Quand la visio repeuple les déserts médicaux

DOSSIER SANTÉ - Alors que plus de 20 millions de Français vivent dans des territoires affectés par la pénurie de médecins, la télémédecine s’impose pour redonner accès aux soins au plus grand nombre. Une thématique qui sera au coeur du forum Impacts santé organisé par La Tribune qui se tiendra ce jeudi à Paris.
La société Medadom a installé ces bornes de téléconsultation dans plus de 4 300 pharmacies en France.
La société Medadom a installé ces bornes de téléconsultation dans plus de 4 300 pharmacies en France. (Crédits : latribune.fr)

La télémédecine est-elle le remède aux déserts médicaux ? Sans être la solution miracle, elle peut favoriser l'accès à un médecin pour les 30% de la population habitant dans des zones en tension. Après une explosion pendant la crise du Covid, les téléconsultations se sont stabilisées depuis à environ 1,2 million par mois, soit 4% de l'ensemble des consultations.

« Les études montrent qu'un diagnostic peut être posé dans 70% des cas sur la base de l'interrogatoire (ou anamnèse) du patient, explique Olivier Babinet, expert en santé numérique. Avec l'entretien et les dispositifs médicaux connectés qui permettent de mesurer les constantes à distance, la consultation en présentiel, parfois éprouvante pour le patient, peut être évitée. Toutefois, en cas de besoin d'un examen clinique, la téléconsultation montre ses limites ».

La télémédecine englobe également la téléexpertise et la télésurveillance. La première permet à un praticien de solliciter l'avis d'un spécialiste, et la seconde d'assurer un suivi à distance.

« Malgré l'engouement pour la télésanté pendant la pandémie de Covid-19, son déploiement bute contre des contraintes réglementaires. L'idéal est de la combiner avec des consultations en présentiel, surtout pour les maladies chroniques. La situation est d'autant plus critique que 6 millions de Français n'ont pas de médecin traitant », poursuit Olivier Babinet. Parmi ces contraintes, la territorialité : le praticien téléconsultant doit se situer à proximité du domicile du patient. Une orientation du médecin traitant est également requise. Mais des exceptions à ces règles sont prévues. Par ailleurs, la consultation face caméra ne doit pas dépasser 20% de l'activité totale du professionnel de santé. Les négociations entre les syndicats et l'Assurance maladie pourraient toutefois relever ce seuil, en particulier pour les psychiatres.

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Des plateformes appuyées sur les pharmacies

Les plateformes (comme Medadom, Livi ou Qare), désormais soumises à un agrément du ministère de la Santé, réalisent 30% du total des téléconsultations. Medadom propose une application (web et mobile) ainsi que des cabines, bornes et consoles. « Dès le départ, nous avons choisi de nous déployer dans les pharmacies, un environnement de soin avec un professionnel de santé en mesure d'accompagner le patient lors de son colloque singulier avec le médecin », avance Elie-Dan Mimouni, cofondateur de la startup. En tout, 4 300 officines sont équipées de ses dispositifs. « Le pilotage des objets connectés par le pharmacien permet un meilleur diagnostic du médecin. Il y une vraie complémentarité pour un meilleur service rendu au patient. C'est aussi une innovation », ajoute Nathaniel Bern, également cofondateur de Medadom. Et dans les zones tendues, les pharmacies restent souvent le dernier lieu dédié à la santé.

Un élu en colère contre l'ARS

Après le départ à la retraite des deux derniers praticiens de sa commune, le maire de Laigneville (Oise), Christophe Dietrich, a ouvert un cabinet de télémédecine en 2018. La structure s'appuie sur un chariot médical (comprenant échographe, électrocardiogramme, stéthoscope, etc), manipulé par quatre infirmières. « Les habitants les plus rétifs au départ, les personnes âgées ou avec des pathologies multiples et complexes, ont été les premiers à venir, car ils faisaient confiance aux infirmières locales. Aujourd'hui, notre cabinet suit 2.000 patients », rapporte l'édile.

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Le coût annuel de 80.000 euros est intégralement assumé par la municipalité, faute de remboursement par l'Assurance maladie. Le maire dénonce un blocage de l'Agence régionale de santé à ce propos. Or pour celle-ci, « l'organisation mise en place ne répond pas aux critères de la convention nationale passée entre les médecins libéraux et l'Assurance maladie ». La fameuse condition de territorialité n'est, en effet, pas respectée. « Mais des médecins sur le territoire, on n'en a pas ! » rétorque Christophe Dietrich, très remonté contre l'établissement public. É. G.

4 % : La part de téléconsultations dans l'ensemble des consultations

30 % : La part des plateformes, comme Qare, Medadom ou Livi, dans le total des téléconsultations

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Commentaires 8
à écrit le 23/04/2024 à 17:18
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A noter , que l'opticien Afflelou fait de même pour compenser le manque d'Ophtalmologiste.Il y a dans leur boutique une cabine comme sur la photo ,ils vous mettent en relation avec une ophtalmo par cam qui vous explique le processus à suivre pour les...

à écrit le 22/04/2024 à 15:30
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le supplétif numérique n'est qu'une piètre réponse au grave problème des déserts médicaux. Comment les gouvernements successifs ont-ils pu bloquer volontairement la formation à la médecine. Aujourd'hui et depuis des années, il nous faut aller en cher...

le 22/04/2024 à 16:06
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"les fautes gouvernementales " sachez que le conseil de l'ordre des médecins ainsi que les syndicats de médecins sont aussi responsables en grande partie de la situation actuelle .Le conseil de l'ordre estimait il y a encore quelques années qu'il y a...

le 23/04/2024 à 14:31
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@LDX Je suis assez d'accord avec vous sur le rôle du conseil et des syndicats mais il n'ont qu'un rôle de conseil et ne prennent pas les décisions. Les responsables in fine sont les gouvernants. la profession s'est beaucoup féminisée et la prati...

à écrit le 22/04/2024 à 15:02
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de l'autre coté de l'écran,il y a obligatoirement un praticien qui a du temps disponible pour délivrer un diagnostic.la solution sera d'avoir des médecins en nombre suffisant et pas concentrés dans des zones agreables à vivre.dans cobien de temps???

à écrit le 22/04/2024 à 13:17
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le résultat de deux quinquennats. ! vont ils continuer à fermer les yeux sur cette crise sans fin ?

à écrit le 22/04/2024 à 12:19
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Ça doit être compliqué pour un médecin si le patient distant lui est inconnu. Quand le DMP sera bien renseigné, ça peut aider (pathologies, analyses, traitements en cours, etc), mais ça c'est sur la durée, au fil des années. "La situation est d'auta...

à écrit le 22/04/2024 à 11:41
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Avec une médecine mondiale prise en otage par le lobby pharmaceutique, la robotique et l'auto-diagnostique ne peuvent que prospérer.

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