Les secrets des ambitions mondiales d’Amazon

Ces deux dernières années, le géant américain du commerce en ligne a poursuivi sa stratégie globale en multipliant les acquisitions dans des secteurs aussi variés que le cloud, la distribution bio ou la santé.
François Manens
Jeff Bezos, le patron de la firme américaine, n'entend pas freiner ses conquêtes, ciblant ainsi les marchés indiens et chinois, et leur milliards de potentiels clients.
Jeff Bezos, le patron de la firme américaine, n'entend pas freiner ses conquêtes, ciblant ainsi les marchés indiens et chinois, et leur milliards de potentiels clients. (Crédits : Matt Winkelmeyer/Getty Images for wired25 / AFP)

Pas moins de 17 milliards de dollars (14,9 milliards d'euros). Voici ce que le géant Amazon aurait dépensé en acquisitions ces deux dernières années, réparties sur 17 opérations majeures. De cette période d'achats en nombre se dégagent des tendances claires, révélatrices de la stratégie globale d'Amazon, entre conquête de nouveaux marchés (maison intelligente, santé, nouveaux pays comme l'Inde) et consolidation de sa position dominante dans l'e-commerce ou encore le cloud.

Razzia sur le «cloud» pour tenir à distance Microsoft et Google

Précurseur dans les services cloud pour les entreprises, le géant a rapidement placé sa filiale Amazon Web Services en pole position. En 2018, AWS a réalisé 25,6 milliards de dollars de chiffres d'affaires (22,7 milliards d'euros, soit plus de 10 % du chiffre d'affaires du groupe) et s'approprie près de la moitié du marché mondial, loin devant Microsoft Azure et Google Cloud Platform. Mieux encore, AWS est la poule aux oeufs d'or d'Amazon grâce à ses marges confortables (environ 25 % contre 3 % pour son activité principale d'e-commerce), ce qui dope les profits du groupe.

Précurseur dans les services cloud pour les entreprises, le géant a rapidement placé sa filiale Amazon Web Services en pole position. En 2018, AWS a réalisé 25,6 milliards de dollars de chiffres d'affaires (22,7 milliards d'euros, soit plus de 10 % du chiffre d'affaires du groupe) et s'approprie près de la moitié du marché mondial, loin devant Microsoft Azure et Google Cloud Platform. Mieux encore, AWS est la poule aux oeufs d'or d'Amazon grâce à ses marges confortables (environ 25 % contre 3 % pour son activité principale d'e-commerce), ce qui dope les profits du groupe.

Pour garder les rivaux à distance et compléter son offre de services, Amazon fait des emplettes. Ces deux dernières années, AWS a englouti huit startups : l'outil d'édition vidéo Thinkbox Software (montant inconnu), celui de développement de jeux vidéo Game Sparks (10 millions de dollars), le logiciel de modélisation 3D Body Labs (entre 50 et 70 millions de dollars) ou encore le service d'optimisation de la productivité Do.com (montant inconnu), directement intégré à l'outil de communication Chime. En 2017, la startup en faillite Goo Technologies (montant inconnu) a servi de terreau à la création d'Amazon Sumerian, le service de création d'applications 3D pour VR et AR de AWS. Deux startups dans le domaine de la cybersécurité, crucial pour AWS, ont été absorbées : la pépite Harvest.ai (20 millions de dollars), spécialisée dans le repérage des intrusions informatiques, et l'éditeur de logiciel Sqrrl (40 millions de dollars), pour consolider la protection de ses plateformes. Enfin, OpenSCG (montant inconnu), experte du système en open source de gestion de bases de données Postgresq, a également rejoint le giron d'AWS.

Cette razzia autour du cloud n'est pas près de s'arrêter. La première acquisition du groupe en 2019 porte sur CloudEndure, une entreprise spécialisée dans les systèmes de sauvegarde et de récupération des données déposées dans le cloud. Avec un investissement de 200 millions de dollars, Amazon a remporté les enchères face à Google. Une lourde défaite pour ce dernier, qui, tout comme Microsoft, utilisait les outils de CloudEndure. Et une victoire de plus pour Amazon Web Services, qui vient de conclure une deuxième année consécutive à 45 % de croissance de son chiffre d'affaires.

