BFMTV est toujours la première chaîne info de France mais l'écart se resserre avec CNews. Avez-vous peur de perdre votre leadership ?

Marc-Olivier Fogiel - Absolument pas ! BFMTV n'a jamais été aussi puissante. Nous avons réalisé notre deuxième rentrée historique en matière d'audience, avec des journées où nous surperformons. Hier jeudi [l'entretien a eu lieu vendredi], nous étions par exemple à 4,9% de part d'audience grâce à notre couverture de la tempête Ciaran. Nous touchons tous les publics, à l'antenne évidemment, mais également sur le numérique. BFMTV est devenu un média totalement 360 degrés, à la différence de nos concurrents. Par ailleurs, concernant notre ligne éditoriale, je constate que nous sommes désormais la seule chaîne info généraliste... Les autres se sont positionnées sur des « créneaux ».

Lesquels ?

LCI est essentiellement tournée vers l'Ukraine et un peu vers le reste de l'international. CNews tourne autour des questions liées à l'immigration et l'identité avec un parti pris éditorial en débattant sur une guerre de civilisation qui arriverait en Occident. Je ne juge pas, mais on est très loin de ce que fait BFMTV. Nos challengers ont raison de se chercher un « couloir ». Car quand ils essayaient de faire la même chose que nous, ils n'y arrivaient pas et perdaient encore plus d'argent !

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On vous a parfois reproché d'accorder trop d'importance aux faits divers, notamment au moment de l'affaire Palmade...

Quand on parle de faits divers, certains se pincent le nez. C'est une matière noble, que l'on traite quand cela se justifie. Il n'y a rien de nouveau sous le soleil. C'était pareil avant mon arrivée avec, par exemple, les affaires Daval ou Lelandais. LCI avait même une émission quotidienne de faits divers.

Les départs de présentateurs se succèdent : Pascale de La Tour du Pin, Jean-Baptiste Boursier, Aurélie Casse et Bruce Toussaint. Y-a-t-il un malaise à BFMTV ?

Il n'y a aucun malaise. Il y a un décalage entre ce que nous vivons vraiment à BFMTV et la façon dont cela est commenté ! Il suffit de regarder les raisons de chacun de ces départs. Pascale de La Tour du Pin [partie sur C8 rejoindre Cyril Hanouna] voulait par exemple devenir une star de divertissement. C'était incompatible avec ce que l'on fait. Lorsque Aurélie Casse est venue me dire « au revoir » dans mon bureau, elle était en larmes. Elle m'a expliqué qu'elle ne pouvait pas refuser la proposition de France 5, même si c'était un « déchirement ». Pareil pour Bruce Toussaint. Cette saison est en réalité très puissante et sereine.

Ce dernier va quitter BFMTV en plein milieu de saison pour rejoindre TF1, où il lancera début 2024 une nouvelle matinale. Comment vivez-vous ce timing inhabituel ?

En vingt-cinq ans de métier, c'est la première fois que je vois ça ! Bruce m'a dit qu'il aurait préféré rester jusqu'en juin. Mais c'était une demande pressante de TF1 à laquelle il n'a pas résisté. Sans être paranoïaque, on peut se demander s'il n'y a pas une envie de déstabilisation. Surtout quand on voit que, depuis un an, TF1 a essayé de débaucher une vingtaine de personnes à BFMTV, à l'antenne et hors antenne. Que la Une vienne faire son marché sur la 15, c'est un hommage. Et ça montre surtout que BFMTV est un vrai vivier de talents qui, d'ailleurs, ne réussissent pas toujours une fois partis. Car le succès de BFMTV, c'est BFMTV.

Maxime Switek remplacera Bruce Toussaint dès janvier sur la case 9 heures-midi. Pourquoi avoir choisi quelqu'un en interne ?

D'abord parce que, généralement, les personnalités qui s'engagent sur une saison tiennent à honorer leurs engagements. Donc nous n'allions pas faire aux autres ce qu'on leur reproche. Et puis nous avons suffisamment de talents « maison », à l'image de Maxime Switek, qui est l'un des journalistes les plus doués de sa génération. Passer de la tranche du soir à celle du matin est un nouveau défi pour lui. Il va notamment devoir apprendre à être plus dans l'empathie. Car le matin, il y a une très forte dimension d'« accueil » des téléspectateurs. Voir à partir de janvier ­Apolline de ­Malherbe et Maxime Switek se succéder à l'antenne le matin [elle présente le Face à face de 8 h 30] est une grande fierté. Ce sont d'immenses professionnels.

Quel premier bilan tirez-vous de l'émission de Laurent Ruquier ?

En matière d'audience, nous en sommes très satisfaits. Le 20 heures de Ruquier a doublé la moyenne de la case. Il est déjà au-dessus des objectifs que je lui avais fixés pour mars. Par contre, pour l'instant, l'émission ne se différencie pas encore assez de nos autres tranches. J'aimerais voir un programme qui ressemble davantage à Laurent Ruquier. Que ce soit dans le choix des sujets, son ton ou sa forme.

Va-t-il rester jusqu'à la fin de la saison ?

Évidemment ! Quand Laurent a lu des articles qui prétendaient que ça allait s'arrêter, il m'a appelé en me disant : « On est amis, dis-moi si tu souhaites arrêter... » Cette intox est dingue. On verra au mois de juin si on a trouvé la bonne formule, mais il n'est pas question d'arrêter ce programme au bout de deux mois. On a largement le temps, et l'émission a déjà progressé.

Dimanche dernier, dans l'émission C médiatique (France 5), Jean-Jacques Bourdin est revenu sur son départ de BFMTV, en expliquant qu'il ne « pouvait plus travailler » avec vous...

Il réécrit totalement l'histoire. La réalité est moins glorieuse pour lui. Il a été viré de BFMTV suite à une plainte pour agression sexuelle, et un audit interne au cours duquel 35 personnes ont témoigné. Le groupe Altice Media [propriétaire de BFMTV] a décidé de l'attaquer en justice à la suite de ses déclarations, car il avait signé en partant une clause de non-dénigrement, en contrepartie d'une somme d'argent. Il est libre de dire ce qu'il pense. Mais dans ce cas, il fallait renoncer à la clause et ne pas accepter l'argent.

Jean-Jacques Bourdin a critiqué votre interventionnisme, notamment votre souhait d'être « dans l'oreillette » des présentateurs

La seule fois où il a eu une oreillette, c'était lorsqu'il a présenté La France dans les yeux [plainte classée sans suite pour prescription]. Ce jour-là, il était tout tremblotant et tétanisé, je lui donnais les arguments pour répondre à Valérie Pécresse qui était en train de l'humilier. De manière générale, je lis beaucoup de choses fausses concernant mon supposé interventionnisme. À BFMTV, beaucoup de décisions prises sont collectives, et j'ai par exemple mis en place des conférences de rédaction qui n'existaient pas avant. Après, je suis garant de l'antenne. Donc, oui, je suis investi à 200%.

Pourrait-on vous revoir un jour à l'antenne ?

Je ne me l'interdis plus par principe. Mais ce n'est pas à l'ordre du jour.

BFMTV est-elle à vendre, comme certaines rumeurs le prétendent ?

Non. Patrick Drahi (ndlr : propriétaire d'Altice) l'a répété publiquement à plusieurs reprises. Il me l'a redit personnellement la semaine dernière. Mais encore une fois, c'est parfois difficile de se faire entendre !