«La tech ne doit plus être réservée aux bac+12» (Carlo Purassanta, Microsoft France)

INTERVIEW. Microsoft France a dévoilé la création de deux écoles dédiées au cloud, secteur en pleine croissance. Il renforce également son réseau d'écoles consacrées à l'intelligence artificielle, avec la création de six nouveaux établissements d'ici la fin de l'année. Avec ces formations gratuites, ciblant principalement des personnes pas ou peu diplômées, le groupe informatique veut permettre à ses clients d'embaucher plus facilement. Carlo Purassanta, président de Microsoft France, revient sur ses annonces.
Anaïs Cherif
Carlo Purassanta, Pdg de Microsoft France, lors d'une inauguration d'une école IA en mars 2018.
Carlo Purassanta, Pdg de Microsoft France, lors d'une inauguration d'une "école IA" en mars 2018. (Crédits : Microsoft)

Dans un contexte de crise économique lié au coronavirus, Microsoft France veut renforcer son action dans la formation aux métiers du numérique. Lors de sa conférence de presse de rentrée donnée mardi, le groupe informatique a annoncé le lancement d'une nouvelle formation entièrement gratuite dédiée au cloud, avec l'ouverture en novembre de deux écoles. L'une sera basée à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) et l'autre à Castelnau-le-Lez (Occitanie).

Pour intégrer cette première promotion, composée de 20 à 24 élèves, aucun prérequis technique ou diplôme n'est exigé. Le groupe examinera en priorité les candidatures des personnes de moins de 30 ans, des bénéficiaires du RSA ou encore des résidents des quartiers prioritaires de la politique de la ville.

En parallèle, le groupe va renforcer son ancrage territorial avec l'ouverture de six nouvelles "écoles IA" en régions, passant de 17 à 23 nouveaux établissements d'ici la fin de l'année. Lancées il y a bientôt trois ans, ces établissements consacrés à l'apprentissage de l'intelligence artificielle ont déjà formé 360 personnes en France. Objectif : former gratuitement 1.000 personnes d'ici 2022.

Si le contexte sanitaire particulier a permis au numérique de démontrer tout son potentiel en période de confinement et de distanciation sociale (télétravail, téléconsultation, enseignement à distance...), il a aussi mis en exergue les inégalités criantes d'accès et d'utilisation des nouvelles technologies.

Or pour les entreprises, la digitalisation croissante de l'économie - et donc de leurs activités - va s'accompagner de nouveaux besoins en terme d'embauches et de compétences. Ces dernières peinent parfois à recruter dans ces secteurs pourtant très porteurs, comme pour le cloud ou la conception d'applications, où Microsoft officie. D'où un besoin de formation pour répondre à la demande des entreprises partenaires de son écosystème.

LA TRIBUNE - Dans votre feuille de route pour 2021, Microsoft France dit vouloir renforcer ses actions pour la formation au numérique. Vous ciblez particulièrement les personnes pas ou peu diplômées. La crise sanitaire et économique provoquée par le coronavirus accélère-t-elle le besoin de formation au numérique ?

Carlo Purassanta, PDG de Microsoft France : Nous avons lancé des actions à destination de la formation au numérique en France depuis deux ans. Mais la crise que nous traversons nous a confirmé que le monde évolue très vite. De grandes inégalités sont en train de se creuser entre ceux qui utilisent la technologie d'une part, et ceux qui ne sont pas à l'aise ou n'ont pas accès au numérique. Mais la technologie ne doit plus être réservée seulement aux chercheurs et aux gens ayant un bac+12.

C'est pourquoi nous proposons à des personnes pas ou peu diplômées, souvent en recherche d'emploi, de se former rapidement. Nous avons lancé il y a près de trois ans les premières écoles IA Microsoft dédiée à l'intelligence artificielle, en partenariat avec Simplon (ndlr : école de code française agréée "entreprise solidaire d'utilité sociale"; qui propose des formations gratuites, sans condition de diplôme, d'une durée de 3 à 20 mois). Nous allons en ouvrir 6 nouvelles (Brest, Strasbourg, Marseille, Toulouse, Lille et Reims) pour un nombre total de 23 écoles IA d'ici la fin de l'année 2020, avec un maillage territorial. L'objectif est de former 1.000 personnes d'ici 2022, avec des promotions comportant de 40% à 50% de femmes.

Toujours en partenariat avec Simplon, Microsoft France va ouvrir en novembre deux nouvelles écoles dédiées aux métiers du cloud. En parallèle, une école dédiée à la conception d'applications va voir le jour, en partenariat avec les organismes de formation Social Builder et WebForce3. Pourquoi cibler spécifiquement ces deux domaines ?

Ce sont deux domaines d'avenir, où les besoins d'embauches vont encore s'intensifier dans les prochaines années. Nous observons ces demandes croissantes en compétences de la part de nos clients utilisant nos services cloud, Microsoft Azure notamment.

Nous avons aussi identifié ce besoin de nouvelles compétences grâce à notre réseau social professionnel, LinkedIn. Notre outil "economic graph" rassemble l'ensemble des données issues de LinkedIn. Il nous permet entre autres de cartographier et d'analyser toutes les offres d'emplois qui y sont proposées (ndlr : le réseau social revendique à date plus de 706 millions de membres, 50 millions d'employeurs, 11 millions d'offres d'emploi à pourvoir, et 36.000 compétences identifiées).

