OCS : la perte du catalogue HBO fin 2022 pourrait-elle signer son arrêt de mort ?

Grâce à un accord de distribution qui court jusqu'à fin 2022, la plateforme de streaming française OCS détient les droits exclusifs de diffusion de l'immense catalogue de l'américain HBO, connu pour ses séries cultes comme Game of Thrones. Mais l'accord ne sera certainement pas reconduit : HBO est désormais le pilier d'un nouveau géant du streaming, HBO Max, qui compte rivaliser avec Netflix, Amazon Prime Video et Disney+. Lancé en 2020, HBO Max entend se déployer dans 190 pays d'ici à 2026... y compris en France, où il vient de recruter une directrice des programmes. Mais alors que les contenus HBO constituent l'essentiel de l'attractivité d'OCS, la plateforme française a-t-elle un avenir sans eux ? Analyse.
Sylvain Rolland
Insecure, série HBO à la une de OCS ce mardi 9 novembre.
"Insecure", série HBO à la "une" de OCS ce mardi 9 novembre. (Crédits : DR)

La plateforme de streaming OCS peut-elle survivre à la perte des séries HBO qui font son succès et sa renommée ? La question se pose sérieusement, car l'accord pluriannuel qui lie HBO à Orange -premier actionnaire d'OCS avec 66,67% du capital- se termine fin 2022. Et contrairement à d'habitude -la collaboration entre les deux entités remonte à 2008 et a été prolongée plusieurs fois-, tout indique que cette fois, le deal ne sera pas renouvelé.

HBO Max en France dès 2023 avec les contenus HBO aujourd'hui chez OCS ?

La raison ? La volonté affichée du géant américain WarnerMedia, propriétaire d'HBO, de lancer son nouveau service de SVoD (vidéo à la demande sur abonnement), HBO Max, dans 190 pays d'ici à 2026. Son objectif : devenir un nouveau géant du streaming capable de rivaliser avec Netflix, Amazon Prime Video et Disney+. Mais pour cela, il lui faut récupérer le catalogue de son studio phare, HBO, qui fait l'objet dans certains pays d'un accord de diffusion exclusif de cinq ans avec un acteur local : OCS dans l'Hexagone depuis 2017, Sky au Royaume-Uni, en Irlande, en Allemagne et en Italie depuis 2019.

Or, l'Europe est un marché capital pour HBO Max dans sa conquête du monde. La plateforme vient de se lancer, le 26 octobre, dans les pays nordiques, l'Espagne et Andorre, et attaquera 20 autres pays européens dès 2022. D'après Variety, la France suivra dès 2023 une fois l'accord avec OCS expiré. Et d'après le site Television Business International, qui cite des sources internes chez WarnerMedia, HBO Max pourrait même rompre son contrat avec Sky, qui court jusqu'à fin 2025, pour s'implanter plus tôt au Royaume-Uni, en Irlande, en Allemagne et en Italie, pour emboîter le pas à la France.

"Dans la mesure où la stratégie de WarnerMedia est de devenir un acteur global, il aurait tort de se priver d'un accès direct au consommateur français avec HBO Max. D'autant plus que les contenus HBO sont très connus en France, donc attendus, et ce en partie grâce à OCS", indique à La Tribune Stéphanie Baghdassarian, vice-présidente du cabinet de conseil Gartner et spécialiste du marché de la SVoD.

Pour l'heure, ni WarnerMedia ni Orange ni OCS n'ont confirmé la non-reconduction du deal HBO/OCS. Mais le recrutement d'une nouvelle directrice des programmes pour la France, Vera Peltekian, ancienne de Canal+ où elle a participé au développement de nombreuses séries originales, en dit long sur les ambitions du groupe dans l'Hexagone. Dans un communiqué de presse, Antony Root, le vice-président exécutif et chef de la production originale de WarnerMedia dans la zone Europe et Moyen-Orient, décrit Vera Peltekian comme "une dirigeante de niveau mondial" dont le recrutement "assure de pouvoir présenter des contenus qui vont attirer les spectateurs quand nous lancerons HBO Max en France". Difficile de faire plus clair.

La crainte d'une fuite des abonnés vers HBO Max

Concrètement, OCS s'apprête donc à perdre d'un coup, fin 2022, une grande partie des centaines de séries, mini-séries, films et documentaires estampillés HBO qui composent l'essentiel de son offre. D'après nos informations, les seuls contenus HBO qui pourraient rester sur OCS jusqu'à fin 2023 sont les nouvelles saisons des séries en cours de diffusion avant la fin de l'accord, notamment la série dérivée de Game of ThronesHouse of the Dragon, attendue courant 2022.

