"Projet Zéro" : Amazon veut en finir avec les contrefaçons... en se délestant du problème

En plus de ses algorithmes d'intelligence artificielle, Amazon délègue désormais aux marques son pouvoir de suppression des offres de contrefaçons qui auraient échappé à ses filets, dans le cadre du Projet Zéro. La plateforme d'e-commerce veut réduire le nombre d'infractions, accru par l'ouverture de sa marketplace aux vendeurs tiers.
François Manens
Amazon met en place un programme de protection face aux contrefaçons.
Amazon met en place un programme de protection face aux contrefaçons. (Crédits : Mike Segar)

Acheter une contrefaçon sur Amazon en passant sans le savoir par un vendeur tiers peu scrupuleux, est une expérience désagréable pour le consommateur et qui porte atteinte à l'image d'Amazon. Pour se débarrasser de ce problème, l'entreprise américaine a lancé fin févier Projet Zero, le dernier volet de sa stratégie de lutte contre les contrefaçons. Il s'agit en fait d'impliquer, en bout de chaîne, les marques elles-mêmes, en leur déléguant le pouvoir de suppression des offres. Ainsi, elles n'auront plus besoin de faire de requête auprès de la plateforme pour les cas de contrefaçon.

Amazon fournit les algorithmes, les marques font le ménage

En réalité, Amazon se dé-saisit de la responsabilité de la suppression totale des contrefaçons. La plateforme garantit juste d'en épurer une grande partie grâce à ses algorithmes d'apprentissage automatique. Ceux-ci détectent et retirent en amont, au moment de la publication, les offres de produits contrefaits. Les marques nourrissent le logiciel avec des données essentielles à leur identification, comme leur logo ou leurs marques déposées. L'outil d'Amazon s'en sert pour repérer les contrefaçons parmi plus de "5 milliards" de mises à jour quotidiennes de fiches produit. L'entreprise affirme avoir retiré 100 fois plus de produits contrefaits par cette méthode que par le traditionnel processus de signalement par les marques, en aval.

Mais certaines contrefaçons échappent à ce premier tamis. C'est pourquoi Amazon permet aux vendeurs accrédités de supprimer eux-mêmes les offres de produits contrefaits. Pour accéder à cet "outil en self-service", les membres de Project Zéro devront suivre une formation destinée à éviter les usages abusifs. La plateforme promet d'ailleurs avoir "plusieurs procédures en place pour promouvoir la précision des requêtes".

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Enfin, le nouveau programme donne aussi accès à une offre de "sérialisation des produits". Il fournit aux entreprises un code unique à chaque produit. Les employés d'Amazon n'ont qu'à le scanner pour faire le tri entre originaux et contrefaçons dès l'entrepôt : pas de code, pas de livraison. Les clients peuvent aussi l'utiliser à la livraison pour vérifier eux-même l'authenticité de leur bien, et obtenir quelques détails supplémentaires, par exemple sa date de création. Cette offre coûte aux entreprises entre 0,01 et 0,05 euros par produit, selon le volume en vente, là où les deux autres services restent gratuits.

Crainte d'abus de la part des marques

"Amazon propose Projet Zéro pour stopper la contrefaçon sur son site, mais c'est aussi un moyen pour eux d'engranger des revenus", dénonce Mark Shonfeld, un avocat bostonien, interrogé par The RegisterLes détracteurs du projet enragent : non seulement Amazon fait travailler les marques contre un phénomène dont elle devrait être en charge, mais en plus elle fait payer la protection contre les contrefaçons. D'ailleurs, l'ogre de l'e-commerce précise que les utilisateurs qui font appel au service payant obtiennent les meilleurs résultats.

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Pourtant, l'annonce de Projet Zero a été bien accueilli par les marques, qui gagnent un nouveau pouvoir décisionnaire. Les vendeurs tiers se retrouvent ainsi exposés à un risque d'abus de pouvoir, et ne pourront réagir aux décisions des marques enregistrés que a posteriori. Dans sa FAQ, Amazon affirme cependant contrôler la situation :

Nous donnons aux marques un niveau de responsabilité sans précédent, car nous croyons que les forces combinées d'Amazon et des marques peuvent réduire les contrefaçons à zéro. Les marques devront maintenir un haut niveau de précision pour maintenir leurs privilèges de Projet Zéro.

La plateforme formera les marques, et surveillera l'usage de ses outils. Mais même avec ces prédispositions, Amazon favorise un système de présumé-coupable. Les vendeurs accusés à tort n'obtiendront rétablissement de leur activité qu'après correction, et pourraient souffrir des délais.

Si Amazon peut faire reposer sur les marques le contrôle des contrefaçons, c'est en partie grâce à une décision de loi américaine de 2010, Tiffany's v. eBay. La justice avait rejeté la plainte du bijoutier et affirmé que les propriétaires des marques sont responsables de la régulation du marché. Les plateformes d'e-commerce n'hésitent alors pas à l'invoquer comme jurisprudence, et les marques ont simplement obtenu des sites qu'ils soient rapides et efficaces dans leurs procédures de retrait. En confiant cette possibilité directement aux marques, Amazon s'assure de sa rapidité.

En 2019, 90% des produits de certains vendeurs tiers étaient contrefaits

Pour l'instant, le Projet Zéro n'est accessible que par invitation, et Amazon a mis en place une file d'attente. Pour le rejoindre, les vendeurs doivent avoir une marque déposée auprès d'une autorité gouvernementale, et faire partie du registre des marques d'Amazon. Mis en place en mai 2017, ce registre donnait déjà accès à l'algorithme de vérification, en plus d'outils de recherche améliorés pour permettre aux marques de mieux identifier les potentielles infractions. Amazon s'engage à réagir sous 24 heures à toute requête déposée, grâce à une équipe dédiée. Quant au système d'authentification par code, présenté sous le nom Transparency, il est testé depuis début 2018.

Amazon s'attaque aux problèmes de contrefaçons sur sa plateforme Amazon Marketplace depuis 2016. Apple avait alors porté plainte contre le vendeur tiers Mobile Star. La firme de Cupertino avait acheté des produits et établi que 90% d'entres eux étaient contrefaits. D'autres, comme le fabricant de chaussures allemand Birkenstock avait décidé de quitter la plateforme après des dépôts de plainte sans succès. Pour éviter une fuite des entreprises, Amazon avait créé son registre, et permis aux marques de garder un monopole sur leur nom, avec l'option de couper son accès aux autres vendeurs. Apple a même signé un accord spécifique, afin que seuls les revendeurs agréés puissent vendre ses produits.

François Manens

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Commentaire 1
à écrit le 06/03/2019 à 21:23
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Tous les créateurs sont connectés par les mêmes lois cosmiques et les lois de physique quantique : En clair deux personnes peuvent avoir la même idée sur la planète a des endroits différents du globe sans que «  ça soit du plagiat ou de l’imitation ...

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