Nous sommes actuellement en discussion avec le gouvernement français et Pôle emploi pour pouvoir mettre cet outil à leur disposition. Le but serait de leur fournir des informations détaillées sur les postes à pourvoir, les compétences recherchées par les entreprises... de sorte à aiguiller les recherches d'emplois et le besoin en formations en fonction de la demande réelle des entreprises. Microsoft France collabore très régulièrement avec le ministère du Travail, mais l'idée est de bâtir une collaboration structurelle dans toutes les régions. Nous devrions faire des annonces sur le sujet courant octobre.

Les formations proposées par les écoles IA et l'école cloud sont gratuites pour les participants. Quel est le coût total de cet investissement pour Microsoft France ?

Nous ne communiquons pas sur nos investissements en la matière. La première école IA a été entièrement financée par Microsoft France. Depuis, tous les autres établissements reposent sur une logique de co-financement avec nos partenaires, comme Simplon.

Comme tous les géants du numérique (Google, Amazon, Alibab...), Microsoft mise depuis plusieurs années sur le cloud - un secteur en plein boom - pour accélérer sa croissance. L'intérêt pour Microsoft France est-il de former des personnes au cloud pour pouvoir les embaucher directement ?

Il y a toujours des passerelles qui peuvent être créées, mais nous ne formons pas les personnes pour nos besoins directs. Microsoft France embauche déjà 1.600 personnes - et sur les 1.000 personnes que nous souhaitons former d'ici 2022, il est certain que nous n'embaucheront pas tout le monde.

Pour les apprenants, le principal débouché en fin de formation sera notre écosystème de partenaires. Depuis deux ans, nous demandons à chaque partenaire leurs perspectives de croissance, leurs usages et pratiques sur le cloud, leurs besoins de compétences pour structurer leurs équipes... Auparavant, il est souvent arrivé qu'un client en quête de croissance n'arrive pas à embaucher des personnes formées sur nos outils et donc, il se dirigeait vers la concurrence. Avec ces formations, nous créons une chaîne positive pour l'emploi, pour la croissance de nos clients et pour Microsoft France.

Est-ce que les formations que vous proposez reposent uniquement sur les outils de l'écosystème Microsoft ?

Non, car nous fournissons des principes et connaissances de base pouvant être utilisés pour les outils Microsoft, mais aussi ceux de la concurrence. Et il n'y a aucun contrat qui lie les apprenants à Microsoft. Une fois la formation réalisée, ils peuvent changer de métier, décider de travailler pour un partenaire ou partir chez la concurrence.

Anaïs Cherif

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Commentaires 10
à écrit le 24/09/2020 à 9:40
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Comment le disent d'autres formulées, il faut arrêter ce nivellement par le bas. Dans un monde où toute entreprise est dans une compétition mondiale, poussant les pays à main d'œuvre "chère" comme la France à se spécialiser dans des emplois à forte ...

à écrit le 24/09/2020 à 8:35
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Si c'est pour apprendre à l'individu à maîtriser l'outil informatique afin d'en utiliser l'infinie capacité c'est bien, si c'est pour apprendre aux gens à encoder, ce n'est que le travail d'usine du 21 ème siècle.

à écrit le 24/09/2020 à 5:21
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Des sociétés veulent privatiser les diplômes en accordant leurs certifications à durée limité (diplôme précaire). Des entreprises font déjà cela, et le prix de ces certifications est exorbitant, favorisant ainsi les riches qui n'on pas le niveau pour...

à écrit le 23/09/2020 à 20:39
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Sans parler des domaines qui réclament des expertises très pointues, réseaux, sécurité, réseaux, base de données, il reste la programmation ... Essayer de faire un programme sans un raisonnement rigoureux et mathématique (dans la partie logique) bo...

à écrit le 23/09/2020 à 20:32
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Il y a forcément anguille sous roche ! Les autres ont galéré pour avoir un super niveau d’anglais , un 20 en math et 20 en informatique... ceux même qui ont émigré aux usa ou ont des start up à Paris ou à Bordeaux ou Montpellier ou Lyon ...( bref...

à écrit le 23/09/2020 à 18:34
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LOL !! En France, le diplôme, et l'age, font tout !! Si tu es un gueux, tu as 98% de chances de rester un gueux. d'où vient ce dangereux pdg aux idées subversives ?

le 24/09/2020 à 16:14
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Des sociétés veulent privatiser les diplômes en accordant leurs certifications à durée limité (diplôme précaire). Des entreprises font déjà cela, et le prix de ces certifications est exorbitant, favorisant ainsi les riches qui n'on pas le niveau pour...

à écrit le 23/09/2020 à 18:25
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he, faudrait arreter avec les slogans ' lai pour tous' vous voulez vendre azur pour pas que les gens prennent tensorflow, ok c'est de bonne grace........ moi, j'en ai marre d'aller sur des forums voir des posts de gens ' pas bac+12' ( c'est a dire ...

le 23/09/2020 à 20:40
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A la fin, comme il n'y aura plus qu'un seul avion de chasse compte tenu du prix et de la sophistication pour toute une armée, il faudra être Grothendieck pour avoir un quelconque impact sur l'avancement du progrès vers le haut, enfin le haut, le gra...

le 24/09/2020 à 9:11
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le probleme c est que souvent ca sert a pas grand chose de se taper des annees d etudes en math ou en informatique. Sur le plan financier, vous gagnerez bien plus en faisant commercial en SSII et en vendant de l ingenieur qui lui a etudie pendant des...

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