'est-à-dire les petits réseaux sociaux et surtout les médias et toutes les entreprises qui ont une présence en ligne et qui n'ont pas les moyens de Facebook et Twitter".

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Le prix "10.000 startups pour changer le monde" est le plus grand concours de startups en France. Il est organisé par La Tribune en partenariat avec BNP Paribas, la Mission French Tech, Bpifrance, Business France, le cabinet de conseil en propriété intellectuelle Germain Moreau, Enedis, le secrétariat d'Etat à l'Economie Sociale et Solidaire et le ministère de l'Outre-Mer.

"10.000 startups pour changer le monde" récompense depuis 9 ans les startups françaises les plus prometteuses dans six catégories qui incarnent les défis de demain : Environnement & Energie, Industrie du futur, Data & IA, Smart tech -innovations d'usage-, Santé et Start -pépites en phase d'amorçage. Lors d'un tour de France entre janvier et mars dans 8 métropoles françaises (Lyon, Marseille, Toulouse, Bordeaux, Nantes, Paris, Strasbourg et Lille), son jury d'experts et de journalistes a récompensé dans chaque région 6 startups, une par catégorie, soit 48 lauréats régionaux.

Ces gagnants se sont affrontés en finale le 15 mars en Paris, pour désigner parmi eux 8 grand prix nationaux : un par catégorie, ainsi qu'un prix Coup de Coeur et un prix Impact. Un 9è prix a également été décerné à une startup des Outre-Mer, parmi quatre finalistes primés à La Réunion et en Guadeloupe. Les 9 prix ont été remis le 29 mars 2021 au Grand Rex de Paris. Après sa victoire lors de la sélection régionale de Marseille, Bodyguard est le grand lauréat national dans la catégorie spéciale "Impact".

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Commentaires 8
à écrit le 02/04/2021 à 7:44
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Ca a aussi un effet pervers, un web aseptisé devient inintéressant, personnellement je ne suis plus sur aucun des réseaux gafam, j'ai supprimé tous mes comptes, si c'est pour lire la pravda, j'en ai pas besoin.

à écrit le 01/04/2021 à 15:54
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sur qu'avec un cohen, les "dieudonnés" seront bien gardés..

à écrit le 01/04/2021 à 15:10
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Charles C. du peuple autodidacte victime de la haine millénaire.

à écrit le 31/03/2021 à 17:12
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"Charles Cohen assure que Bodyguard qu'il n'est "pas intéressé" par un rachat de sa technologie par Facebook, Google ou Twitter." Pas encore, ça va venir ,comme les autres

à écrit le 31/03/2021 à 17:11
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"avant même que l'utilisateur en prenne connaissance". Et même avant qu'il n’écrive, ils vont repérer les doigts boudinés sur le clavier.

à écrit le 31/03/2021 à 13:20
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Ça c’est une insulte , sexiste en plus ( l’exemple dans le texte ) ce n’est pas de la haine , définir la différence entre haine et insulte ..., la haine peut être subtile et j’en doute qu’une IA le décèle , car il faudrait une âme , et l’IA n’a...

à écrit le 31/03/2021 à 11:27
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Un titre putaclik pour vanter quelque chose qui n'existe pas : une IA. Il s'agit juste d'un algorithme permettant à ses utilisateurs de filtrer les messages qu'ils ne souhaitent pas voir. L'intention est louable et l'outil potentiellement utile, mais...

à écrit le 31/03/2021 à 10:18
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Et ya pas une appli pour notre classe dirigeante du coup ? Après la haine la peur peut-être ? Certainement le ressentiment le plus ravageur.

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