Prix Tech for Future 2023 : Dionymer, la poudre blanche biosourcée qui veut nous sevrer du pétrole

Capable de trouver des alternatives aux polymères d’origine pétrochimique, cette biotech bordelaise spécialisée dans la chimie biosourcée porte aussi la conviction que la décarbonation de l’industrie passera par une production décentralisée en circuit court. Dionymer gagne le prix Tech for Future 2023, organisé par La Tribune, dans la catégorie « Start ». Portrait.
Thomas Hennebel, le cofondateur et CEO de Dionymer, au Grand Rex de Paris le 6 avril 2023 avec Clara Chappaz, directrice de la Mission French Tech. Dionymer gagne le prix Tech for Future 2023, organisé par La Tribune, dans la catégorie Start.
Thomas Hennebel, le cofondateur et CEO de Dionymer, au Grand Rex de Paris le 6 avril 2023 avec Clara Chappaz, directrice de la Mission French Tech. Dionymer gagne le prix Tech for Future 2023, organisé par La Tribune, dans la catégorie Start. (Crédits : Georges Vignal)

Méconnus du grand public parce qu'invisibles, les matériaux polymères sont pourtant présents partout. On les trouve notamment dans les plastiques, les peintures ou encore les colles qui nous entourent. 99 % de ces polymères sont d'origine pétrochimique, générant des émissions carbones et des déchets microplastiques polluants.

C'est pour changer cela que trois ingénieurs chimistes de l'Ensmac Bordeaux INP, ont créé Dionymer en 2020. « On a une approche différente : nous créons des polymères à partir du carbone des déchets organiques, à l'aide d'une bactérie capable de le digérer puis de l'assimiler sous forme de polymère que nous récupérons ensuite », explique Thomas Hennebel, le CEO de l'entreprise cofondée avec Guillaume Charbonnier, qui pilote la production, et Antoine Brège, en charge de la R&D.

Le PHA (polyhydroxyalcanoate) biosourcé, créé grâce à ce processus breveté, se présente sous forme d'une poudre blanche « aux capacités extrêmement similaires à leurs équivalents pétro-sourcés tout en étant biodégradable et compostable sans processus industriel ».

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La cosmétique et le médical dans le viseur

Dionymer nourrit de grandes ambitions tant les applications sont nombreuses dans un monde biberonné au plastique depuis les années 1950. Mais la startup bordelaise n'en est qu'au tout début de son histoire et prend soin de ne pas s'éparpiller. Elle se concentre pour l'instant sur le traitement de deux matières premières : les déchets alimentaires de la restauration et le marc de raisin de l'industrie agroalimentaire.

L'objectif : répondre aux besoins de la formulation cosmétique et de l'encapsulation de principes actifs pour les secteurs de la cosmétique et du médical. Deux marchés jugés prioritaires car « combinant des volumes de production faibles et une valeur ajoutée forte », résume Thomas Hennebel, qui pilote Dionymer en s'appuyant notamment sur son expérience de conseil en stratégie au sein du cabinet Talisker Consulting. « Ensuite, seulement, on pourra envisager d'aborder la grande famille du polyester utilisée par l'industrie textile et les emballages souples et rigides », précise-t-il.

Mais pour l'instant, l'heure est encore à la R&D appliquée, sachant que pour créer une tonne de polymère biosourcé, il faut dix fois plus de biodéchets. « Grâce aux 500.000 euros levés fin 2022 auprès de business angels et de Bpifrance, nous avons validé notre preuve de faisabilité en laboratoire en produisant quelques grammes de produit. Aujourd'hui, nous mettons au point un prototype capable d'en produite plusieurs centaines de grammes par mois », poursuit le CEO.

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Production en circuit court

2024 doit être l'année du décollage pour Dionymer avec la mise en service d'une première « Phactory », une unité pilote capable de produire plusieurs dizaines de kilogrammes de PHA par mois. Cette perspective séduit déjà des premiers clients, dont un groupe pharmaceutique girondin produisant des déchets d'agrumes tout en consommant des polymères.

« Notre philosophie fondamentale c'est de permettre à nos clients de résoudre deux problèmes d'un coup tout en limitant drastiquement les émissions carbones. En clair : la transformation du déchet en polymère se fait en circuit court, dans un conteneur installé sur le site du client, pour diminuer les émissions liées au transport », décrit l'entrepreneur.

Une levée de fonds de 2 millions d'euros dans les tuyaux

À la tête d'une petite équipe de six collaborateurs, Thomas Hennebel prévoit logiquement un chiffre d'affaires inférieur à 100.000 euros pour 2023, avant une montée en puissance qui doit amener Dionymer à plusieurs millions d'euros de chiffre d'affaires d'ici à 2030. « Le marché est là, on sent la traction commerciale, particulièrement dans l'industrie cosmétique où la plupart des acteurs sont désormais engagés dans des stratégies de zéro pétrole », avance Thomas Hennebel.

Et le chef d'entreprise en a bien conscience : Dionymer est une deeptech résolument dans l'air du temps qui cherche à résoudre simultanément plusieurs problèmes majeurs de nos économies. « On est partis de zéro en 2020, on avait besoin de tout et on a eu beaucoup de réponses, énormément de soutien et des aides publiques. C'est très rassurant de voir la réponse de l'écosystème sur ces enjeux fondamentaux que sont la décarbonation et l'économie circulaire », se réjouit-il. Résolument optimiste, il travaille déjà à une nouvelle augmentation de capital d'environ deux millions d'euros en fin d'année, pour financer le premier démonstrateur de Dionymer.

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« Tech for Future » est le grand événement tech de La Tribune, piloté par les rédactions de La Tribune et soutenu par des partenaires officiels tels que la Mission French Tech, Bpifrance, Business France, BNP Paribas, Dalkia et Deloitte, ainsi qu'une centaine d'acteurs de la tech. Il se compose d'une tournée en janvier et février dans tous les territoires (11 étapes dont 8 en métropole et 3 en Outre-Mer), pour repérer les innovations qui changent le monde dans tous les domaines, et des débats à chaque étape sur le rôle économique, sociétal et géopolitique de la tech pour la France et l'Europe.

Au terme de cette tournée, 51 startups de tous les territoires ont été primées. Parmi elles, La Tribune a révélé au Grand Rex de Paris, le 6 avril, les 10 grands gagnants 2023. Après sa victoire lors de la sélection dans la région Nouvelle-Aquitaine, Dionymer est le grand gagnant national du prix « Start - phase d'amorçage ».

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Commentaire 1
à écrit le 16/04/2023 à 9:03
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Une usine pilote produisant quelques dizaines de kg par mois en 2024🤭 En réalité l'objectif de cette start up est de trouver une société à laquelle se vendre. Bon courage aux pigeons qui mettront des sous dans une telle société.

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