La question est donc : que feront les quelque 3 millions d'abonnés à OCS sans les contenus HBO ? Chez Orange, on minimise l'importance de l'américain sur l'attractivité d'OCS. Lancée fin 2008, la plateforme propose il est vrai quatre chaînes et des milliers de programmes à la demande, dont des films en première exclusivité six mois après leur sortie en salle grâce à un partenariat avec UGC et Sony Pictures Television. OCS propose aussi des programmes originaux (OCS Signature et OCS Originals), et des séries exclusives négociées avec d'autres studios que HBO, notamment les deux plus grands succès actuels de la plateforme, The Walking dead (AMC) et The Handmaid's tale (Hulu).

Mais la perte d'HBO serait un vrai coup dur pour OCS tant le service a associé HBO à son image de marque. Car ce sont bien ses séries prestigieuses et populaires comme Game of ThronesSuccessionBig little liesWestworldChernobyl ou encore The Leftovers, qui lui ont permis de se faire un nom et de trouver sa place dans le paysage français de la SVoD. L'accès exclusif à l'ensemble des séries cultes des années 2000, des Sopranos à Six feet under en passant par Sex and the city ou The Wire, est également un argument fort pour OCS. Et c'est pour cela que Stéphanie Baghdassarian de Gartner estime que le risque de fuite d'abonnés est réel :

"OCS a tellement entretenu l'image de prestige des séries HBO et mis en avant les programmes HBO dans son offre, qu'il est possible que de nombreux abonnés soient davantage attachés à HBO qu'à la marque OCS. Ils pourraient donc suivre la migration du catalogue vers HBO Max, voire, dans le meilleur des cas pour OCS, prendre un abonnement aux deux services, mais une perte d'abonnés est un risque non négligeable."

Se réinventer ou mourir

Est-ce à dire que sans HBO, OCS pourrait fermer boutique ? Pas si vite. Car même si Orange et OCS parlent toujours de l'accord avec HBO comme s'il était pérenne, les choses bougent en interne et un changement de modèle économique d'OCS est sur la table. Christian Bombrun, l'ancien directeur des produits et services d'Orange France et directeur d'Orange Content, déclarait en juin au Figaro se préparer à "un OCS sans HBO". "La transformation est nécessaire car il est probable qu'un de nos fournisseurs ne sera plus là à l'avenir", indiquait-il, tout en rappelant que OCS est déficitaire depuis sa création et que le partenariat avec HBO était très coûteux. Ce qui signifie en creux que sans lui, OCS aurait davantage d'argent à investir, par exemple dans les contenus originaux.

Cette transformation pourrait aussi passer par renoncer au statut de chaîne de première exclusivité cinéma six mois après la sortie en salle, qui coûte à OCS la coquette somme de 42 millions d'euros par an pour une cinquantaine de films, souvent des comédies populaires. D'après Christian Bombrun, un recentrage sur les séries françaises originales (comme L'Opéra, lancée cet automne, ou 3615 Monique), sur les séries américaines hors HBO (comme The Handmaid's tale et The Walking dead) et sur les films en deuxième voire troisième exclusivité, pourrait donner une nouvelle vie à OCS. Et pourquoi pas en s'alliant avec d'autres acteurs historiques, dans un paysage de la SVoD en pleine expansion avec l'arrivée de nouveaux concurrents à Netflix et Amazon Prime Vidéo (Disney+, HBO Max, Apple TV+) et l'éclosion d'une vraie offre française autour de Canal+ et de Salto, l'alliance dans le streaming de TF1, M6 -qui devraient bientôt fusionner- et France Télévisions.

Une fermeture pure et simple d'OCS, avec la revente de ses actifs à d'autres acteurs -par exemple pour enrichir l'offre de Canal+ qui est aujourd'hui minoritaire au capital d'OCS (33,3%), voire de Salto-, pourrait également être envisagée. En début d'année, Capital révélait que Orange aurait approché plusieurs groupes de médias en ce sens, dont WarnerMedia. Autre signe inquiétant, Christian Bombrun, qui pilotait la transformation d'OCS, a choisi de quitter le navire en septembre. Il a été remplacé par Laurent Maillot à la tête d'Orange Content.

Sylvain Rolland

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Commentaires 2
à écrit le 10/11/2021 à 10:00
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Qu'à faire une opa sur Time Warner. ... çà valait 280 milliards en 2000.. 85 milliards en 2017.. 30 aujourd'hui.. 5 dans 10 ans. Finalement le même parcours boursier qu'Orange.

à écrit le 10/11/2021 à 8:55
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OCS? Pas une grosse perte 👎

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