Netflix, Disney+, MyCanal, Apple TV+... Les géants du streaming en quête de la bonne formule

Publicité, augmentation des prix... Les géants mondiaux de la vidéo à la demande sur abonnement (SVOD) multiplient les initiatives pour recruter de nouveaux adeptes.
Sylvain Rolland
Pour rivaliser avec Netflix, un vaste mouvement de consolidation est en cours pour rendre les challengers plus attractifs aux yeux des consommateurs.
Pour rivaliser avec Netflix, un vaste mouvement de consolidation est en cours pour rendre les challengers plus attractifs aux yeux des consommateurs. (Crédits : dr)

Halte à la surchauffe ! Entre Netflix, Prime Video, Disney+, MyCanal, Paramount+, Apple TV+ et bientôt Max, qui débarquera en France à l'été 2024 avec les droits de diffusion des Jeux olympiques dans sa besace, le public ne sait plus où donner de la tête entre tous les services de vidéo à la demande sur abonnement (SVOD). D'autant plus qu'il peut aussi être tenté, en France, par les plateformes gratuites comme Arte.tv et France.tv, 6play du groupe M6, ou encore l'arrivée de TF1+. La bataille pour le « temps de cerveau humain disponible » des consommateurs, selon la fameuse formule de l'ancien PDG de TF1 Patrick Le Lay, est donc féroce. Il ne faut pas non plus sous-estimer l'attractivité des chaînes de la télévision traditionnelle - qui bougent encore malgré l'évolution des usages - et des plateformes comme YouTube et TikTok, très populaires parmi les moins de 25 ans.

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Trop de concurrence, pas assez de revenus : telle est l'équation périlleuse à laquelle sont confrontés les géants du streaming. 2023 a prouvé qu'il n'y a pas assez de place pour tout le monde dans le cœur - et le portefeuille - du public, d'autant plus quand l'inflation pèse sur le budget des ménages. Le constat est accablant : à part Netflix - et la plateforme Hulu aux États-Unis -, aucun service de SVOD n'est rentable. Malgré 150 millions d'abonnés dans le monde fin 2023, Disney+ continue de perdre de l'argent : ses comptes sont dans le rouge de 387 millions de dollars pour le seul dernier trimestre. Idem pour Paramount+, qui cumule une perte d'environ 1,1 milliard de dollars sur un an.

Lutte contre le partage des comptes

Comment stopper l'hémorragie sans négliger l'investissement dans les contenus, le nerf de la guerre pour séduire les abonnés ? Comme souvent, le marché s'inspire du pionnier, Netflix. Confronté à sa première panne de croissance en 2022, le leader mondial aux 247 millions d'abonnés à date a repris du poil de la bête en 2023 en misant sur plusieurs leviers. Le premier est la lutte contre le partage des comptes : il est désormais impossible de refiler son mot de passe à son beau-frère pour qu'il profite gratuitement d'un abonnement. Cette pratique était massivement répandue : Netflix l'estimait à 100 millions de personnes dans le monde (!). Désormais, ceux-ci doivent débourser quelques euros ou dollars de plus pour pouvoir squatter le compte de quelqu'un d'autre.

Le deuxième levier est celui de la publicité : pour recruter de nouveaux clients, Netflix a lancé un abonnement moins cher, à 5,99 euros par mois, mais avec des réclames avant et pendant les programmes. C'est un énorme coup de canif dans la promesse initiale de la plateforme d'enfin donner au consommateur une expérience télévisuelle d'une fluidité parfaite : les contenus où on veut, quand on veut, sans pub. Ses dirigeants juraient qu'ils ne céderaient jamais aux sirènes de la réclame, mais la réalité économique les a rattrapés. Et le pari s'est révélé gagnant, même s'il est difficile de déterminer quelle part de la croissance du parc d'abonnés en 2023 (8,8 millions d'abonnés en plus au 3e trimestre) vient de la fin du partage des comptes ou de la publicité. Cette nouvelle ligne de revenus a aussi permis à Netflix d'augmenter le prix de ses autres abonnements. Grâce à ces initiatives, le streamer devrait afficher en 2023 la meilleure année de son histoire en matière de chiffre d'affaires, et augmenter nettement le fameux ARPU (revenu par abonné) très prisé par les investisseurs. Principal challenger de Netflix, Disney+ prend le même chemin. La maison de Mickey a lancé le 1er novembre sa première offre avec publicités, également à 5,99 euros par mois.

En 2024, ce mouvement va s'amplifier. Amazon Prime Video et Apple TV+, les deux derniers services sans aucune réclame, vont rompre la digue. L'offre avec pubs de Prime Video sera lancée le 29 janvier aux États-Unis, un peu plus tard en France. Par ricochet, le prix de l'abonnement sans publicité va frôler les 10 euros par mois, alors qu'il se situe aujourd'hui à 6,99 euros pour les abonnés mensuels et à 5,80 euros pour ceux qui paient un abonnement annuel au service d'e-commerce Amazon Prime. Soit un tiers de plus.

Des contenus aux coûts de production énormes

La même logique semble à l'œuvre chez Apple TV+. Alors que la plateforme du constructeur de l'iPhone coûtait 4,99 euros par mois depuis son lancement fin 2019, le prix est monté à 6,99 euros par mois en octobre 2022, et s'affiche à 9,99 euros par mois depuis novembre. Soit près du double en moins de cinq ans. D'après la presse américaine, le géant de Cupertino travaille aussi, pour 2024, à une offre avec pubs. Pour la construire, il a embauché une pointure du secteur, Lauren Fry, avec le titre de « directrice des publicités vidéo ».

