Twitter sera banni en Europe si Elon Musk ne rectifie pas le tir sur la modération, menace l'Union européenne

L'Union européenne craint que Twitter ne soit plus capable, techniquement et humainement, de respecter les règles sur la modération des contenus après le renvoi par Elon Musk de plus de 80% des effectifs du réseau social. Les commissaires européens Thierry Breton et Vera Jourová attendent a minima du milliardaire qu'il respecte la Charte contre la désinformation signée par Twitter en 2018 et amendée cette année. Mais l'UE a beau hausser le ton, sa véritable matraque est le futur règlement Digital Services Act, qui n'entrera en vigueur qu'en 2024, au mieux.
Sylvain Rolland
(Crédits : CARLOS BARRIA)

Après lui avoir laissé le bénéfice du doute, l'Union européenne montre les dents face au Twitter d'Elon Musk. Mercredi, Thierry Breton, le commissaire européen au marché intérieur, s'est entretenu avec le milliardaire américain par visioconférence, et a remis les points sur les i : si Twitter ne respecte pas les règles européennes sur la modération, il sera banni en Europe.

Thierry Breton a également très clairement signifié à Elon Musk que l'Union européenne estime que l'oiseau bleu fonce vers le bannissement s'il continue sur cette voie. « Il reste encore beaucoup de travail à faire, car Twitter devra mettre en œuvre des politiques d'utilisation transparentes, renforcer considérablement la modération du contenu, protéger la liberté d'expression, lutter contre la désinformation avec détermination et limiter la publicité ciblée », a-t-il déclaré. Le Français a également indiqué à Elon Musk que Twitter a besoin de « capacités humaines et techniques suffisantes pour se conformer aux règles européennes à venir », en référence aux licenciements et démissions qui ont touché plus de 80% des effectifs de l'entreprise en moins d'un mois, dont l'essentiel des équipes de modération, ainsi que le bureau de Twitter à Bruxelles.

La règle européenne à venir mentionnée par Thierry Breton désigne essentiellement le Digital Services Act, une nouvelle réglementation votée l'an dernier qui renforce considérablement les obligations des plateformes en matière de modération des contenus haineux et de lutte contre la désinformation, et prévoit des sanctions conséquentes en cas de manquements.

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L'UE voit rouge suite à la décision d'Elon Musk d'arrêter la lutte contre la désinformation sur le Covid-19

La Commission européenne attend d'Elon Musk des actions rapides. Elle mènera début 2023 un « stress test » dans les locaux de Twitter pour vérifier ce que fait vraiment le réseau social et monitorer ses progrès. « M. Musk semble vouloir beaucoup attirer l'attention. Je pense qu'il a réussi à attirer l'attention des régulateurs. [...] À mon avis, Twitter passe maintenant en tête sur la liste des préoccupations des régulateurs », a déclaré à nos confrères de Politico Věra Jourová, la vice-présidente de la Commission européenne pour les valeurs et la transparence.

La Commission européenne n'a particulièrement pas apprécié l'abandon délibéré, décidé par Elon Musk, de la lutte contre la désinformation liée au Covid-19. Dans un communiqué publié le 29 novembre, le réseau social a déclaré : « Depuis le 23 novembre 2022, Twitter n'applique plus le règlement concernant les informations trompeuses sur le Covid-19. » Or, comme Facebook, Instagram et YouTube, Twitter avait mis en place pendant la pandémie des règles spécifiques pour lutter contre les fake news sur la santé. Elle devait notamment signaler et retirer les messages de désinformation sur les vaccins, et suspendre les comptes qui relaient de fausses informations au bout de cinq rappels à l'ordre.

Cet engagement des plateformes s'était pourtant révélé largement insuffisant pour contenir les fausses informations sur la pandémie. Mais il s'agissait d'un minimum syndical que Twitter décide aujourd'hui de laisser tomber, au nom d'une conception absolutiste de la liberté d'expression chère à Elon Musk, seulement partagée aujourd'hui par la fachosphère, par la frange la plus radicale du parti Républicain américain, ainsi que par des anarchistes et libertariens. Suite à cette décision de Twitter, le ministre français de la Transition numérique, Jean-Noël Barrot, a lui aussi manifesté son agacement. « La désinformation sur la Covid-19 et la vaccination désormais en libre accès sur Twitter. Un jalon de plus est franchi dans l'irresponsabilité », a-t-il tweeté.

Autre motif d'inquiétude pour l'UE : le retour, le week-end dernier, de 62.000 comptes précédemment bannis par la plateforme, dont de nombreux pourvoyeurs de désinformation. La plupart sont suivis par des milliers de comptes, et une poignée affiche même plusieurs millions de followers. Cette décision, prise suite à un simple sondage en ligne sur le compte d'Elon Musk, fait suite à la réintégration de Donald Trump sur le réseau social, via la même méthode.

