Les séries TV, le nouveau chantier des géants du Net

Dans le sillage de Netflix, les géants du Net se convertissent à la production de séries TV et d’émissions originales pour croquer une part de l’immense marché publicitaire, étendre leur diversification et attirer l’audience des 12-34 ans, qui déserte la télévision traditionnelle. Après Amazon et Google (avec YouTube), Apple et Facebook entrent aussi dans la course.
Sylvain Rolland
Dans le sillage de Netflix, les géants du Net - les Google (avec YouTube), Apple, Facebook et Amazon - se lancent -si ce n'est déjà fait- dans les séries télévisées.

Le grand big bang des séries télévisées continue. Depuis que Netflix, grâce à des paris créatifs osés comme Orange Is the New Black ou House of Cards, a changé les règles du jeu en popularisant une nouvelle manière de produire et de consommer les séries télévisées -à la demande, sur internet et via un abonnement-, les géants du Net veulent aussi leur part du gâteau.

Logique : les produits et services de Google, Apple, Facebook et Amazon ont déjà changé les usages de milliards d'utilisateurs. Ces quatre géants, tous dans le top 10 des plus grandes valorisations boursières mondiales, ont su créer autour d'eux un véritable écosystème. Ils peuvent donc utiliser leur capacité exceptionnelle à mobiliser une large audience pour dominer de plus en plus de secteurs et engranger toujours plus de revenus et de données. D'où leur offensive, depuis deux ans, dans les contenus.

     | A lire. Le grand big bang des séries TV

73 milliards de dollars de revenus publicitaires en 2016

Il n'y avait aucune raison que les séries TV échappent à la tendance. La multiplication des écrans (ordinateurs, tablettes, smartphones), le téléchargement illégal, la généralisation de la télévision de rattrapage (replay) et de la diffusion en continu (streaming sur Netflix, Hulu, Canalplay...) changent les usages, au détriment des chaînes de télévision traditionnelles (grand public et câble), qui voient leurs audiences s'éroder.

La porte est donc grande ouverte pour les fameux GAFA, qui sont les mieux placés pour parler aux adolescents et aux jeunes adultes, la tranche de population la plus courtisée par les annonceurs. L'enjeu est colossal : juste aux Etats-Unis, le gâteau publicitaire pèse des dizaines de milliards de dollars par an. Et il ne cesse de progresser : l'institut PwC estime qu'il passera de 73 milliards de dollars en 2016 à 81 milliards de dollars en 2020.

Facebook va lancer de nouveaux formats de séries et les payer au prix fort

Le réseau social aux 1,9 milliard d'amis dans le monde, numéro deux de la publicité en ligne derrière Google (à eux deux, ils captent 77% du marché aux Etats-Unis), voit dans les séries télévisées un relais de croissance qui s'intègre dans sa stratégie d'extension dans les contenus vidéo.

Selon le Wall Street Journal, Facebook veut lancer ses propres programmes originaux (séries, jeux et sports) dès la fin de l'été. Le journal indique que les équipes de Mark Zuckerberg rencontrent actuellement des studios hollywoodiens pour qu'ils lui proposent des scripts originaux. La plateforme est prête à payer jusqu'à 3 millions de dollars par épisode, soit dans le haut de la fourchette. Des vétérans de l'industrie des séries TV (producteurs, scénaristes, réalisateurs) auraient aussi été approchés.

Pour capter l'audience des Millennials (les moins de 30 ans) et s'adapter à à leurs usages, notamment sur mobile, Facebook va se concentrer sur deux types de formats : l'un de 10 minutes environ, l'autre de maximum 30 minutes. Comme Netflix, sa ligne éditoriale sera axée sur la qualité et/ou le « buzz ». Ses séries, qui pourraient conserver une diffusion « à l'ancienne » (un épisode par semaine) devraient aborder des problématiques censées plaire aux ados et aux jeunes adultes. Ainsi, parmi les projets, figure Strangers, une série dramatique sur les « relations entre des amis ». Comme Netflix, Facebook va aussi sauver quelques séries de la mort, à l'image de Loosely Exactly Nicole, une comédie supprimée par la chaîne pour ados MTV après une seule saison. Le réseau social pourrait également s'associer avec des acteurs comme BuzzFeed pour produire ses séries au format « 10 minutes », qui devront être virales.

     | A lire. Facebook en discussions avec Hollywood pour produire des séries

Google veut exploiter le potentiel de YouTube

De son côté, Google a choisi de miser sur son service YouTube, utilisé tous les mois par 1,5 milliard de personnes dans le monde et véritable machine à cash publicitaire. En avril, le géant de Mountain View a lancé aux Etats-Unis YouTube TV, sa plateforme de streaming destinée aux ados et aux jeunes adultes, pour 35 dollars par mois et six comptes.

