Patrick Drahi envisage désormais toutes les solutions pour réduire la montagne de dettes qui fait aujourd'hui trembler Altice, son groupe de télécoms et de médias. Y compris, comme il l'a affirmé début septembre lors d'une conférence à Londres, à céder une partie du capital de son plus bel actif en Europe, à savoir l'opérateur SFR. Le milliardaire et son état-major s'activent en coulisse, et sondent ses rivaux concernant la possibilité d'une consolidation. Selon nos informations, ils ont sollicité Free cet été pour évoquer le sujet. L'objectif était d'évaluer la faisabilité d'un rapprochement entre les deux opérateurs. Il n'était pas, a priori, directement question d'une vente complète et sèche de SFR.
Toujours selon informations, des discussions similaires ont récemment eu lieu avec Bouygues. Elles portaient aussi sur un rapprochement avec sa filiale Bouygues Telecom. Et ce par l'entremise de Vincent Le Stradic, associé-gérant chez la banque d'affaires Lazard, qui a été mandatée par Altice pour trouver les 3 milliards d'euros dont le groupe a besoin pour diminuer sa dette. Son travail : faire le tour des opérateurs et des fonds d'investissement.
Frilosité de Free et de Bouygues
A ces occasions, Free et Bouygues ne se sont pas, selon nos sources, montrés intéressés. Interrogés par La Tribune, SFR, Bouygues et Free se refusent à tout commentaire. Egalement contacté, Vincent Le Stradic n'a pas donné, pour le moment, suite à nos sollicitations. Plusieurs raisons peuvent expliquer la frilosité de Free comme de Bouygues. Il y a, d'une part, la situation de SFR, qui perd beaucoup de clients et est dans le rouge commercialement. Sa valorisation par Patrick Drahi peut aussi poser problème, tout comme les 24 milliards d'euros de dettes d'Altice France, sa maison-mère.
Le vaste scandale de corruption dans lequel Altice s'est embourbé cet été n'est certainement pas, non plus, de nature à rassurer. Depuis le 13 juillet dernier, la justice portugaise soupçonne Armando Pereira, associé et vieux compagnon de Patrick Drahi, ainsi que plusieurs cadres du groupe, d'avoir imposé un réseau de fournisseurs douteux dans différentes filiales d'Altice, et d'avoir indûment prélevé des sommes importantes.
Mauvais timing
Le timing d'une consolidation n'est aussi, très probablement, pas le bon. Une telle opération, synonyme d'un retour à trois opérateurs, devrait nécessairement avoir le feu vert des autorités concurrentielles et de Bruxelles. Jusqu'à présent, la Commission européenne s'est montrée très réticente à ce type de deal. Tous les acteurs français des télécoms attendent de savoir quel sort Bruxelles réserve au projet de mariage entre Orange et MasMovil en Espagne. Si cette fusion finit par décrocher la bénédiction de la commission, cela ouvrira, peut-être, la porte à des perspectives de consolidation dans l'Hexagone...
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Il ne serait pas surprenant qu'Orange ait aussi été approché par Patrick Drahi, ses banquiers ou ses lieutenants. Interrogé par La Tribune, l'opérateur historique ne fait pas de commentaire. Si projet de consolidation il doit y avoir, la participation d'Orange serait certainement nécessaire pour récupérer certains actifs. Reste qu'un rapprochement entre Orange, leader français des télécoms, et SFR, son dauphin, apparaît impossible en l'état, au regard de la colossale part de marché qu'ils détiendraient ensemble. Le fait qu'Altice soit si actif sur le front de la consolidation n'a rien d'étonnant. Patrick Drahi, cherche actuellement du cash pour raboter sa dette et repousser une échéance de remboursement de 1,6 milliard d'euros en 2025. Une perspective de consolidation serait, bien sûr, de nature à rassurer les investisseurs, et les inciter, surtout, à sortir le chéquier.
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