Enceinte connectées : à la pointe de la «smart home»

« Alexa était très occupée pendant la saison des Fêtes », a blagué Jeff Bezos le 31 janvier 2019, à l'occasion de l'annonce des résultats du quatrième trimestre. Au-delà de la petite phrase, le patron a annoncé que l'Echo Dot, la plus petite des enceintes connectées d'Amazon, s'est écoulée par millions.  Au point d'être le produit le plus vendu du groupe sur la période, a-t-il même précisé. Le rapport trimestriel du groupe qui accompagnait ces déclarations indique que le nombre d'appareils équipés d'Alexa au cours de l'année 2018 a doublé. L'année précédente, le groupe de Jeff Bezos avait déboursé 90 millions de dollars pour obtenir Blink Home et ses puces miniaturisées, qui lui ont permis d'intégrer Alexa plus facilement. Environ 150 appareils répondent aujourd'hui aux commandes de l'assistant vocal.

Pour s'assurer que ces appareils soient connectés dans toute la maison, Amazon a acheté le 11 février 2019 la startup Eero (montant inconnu). Les petits routeurs Eero, à l'instar des Google Wifi, servent de points d'accès wi-fi une fois branchés au modem. Bien plus performants que les répétiteurs, ils permettent, par exemple, d'apporter une connexion à Internet à haut débit dans une pièce éloignée du modem. Pour accompagner cette progression de sa division smart home, le géant de la tech s'est payé en 2018 la startup Ring, pour un milliard de dollars. L'entreprise propose un duo caméra-sonnette de porte d'entrée connecté, une partie de la maison qu'Amazon n'avait pas encore investie. Désormais, il est donc possible de réceptionner un colis Amazon à distance, en dialoguant avec le livreur grâce à la caméra et aux enceintes de la sonnette connectée... d'Amazon.

Distribution : le pari Whole Foods

En juin 2017, Amazon a acquis la chaîne de distribution alimentaire bio Whole Foods pour 13,7 milliards de dollars (12,2 milliards d'euros), au nez et à la barbe des géants du secteur, Walmart en tête. Voilà l'ogre de l'e-commerce à la tête de 479 supermarchés dont les ventes baissent de 1 à 2 % par an.

Amazon met vite en place ses synergies : il vend la gamme Echo dans les magasins, installe des casiers pour les livraisons depuis son site. Les clients « Prime » accèdent à des réductions sur les produits en rayons, ainsi qu'à un service de livraison en deux heures, disponible dans certaines villes.

Lire aussi : Pourquoi Amazon veut lancer une nouvelle chaîne de supermarchés alimentaires

Le groupe qui peinait à donner de la crédibilité à son service de livraison de produits frais Amazon Fresh dispose désormais des infrastructures et de la marque Whole Foods pour conquérir le marché, au point de songer à ouvrir d'autres magasins. Avec cette acquisition, Amazon a aussi mis la main sur des millions de données d'achat. Il sait désormais comment ses clients, surtout les abonnés « Prime », dépensent en ligne et hors ligne. Cet ensemble lui permet de mieux personnaliser les publicités et les offres.

Pillpack, une entrée fracassante

 À l'été 2018, Amazon s'est offert , pour un milliard de dollars, Pillpack, une startup de vente de médicaments sur ordonnance en ligne. Concurrente des grandes enseignes traditionnelles américaines comme Walgreen et CVS, l'entreprise était également convoitée par le géant de la distribution Wallmart. Avec cet ajout à son portefeuille, la firme de Jeff Bezos a fait d'une pierre deux coups.

D'abord, elle a ajouté à son offre d'e-commerce des produits pharmaceutiques qu'elle ne proposait pas jusque-là en raison des contraintes réglementaires pour vendre des produits de santé. Or, Pillpack peut déjà opérer dans 49 des 50 États américains. Ensuite, cette acquisition pourrait lui permettre de collecter des données sur les tendances du marché de la santé, que le géant lorgne de plus en plus.