D'après les analystes, les hausses de prix ne sont pas terminées, tout simplement car le secteur cherche encore son point d'équilibre. Les streamers doivent non seulement couvrir les énormes coûts de production des contenus originaux - Netflix va investir 17 milliards de dollars en 2024, dans la lignée des années précédentes -, mais aussi dépenser cher pour gonfler leur catalogue de titres achetés à d'autres studios. Ceux-ci pèsent lourd : les séries « de catalogue » comme Grey's Anatomy, Friends, NCIS ou le dessin animé Bluey sont des pensionnaires réguliers du top 10 hebdomadaire de l'institut Nielsen. Il est également très probable que les avancées historiques obtenues par les scénaristes et les acteurs après leur grève de six mois en 2023 soient payées in fine par de nouvelles augmentations des tarifs dans les années à venir. Certains analystes estiment que ce fameux point d'équilibre se situe jusqu'à 19,99 dollars ou euros par mois. Max, historiquement la plus chère des plateformes - en partie car elle valorise le prestige du catalogue HBO -, l'a déjà atteint pour son forfait premium. Netflix l'a même dépassé en 2023 : son offre premium coûte 22,99 dollars aux États-Unis, 19,99 euros en France. Si les autres services ne sont pas encore à ces niveaux, l'expérience montre que Netflix fixe le cap et que le reste de l'industrie suit avec quelques années de retard.

D'autant plus que, pour rivaliser avec Netflix, un vaste mouvement de consolidation est en cours pour rendre les challengers plus attractifs aux yeux des consommateurs. En 2022, le groupe Discovery, connu outre-Atlantique pour ses documentaires et ses émissions de divertissement et de télé-réalité, a racheté WarnerMedia pour créer le géant Warner Bros. Discovery. Cette opération à 43 milliards de dollars a abouti au lancement, en mai dernier, de la plateforme Max, fusion des deux précédents services HBO Max et Discovery+. En mutualisant le gigantesque catalogue de cinéma et de télévision de la Warner, les séries de prestige de HBO ainsi que les nombreux droits sportifs des chaînes Eurosport et les milliers d'heures de divertissement de Discovery+, Max se positionne comme une plateforme capable de délivrer tous types de contenus pour tous les membres d'un foyer. Exactement comme Netflix. Le service débarquera en France à l'été 2024, à temps pour les Jeux olympiques de Paris, dont les droits de diffusion sont partagés entre Eurosport - inclus dans l'offre - et France Télévisions.

Vers un abonnement à 20 euros par mois ?

Ce n'est pas tout : Warner Bros. Discovery pourrait s'élargir encore plus en rachetant le groupe Paramount Global, qui détient un studio centenaire, de nombreuses chaînes de télévision et la plateforme Paramount+, forte de 61 millions d'abonnés dans le monde en 2023. Pour l'heure, le projet en est au stade des discussions. Mais Warner Bros. Discovery souhaite grossir, et la mise en vente de certains actifs de Paramount Global est un fait connu depuis plusieurs mois. Reste à savoir si le groupe se vendra totalement ou en partie, et à qui, sachant que Comcast (qui détient NBCUniversal et sa plateforme Peacock) pourrait aussi être intéressé.

De son côté, Disney va avaler Hulu en 2024. Ce « petit » service, inconnu en France mais très populaire outre-Atlantique avec 48,5 millions d'abonnés fin 2023, fait partie des pionniers de la SVOD et dispose d'un catalogue très fourni. Il est rentable grâce à son expertise publicitaire, au cœur de son modèle depuis son lancement à la fin des années 2000. Le groupe Disney, qui détenait 66 % du capital de Hulu, a décidé de racheter les 33 % restants à Comcast. L'objectif à terme : fusionner les deux plateformes en un seul géant sous la marque Disney+. Cela lui permettrait d'intégrer les contenus originaux et le catalogue très fourni de Hulu, et de profiter de son savoir-faire dans la publicité, dont Disney+ a grandement besoin. Autrement dit, d'ici quelques années, le marché aujourd'hui éclaté de la SVOD pourrait se consolider au point qu'il n'y ait plus que trois géants - Netflix, Disney+ et Max - proposant des forfaits plus chers, autour de 20 euros par mois pour chacun, avec en embuscade des plateformes « secondaires » moins chères mais moins ambitieuses (Prime Video, Apple TV+, Peacock...), bataillant avec les offres locales de chaque pays.

Sylvain Rolland

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Commentaires 4
à écrit le 15/01/2024 à 10:38
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"par les plateformes gratuites comme Arte.tv et France.tv, 6play du groupe M6, ou encore l'arrivée de TF1+" Ou Pluto.TV société américaine qui passe des vieilles séries ou films qui ont été rentabilisé depuis des lustres .

à écrit le 15/01/2024 à 10:37
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@ dossier 51 - Pour éviter de trier, j'ai fait un choix....1 seul abonnement. 😃

le 18/01/2024 à 11:30
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Un seul abonnement impose déjà de trier beaucoup en streaming. Je ne sais pas comment font ceux qui en ont plusieurs et je pense que c'est là ou ça ampute en ce moment chez les consommateurs.

à écrit le 14/01/2024 à 8:23
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Surtout que les gens sont en train de trier les prélèvements qu'ils subissent en cette période de crise.

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