Rien, ou presque, ne prédestinait Béatrice Leduby, CEO de Deki, à se lancer dans la green tech. Spécialiste de marketing, elle est encore à la tête d'une entreprise de parfums traditionnels, à Aubagne, lorsqu'elle demande un jour au chauffeur d'un camion venu prendre une livraison quelle sera sa prochaine étape, puisqu'il n'a que quelques colis. Il lui indique que, même presque vide, il va directement à Marseille... Une hérésie en termes de logistique et d'environnement ! Elle en parle autour d'elle et constate qu'elle n'est pas la seule cheffe d'entreprise à s'inquiéter de cette situation. Elle passe alors plusieurs mois à étudier la question des flux avec des experts, puis lance Deki, pour dernier kilomètre, avec Emmanuelle Champaud et Gwenaël Kervajan en juillet 2020.« En ville, c'est 60 % de vide qui entre !, s'exclame-t-elle, faisant allusion aux camions à peine remplis qui encombrent les rues. Pis, entreprises comme transporteurs travaillent souvent en silo. ».

En complément des solutions de transport décarbonées, vélos et véhicules électriques, pour les livraisons en ville, avec de nombreux centres urbains comportant désormais des zones à faibles émissions, il s'agit donc de décloisonner le secteur et d'optimiser les flux d'entrée en ville. Pour ce faire, il faut d'abord collecter les données et les analyser afin de proposer les solutions les plus efficaces.

Combinaison d'algorithmes

A cette étape, l'intelligence artificielle (IA) entre en jeu. En plus des outils à base d'IA disponibles sur le marché pour l'optimisation, la solution SaaS mise au point par les data scientists de Deki inclut des algorithmes supplémentaires, pour la mesure d'impact. « Notre solution combine ainsi le choix du meilleur véhicule et du meilleur parcours mais aussi l'impact le plus faible, tant en matière d'émissions de gaz à effets de serre, que de congestion du trafic (avec le nombre de kilomètres, la surface occupée, le temps de livraison...), que de nuisances sonores », explique-t-elle.

D'abord hébergée au sein de l'accélérateur Zebox, lancé en 2018 par le groupe CMA-CGM à Marseille, et soutenue par Bpifrance, l'Ademe et la Région Sud, la start-up, qui compte aujourd'hui 12 salariés, a déjà séduit plusieurs clients, industriels et transporteurs. « La Maison Ferroni, spécialisée dans le rhum, a été notre premier client et notre bêta-testeur, en 2021 », puis la Maison Villevert, à Cognac, indique Béatrice Leduby.

Depuis 2022, Deki fournit des services de livraisons urbaines décarbonées à des entreprises travaillant sur toute la France, dont Deret Transports, qui a notamment pour clients des groupes prestigieux tels que LVMH.

Passer à l'échelle

« Notre outil et notre start-up ont ainsi pu passer à l'échelle.», précise-t-elle. En matière de donneurs d'ordre, l'une de ses plus grandes fiertés - pour l'instant, en tout cas -, est Majuscule, pour lequel Deki a organisé les livraisons de fournitures scolaires dans toutes les écoles de la Ville de Paris. « Nous avons mesuré que, grâce à notre solution, c'est six fois moins d'espace qui a été occupé pour les livraisons dans les rues de la capitale », enchaîne-t-elle.

Le concept séduit également les investisseurs. La jeune pousse a levé 2 millions d'euros à la fin de l'année 2023. Dans le tour de table : la CMA-CGM, mais aussi le fonds d'investissement du groupe Banque Populaire et Denis Liotta, spécialiste de logistique et business angel du territoire Sud. Lauréate Greentech Innovation en 2022 et sélectionnée par l'Agence de l'innovation pour les transports (AIT) dans le cadre du programme Propulse en 2023, Deki poursuit sa route.

Propulse, des équipes très « terrain »

« La marque de confiance qu'apporte Propulse a rassuré les investisseurs, dit-elle. Les équipes de l'AIT, nous fournissent des informations sur le cadre légal du transport qui ont permis de lever des verrous réglementaires. Mais surtout, très spécialisées, très 'terrain', elles nous ont fait expérimenter davantage. Nous n'aurions pas pu le faire sans elles. ». Des spécialistes bienveillants, mais exigeants. La start-uppeuse se souvient d'ailleurs d'avoir été sérieusement « challengée » par l'AIT ! Enfin, l'AIT a permis d'exposer Deki au plus haut niveau, en organisant la visite du ministre des Transports d'alors, Clément Beaune, sur le stand Deki, hébergé par la Région Sud, au salon international Vivatech.

Béatrice Leduby compte désormais sur les Jeux olympiques et paralympiques 2024, d'autant que certaines compétitions auront lieu à Marseille, pour déployer la solution Deki. « La gestion des flux, pendant cette période, sera cruciale. D'ores et déjà, nous proposons un outil qui donne confiance au client final. Notre rôle est vraiment d'être facilitateur et d'avancer collectivement », résume-t-elle. La CEO de Deki voit dans cette exposition internationale un marche-pied pour passer à une nouvelle étape, celle d'un déploiement en Europe, avec un financement du fonds européen pour la mobilité urbaine. « Et là encore, les équipes de l'AIT sont à la manœuvre pour nous aider », conclut-elle.