Elon Musk assure que sa vision de la liberté d'expression inclut le respect de la loi, or l'ancien président des Etats-Unis avait été banni de tous les grands réseaux sociaux pour avoir appelé ses soutiens à l'insurrection lors de la journée du 6 janvier 2021 au Capitole, ce qui est illégal. Des enquêtes de l'administration américaine ont conclu que l'ancien président a bel et bien joué un rôle actif, ce qui a conduit une majorité d'élus de la Chambre des représentants, y compris 10 Républicains, à voter pour la destitution ("impeachment") de Donald Trump le 13 janvier 2021, à une semaine de la fin de son mandat, pour « appel à l'insurrection ». Mais Elon Musk a tout de même réintégré l'ancien président.

Lire aussiComment Elon Musk fait basculer Twitter et l'économie dans l'ère de la post-vérité

Peu de marges de manœuvre à court et moyen terme

Sur la forme, l'Union européenne a donc décidé de changer de ton pour adopter la plus grande fermeté à l'égard d'Elon Musk. Problème : ses marges de manœuvre sont en réalité assez limitées à court terme. Le Digital Services Act (DSA) sera réellement très contraignant pour toutes les plateformes y compris Twitter, mais le règlement n'entrera en application qu'en 2024, au mieux.

Or, la législation actuelle ne suffira pas à l'UE pour bannir Twitter d'ici à l'application du DSA. Car le code de conduite applicable aux plateformes concernant la désinformation repose aujourd'hui sur la base du volontariat. De plus, les fake news sur les vaccins ou la pandémie ne sont pas illégales en soi en vertu de la liberté d'expression, si elles ne tombent pas sous le coup de l'insulte, l'appel à la haine ou la diffamation. Autrement dit, la désinformation reste, jusqu'à l'application du DSA, dans une zone grise de la loi dont Elon Musk pourrait profiter pendant encore au moins une bonne année.

Et encore : si le DSA entre bien en application en 2024, on ne sait pas encore si ce sera en début ou fin d'année... Sans compter que l'entrée en vigueur de ce type de règlement, parce qu'il impose une mise en conformité qui peut être lourde et coûteuse pour les acteurs concernés, s'accompagne généralement d'une période d'adaptation d'au moins un an. C'était le cas du RGPD, le règlement général sur la protection des données : il est entré en vigueur en mai 2018 avec une période de mise en conformité d'un an. Et il faut ensuite de longs mois avant qu'une plainte aboutisse sur une sanction. Si le DSA entre donc en application au deuxième semestre 2024 et qu'il y a une période de mise en conformité d'un an, Twitter ne pourrait pas être sanctionné en cas de manquement grave avant fin 2025 voire 2026.

Pour autant, cela ne signifie pas que l'UE a aucun moyen de pression. Les déclarations agressives et les coups de pression pour la mise en conformité en sont un. Le deuxième est de rappeler à Twitter qu'il a signé en 2018 un Code de bonne conduite au sujet de la désinformation, amendé en 2022, qui comprend d'inclure des ressources pour réduire la publication des fausses nouvelles et stopper leur propagation.

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Sylvain Rolland

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Commentaires 25
à écrit le 03/06/2023 à 8:44
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La dictature en marche. L'UE montre son vrai visage. La bête est là avait dit Macron

à écrit le 16/12/2022 à 10:31
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Après les Twitter files dont peu de média français osent parler il est évident qu'on a compris en quoi consistait la modération dans les réseaux sociaux : c'est en fait une censure pure et simple des opinions divergentes.

à écrit le 02/12/2022 à 15:35
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Où tait Mr Breton pour les propos haineux des antifa, des propos plus que discutables depuis 2 ans à l'encontre de personnes alertant et qui avaient raison puisque les informations sont sorties de la bouche même des fabriquants, etc.. Son vrai probl...

à écrit le 02/12/2022 à 12:51
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La dictature de l'eurss tremble sur ses bases. La liberté de parole leur donne des cauchemars.

à écrit le 02/12/2022 à 10:15
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Oui, oui, oui comme vous avez raison ! y'a pas que le fric dans la vie... quand les prolos que vous évoquez l'auront compris , ils se plaindront moins. Ils n'ont qu'à allé voir en Corée du Nord comme vous le dites souvent. Ils comprendront la chance ...

à écrit le 02/12/2022 à 10:11
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Si c'est Thierry Breton qui l'annonce, ça va vite faire pschitt ou nous retomber sur le nez...

