Twitter : le compte du rappeur Kanye West se heurte aux règles de modération d'Elon Musk

Ruptures de contrats, suppressions de publications... Depuis quelques mois, le rappeur américain Kanye West enchaîne les controverses, et multiplie les déclarations antisémites. Ce vendredi 2 décembre, le réseau social Twitter a décidé de suspendre son compte pour « incitation à la violence », alors même qu'Elon Musk prône une liberté d'expression totale sur le réseau. De quoi mettre en lumière les limites de cette stratégie.
(Crédits : DADO RUVIC)

Le réseau social Twitter, racheté en octobre par le milliardaire Elon Musk pour la somme de 44 milliards de dollars, a suspendu ce vendredi 2 décembre le compte du rappeur américain Kanye West à la suite d'une publication sur son compte d'une image représentant une croix gammée entrelacée à une étoile de David, ainsi que des propos admiratifs pour Hitler.

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« Simplement pour clarifier que son compte a été suspendu pour incitation à la violence », a indiqué Elon Musk, désormais propriétaire et patron de Twitter, en réponse à l'image associant les symboles du régime nazi et du judaïsme. Or, quand ce dernier prônait jusqu'à maintenant une liberté d'expression absolue sur Twitter, cette suspension révèle les limites de sa vision, selon les experts interrogés par l'AFP.

La vision de modération de Musk « n'est pas viable »

« Désolé, mais tu es allé trop loin, ce n'est pas de l'amour ». Ce message envoyé par Elon Musk à celui qui se fait désormais appelé « Ye » depuis l'année dernière lui a valu une réponse sur un air de défi : « Qui a fait de vous le juge ? ». Après cet échange rendu public par le rappeur, son compte a été supprimé par le milliardaire, également propriétaire de Tesla et de SpaceX. Un abrupt retour à la réalité pour la politique de modération d'Elon Musk qui, en novembre, envisageait même une « amnistie générale » pour les comptes suspendus, ce qui avait d'ailleurs valu la réhabilitation du compte du 45e président des Etats-Unis, Donald Trump, banni du réseau social après l'assaut du Capitol du 6 janvier 2021.

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« Nous avons constaté une augmentation de 25% à 30% des contenus haineux dans les premières semaines » après la prise de pouvoir d'Elon Musk et, de fait, après le retour des comptes bannis, signale toutefois à l'AFP Charles Cohen, cofondateur de Bodyguard, une entreprise spécialisée dans la protection face aux attaques sur les réseaux sociaux et la modération contre les propos haineux. Et même si le taux de contenus haineux revient légèrement à la normale ces derniers jours (entre 10% et 15%), Charles Cohen ajoute que la vision de modération sur Twitter de Musk « n'est pas viable techniquement, économiquement, éthiquement » et « il va se rendre compte qu'il n'a pas les outils technologiques pour faire ce qu'il veut ».

« Le problème, c'est qu'Elon Musk a une philosophie de la liberté d'expression en demi-teinte. D'un côté, il parle de liberté d'expression totale, de l'autre de respect de la loi», précise à l'AFP Jacob Mchangama, avocat danois spécialiste des questions relatives à la liberté d'expression.

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Un énième scandale pour le rappeur américain Kanye West

Cette suspension sur Twitter est le dernier scandale en liste du rappeur américain de 45 ans. En effet, depuis quelques mois, il multiplie les prises de position controversées et les remarques antisémites. Début octobre, il était notamment apparu avec un tee-shirt barré du slogan « White Lives Matter » lors de la Fashion Week parisienne. Or, ce slogan, utilisé par l'extrême droite américaine, détourne le nom du mouvement « Black Lives Matter » dont l'objectif est de militer contre le racisme envers les Afro-Américains. De plus, Kanye West a tweeté en novembre dernier qu'il « fallait s'attaquer aux Juifs », publication depuis supprimée par la plateforme. Le 1er décembre, lors d'une apparition dans l'émission « Infowars » animée par le complotiste américain Alex Jones, le rappeur a finalement admis « aimé Hitler ». « Nous devons arrêter d'insulter les nazis en permanence. (...) J'adore les nazis », a ajouté Kanye West, déclenchant un élan de condamnations sur les réseaux sociaux.

Ainsi, avant même sa suspension sur Twitter, de nombreuses marques ont rompu leur collaboration avec le rappeur, à l'instar de la chaîne de prêt-à-porter Gap, de la maison de mode Balenciaga ou encore de l'enseigne sportive Adidas, qui a estimé à 500 millions d'euros le manque à gagner lié à cette rupture de contrat.

Par ailleurs, Parlement Technologies, maison mère du réseau social conservateur Parler, a annoncé qu'elle renonçait à se faire racheter par le géant du rap. En effet, ce dernier avait fait une offre de rachat en octobre dernier , proposition motivée par « le souhait de défendre la liberté d'expression ». « Parlement Technologies s'est entendue avec Ye pour mettre fin à l'accord de vente de Parler », a déclaré l'entreprise sur le compte officiel Parler du réseau social, précisant que « cette décision a été prise mi-novembre dans l'intérêt des deux parties ».

Finalement, alors que Kanye West est proche de certains républicains, et notamment de Donald Trump, la Republican Jewish Coalition a estimé jeudi que « les conservateurs qui ont fait l'erreur de tolérer Kanye West doivent être clairs sur le fait qu'il est un paria », avant d'ajouter que le rappeur est un « sectaire infâme et répugnant qui a ciblé la communauté juive avec des menaces et de la diffamation digne des nazis ».

(Avec AFP)

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