Ce nouveau service propose l'accès aux quatre principales chaînes de télévision américaine (ABC, CBS, FOX, NBC) et à un bouquet de chaînes du câble (ESPN, USA, FX). Orienté « mobile first », YouTube TV acte l'évolution des usages : il permet de continuer à visionner la télévision en direct, mais via internet. Les séries développées pour YouTube Red, la version de YouTube payante et sans publicités, sont aussi accessibles, garantissant, comme pour Netflix, une plus-value composée de contenus originaux. La plupart sont développées autour de YouTubeurs vedettes, mais la plateforme regarde aussi à l'extérieur : elle vient de signer avec le studio Lionsgate pour créer une série basée sur la franchise à succès « Step Up », qui met en scène des danseurs.

Amazon joue déjà dans la même cour que Netflix

Le géant du Net le plus avancé dans le domaine des séries TV est incontestablement Amazon. Le numéro un mondial du e-commerce se pose déjà comme un concurrent sérieux à Netflix -du moins aux Etats-Unis- avec son service de streaming Amazon Prime Video.

La firme de Jeff Bezos y diffuse à la demande et par abonnement, comme Netflix, ses propres productions originales depuis 2014. Avec succès : certaines de ses séries -Transparent, Mozart in the Jungle- bénéficient des louanges des critiques, au point de gagner de prestigieux Golden Globes et Emmy Awards, les Oscars de la télévision américaine. Amazon produit aussi de plus en plus de films et attire les plus grands réalisateurs, jusqu'à s'inviter au festival de Cannes.

Désormais, Amazon s'est engagé dans une course mondiale avec Netflix. Ses investissements dans ses contenus se chiffrent à plusieurs milliards de dollars par an. Et son service de streaming se déploie depuis décembre dernier dans de nombreux pays, y compris en France, avec la même stratégie que Netflix : attirer l'abonné en lui proposant des contenus originaux de qualité.

Apple utilise les séries pour développer Apple Music

Contrairement aux trois autres géants, Apple ne dispose pas d'une plateforme phare pour diffuser ses contenus originaux. Mais l'entrée de la marque à la Pomme dans le monde des séries, annoncée depuis plusieurs années, se concrétise enfin via Apple Music, son service de streaming musical. Déjà numéro deux mondial avec 27 millions de membres payants, Apple Music se développe dans la vidéo en espérant détrôner le numéro un mondial Spotify et ses  50 millions d'abonnés.

"Nous essayons de créer une expérience culturelle, pop culturelle, et cela se fait en incluant l'audio et la vidéo" indiquait Jimmy Iovine, le patron d'Apple Music, en janvier dernier.

Pour sa première incursion dans les séries, Apple a choisi un thème qu'il connaît bien : l'innovation. Le 6 juin, la marque à la Pomme a lancé Planet of the App, une télé-réalité en dix épisodes -un par semaine- sur des entrepreneurs qui pitchent leur idée devant des mentors dans un ascenseur. Les épisodes sont disponibles sur iTunes -qui permet déjà aux détenteurs de produits Apple de télécharger des films et des séries-, sur Apple Music et sur le propre site de l'émission.

Apple a aussi dans ses cartons plusieurs séries documentaires et une adaptation de l'émission humoristique Carpool Karaoke. Des débuts plutôt discrets, mais les ambitions de la firme de Cupertino sont réelles. Le 16 juin, Apple a annoncé le recrutement de deux vétérans de l'industrie, les très estimés Jamie Erlicht et Zack Van Amburg, auparavant à la tête de Sony Pictures TV et connus pour le développement de séries majeures comme Breaking bad et The shield. Le message est passé.

Sylvain Rolland

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Commentaire 1
à écrit le 28/06/2017 à 9:11
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L'eldorado des séries je pense que c'est bientôt fini on commence déjà à difficilement trouver des séries originales, j'ai suivi le phénomène un temps, puis je suis tombé sur Dr Who (série qui existe depuis trente ans) et depuis tout me parait tellem...

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