Après le Moyen-Orient et l'Inde, cap sur la Chine

En mars 2017, Amazon a acquis Souq.com, son homologue leader au Moyen-Orient pour un montant estimé entre 650 et 700 millions d'euros. La plateforme d'e-commerce proposait 8,4 millions de produits et recevait 4,5 millions de visites par mois. L'opération intégrait l'acquisition d'une plateforme de paiement en ligne par carte bancaire (Payfort) et d'une startup de livraison rapide similaire à Prime Now (Wing.ae), jusque là propriétés de Souq.

Avec 1,3 milliard de clients potentiels et un marché d'e-commerce qui devrait atteindre 72 milliards de dollars en 2020 d'après le cabinet Bain & Company, l'Inde éveille forcément les convoitises. Amazon a déjà réalisé 5 milliards de dollars d'investissement sur le territoire pour sa filiale Amazon India. Mais au début de l'année dernière, l'ogre du commerce en ligne a perdu une bataille face à un autre géant américain, Wallmart. Le groupe de distribution a acquis le leader de l'e-commerce indien, Flipkart, pour 16 milliards de dollars. En réponse, l'entreprise de Jeff Bezos a participé peu après à l'acquisition de la quatrième chaîne de supermarchés du pays, More, pour un montant total estimé à 580 millions de dollars dont 284 millions pour Amazon.

Lire aussi : Comment Amazon tente de se faire un nom en Chine

Plus discrètement, Amazon a également acheté Tapzo, un agrégateur d'applications, pour environ 40 millions de dollars. La plateforme regroupe plus de 35 applications, dont Amazon, FlipKart, ou encore Uber. L'entreprise de Jeff Bezos s'appuie dessus pour diffuser l'usage d'Amazon Pay, lancé dans le pays peu avant. Cette conquête de l'Inde pourrait cependant être ralentie par une loi, qui empêcherait les entreprises étrangères de vendre leurs produits en Inde. Pour l'instant son interprétation reste floue, et dépendrait des élections de mai. Mais le géant a déjà pris ses précautions : il ne détient que 49 % du capital de More, etlaisse51 % à son partenaire indien Samara Capital. De quoi éviter, espère-t-il, toute bataille législative dans le futur.

En 2019, le groupe de Jeff Bezos regarde du côté de la Chine, où il est encore loin derrière Alibaba et JD.com. Il envisage de fusionner sa filiale locale avec Kaola, leader local du commerce en ligne dans les produits importés. Avec ces investissements, Amazon espère enfin avoir une force de frappe mondiale à la hauteur de sa domination américaine.

EN CHIFFRES

25,6 milliards de dollars. Le chiffre d'affaires que réalise la filiale d'Amazon tournée vers les services web, soit 10% du chiffre d'affaires total du groupe.

François Manens

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Commentaires 6
à écrit le 14/03/2019 à 16:05
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Si ne je peux pas répondre au faire supprimer les trollages merci de supprimer mon commentaire, depuis le temps que je le dis j'aimerais bien à ne plus avoir à le dire c'est quand même moi qui fait de loin le plus de concession dans ce bordel, merci.

à écrit le 14/03/2019 à 13:35
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Il est grand temps de démanteler ces entreprises tentaculaires qui possèdent des moyens colossaux pour étouffer toute concurrence en défiscalisant sans vergogne.... Pour ma part, j’achète sur internet à des entreprises dont le siège est en France e...

à écrit le 14/03/2019 à 10:58
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A démanteler d'urgence.

à écrit le 14/03/2019 à 8:44
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Oui rien de bien extraordinaire donc, une société marchande en sommes, pourtant quand on écoute nos médias de masse on a l'impression que les GAFAM ont des plans diaboliques pour envahir le monde.

le 14/03/2019 à 12:26
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Solution simple : ne plus écouter ce que disent les médias de masse. Quand on connait un peu un sujet que les médias abordent, on se dit souvent que les journalistes n'y comprennent rien... Alors...

le 17/03/2019 à 9:14
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"La notion de libre arbitre a été inventée par les classes dirigeantes" Nietzsche

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