à écrit le 01/12/2022 à 22:56
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Informe par Twitter Facebook you tube et autre gafam ? On imagine le niveau intellectuel de ses lecteurs utilisateurs …

le 01/12/2022 à 23:57
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Lisez, écoutez ou regardez un seul sujet que vous maîtrisez traité par les médias traditionnels (télé, papier, radio) et vous irez chercher vos infos sur Internet pour espérer trouver de la qualité et du journalisme professionnel

à écrit le 01/12/2022 à 19:55
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François Asselineau "TYRANNIE EUROPENNE Le commissaire à l' UE T.Breton exige de Musk que Twitter renonce à «une approche arbitraire» pour réintégrer les bannis «poursuive agressivement la désinformation» accepte un «audit indépendant approfo...

à écrit le 01/12/2022 à 19:16
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Je ne comprends pas comment l'UERSS pourrait légalement interdire Twitter tandis que les réseaux sociaux ne sont pas considérés comme des éditeurs... à moins que la justice communautariste ne soit corrompue.

à écrit le 01/12/2022 à 17:18
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En parlant de censure :p Mme Van der Leyen pourrait nous donner les raisons de la modification de sa vidéo d'hier qui donnait les pertes humaines de l'Ukraine. Pour quelle(s) raison(s) la vidéo a t elle été tronquée? On attend pleins d'autres choses ...

le 01/12/2022 à 17:40
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@truc: au nom de quoi elle devrait communiquer les détails de ce contrat sachant que comme tout contrat commercial il y a des clauses de confidentialité contractuelles ( ne pas communiquer à la concurrence) : ne pas les respecter c’ est s exposer à ...

le 01/12/2022 à 18:29
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Au nom de la transparence des affaires publiques et du respect des lois. Si la justice démontre que Van der Leyen et Bourla, représentant de Pfizer, ont magouillé, ils iront tout droit en prison !

à écrit le 01/12/2022 à 16:04
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L'étau se resserre sur les mensonges et les manipulations des gauchistes. Leur sectarisme et leur hypocrisie répugnante se dévoilent peu à peu au grand public ! Le harcèlement violent contre le Twitter nouvellement acquis par Elon Musk, exercé par l...

à écrit le 01/12/2022 à 15:25
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Quand des commissaires non élus de Bruxelles se permettent de censurer et de bloquer RT news, Sputnik et d'autres métiers russes c'est qu'il n'aiment pas la vérité ni la contre information. Tout doit découler d'eux parce que c'est leur UERSS.

à écrit le 01/12/2022 à 14:36
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S'il y a bien une chose dont je me contrefous, c'est bien des Tweeter, Facebook...Instagram... Je n'ai nullement besoin des "informations" de ces "vendeurs de pub", manipulateurs qui font la part belle aux fakenews, nivellent le terrain pour les co...

à écrit le 01/12/2022 à 13:42
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La dictature heureuse européenne. De quoi je me mêle ? Nous sommes assez grand pour analyser ce que l'on lit. Ils ne font que conforter le fait qu'il y a des choses à cacher. Il suffit de faire des émissions de débats pour démonter les fakes. A croi...

le 01/12/2022 à 14:11
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Excellente analyse. Bien entendu qu' il faudra un VPN pour contourner la censure de l' UE à la botte du deep state us et mieux, un VPN militant et là Enikma se pose comme le meilleur identifié...

le 01/12/2022 à 17:38
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"Musk à starlink un réseau internet mondial spatial" Les chinois auront bientôt le leur avec un réseau satellitaire 5G (13 000 satellites) et l'UE veut le sien aussi : Nom de code : Iris. Le coup d’envoi de ce projet à été donné jeudi par l’Union...

le 01/12/2022 à 18:27
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Je ne pense pas que beaucoup soient capable de discerner le vrai du faux sur ces sites.

à écrit le 01/12/2022 à 13:23
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Dans la partie de jeu d'échecs pour réveiller l'opinion, Musk a pris de l'avance. Mais les globalistes préparent le coup suivant pour contrer le vent de liberté sur Twitter. Musk nous annonce qu'Apple a menacé de retirer Twitter de l'App Store, sa...

le 01/12/2022 à 23:00
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La liberté ? Celle de virer et limiter en la personne de Musk .. oligarchie plutôt que démocratie en somme on s’ interroge sur le niveau culturel et intellectuel de ses défenseurs …. À part le net ils ne connaissent rien …

le 01/12/2022 à 23:01
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La liberté ? Celle de virer et limitée a la seule personne de Musk .. comme un messie ça rappelle hitler ou Staline et leur culte de la personnalité… oligarchie plutôt que démocratie en somme on s’ interroge sur le niveau culturel et intellectuel ...

à écrit le 01/12/2022 à 12:15
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Union Européenne = URSS 2.0

le 01/12/2022 à 18:28
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Allez passer quelques années en Russie avant d'écrire votre affirmation.

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