Etats-Unis  : une grève des scénaristes d'Hollywood fragilise studios et plateformes

Faute d'accord, des milliers de scénaristes de télévision et de cinéma américains vont se mettre en grève ce mardi. Les négociations avec les principaux studios et plateformes portent notamment sur une hausse de leur rémunération. Or, les discussions ont échoué.
La grève des scénaristes d'Hollywood va entraîner d'importants retards pour les séries télévisées et films dont la sortie est prévue cette année.
La grève des scénaristes d'Hollywood va entraîner d'importants retards pour les séries télévisées et films dont la sortie est prévue cette année. (Crédits : Mario Anzuoni)

Certains programmes américains risquent d'en pâtir. La grève des scénaristes d'Hollywood débute ce mardi. Elle va se traduire par l'interruption immédiate aux Etats-Unis des émissions à succès comme les « late-night shows ». En outre, elle entraînera aussi d'importants retards pour les séries télévisées et films dont la sortie est prévue cette année.

Lire aussiLa publicité, la nouvelle arme de Netflix pour retrouver la croissance

Les principaux studios et plateformes, dont Disney et Netflix, représentés par l'Alliance des producteurs de cinéma et de télévision (AMPTP, Alliance of motion picture and television producers) avaient annoncé lundi que les pourparlers avec le puissant syndicat des scénaristes, la Writers Guild of America (WGA) « s'étaient conclues sans accord ». L'AMPTP a affirmé avoir présenté une « proposition globale », comprenant une augmentation de la rémunération des scénaristes, mais ne pas être disposée à améliorer cette offre « compte tenu de l'ampleur des autres demandes ».

Scénariste, un métier précaire

Selon son communiqué, les demandes de la WGA en faveur d'une « dotation obligatoire », qui contraindrait les studios à embaucher un nombre déterminé de scénaristes « pour une période donnée, qu'ils soient nécessaires ou non », constituent l'un des principaux points de désaccord.

Lire aussiSéries TV : pourquoi la Silicon Valley fascine Hollywood (Uber, WeWork, Facebook, Theranos...)

Les scénaristes disent avoir du mal à vivre de leur métier, avec des salaires qui stagnent, voire baissent en raison de l'inflation, et ce, alors que leurs employeurs réalisent des bénéfices et augmentent les salaires de leurs dirigeants. Ils estiment n'avoir jamais été aussi nombreux à travailler au salaire minimum fixé par les syndicats, tandis que les chaînes de télévision embauchent moins de personnes pour écrire des séries de plus en plus courtes. La WGA accuse les studios de chercher à créer une « gig economy », l'économie des petits boulots, dans laquelle le travail de scénariste serait « une profession entièrement freelance ».

Les séries diffusées en streaming dans le viseur

Le mode de calcul de la rémunération des scénaristes pour les séries diffusées en streaming, qui restent souvent visibles sur des plateformes comme Netflix pendant des années après avoir été écrites, fait également l'objet de dissensions.

Pendant des décennies, les scénaristes ont perçu des « droits résiduels » pour la réutilisation de leurs œuvres, par exemple lors des rediffusions télévisées ou des ventes de DVD. Il s'agit soit d'un pourcentage des recettes engrangées par les studios pour le film ou l'émission, soit d'une somme fixe versée à chaque rediffusion d'un épisode.

Lire aussiNetflix vs Hollywood : demain, la guerre des prix

Avec le streaming, les auteurs reçoivent chaque année un montant fixe, même en cas de succès mondial de leur travail comme pour les séries Bridgerton ou Stranger Things, visionnées par des centaines de millions de téléspectateurs dans le monde entier. La WGA réclame la revalorisation de ces montants aujourd'hui « bien trop faibles au regard de la réutilisation internationale massive » de ces programmes. Elle veut également évoquer le futur impact de l'intelligence artificielle sur le métier de scénariste.

Forte pression des investisseurs

Les studios soulignent, eux, que les « droits résiduels » versés aux scénaristes ont atteint un niveau record de 494 millions de dollars en 2021, contre 333 millions dix ans plus tôt, en grande partie grâce à l'explosion des emplois de scénaristes liée à la hausse de la demande en streaming.

Lire aussiStreaming vidéo gratuit : les FAST channels ou la révolution lente

Après avoir été dépensiers ces dernières années, lorsque les diffuseurs concurrents ont cherché à augmenter le nombre d'abonnés à tout prix, les patrons soulignent être désormais soumis à une forte pression de la part des investisseurs pour réduire leurs dépenses et réaliser des bénéfices.

En revanche, ils nient prétexter des difficultés économiques pour renforcer leur position dans les négociations avec les scénaristes. « Pensez-vous que Disney licencierait 7.000 personnes pour le plaisir ? », a déclaré une source proche de l'AMPTP. Selon elle, « il n'y a qu'une seule plateforme qui soit rentable à l'heure actuelle, et c'est Netflix ». L'industrie du cinéma « est également un secteur très concurrentiel ».

Le dernier mouvement social d'ampleur à Hollywood remonte à la grève des scénaristes qui avait paralysé l'audiovisuel américain en 2007-2008. Un conflit de 100 jours qui avait coûté deux milliards de dollars au secteur.

Le coût horaire moyen de la fiction française en hausse

En France, la filière audiovisuelle, déjà éprouvée par la crise sanitaire, « pâtit depuis 2021 de la hausse conjoncturelle des coûts », constatent dans leur dernier rapport le régulateur, l'Arcom, et le Centre national du cinéma (CNC). « On ne peut plus aller en dessous de ce à quoi on a habitué les spectateurs, des fictions chères », dit à l'AFP Iris Bucher, productrice d'œuvres à succès comme « Le bazar de la charité » ou « Vortex ».

Hors séries quotidiennes, le coût horaire moyen de la fiction française a atteint 1,2 million d'euros en 2021 contre 959.000 en 2012, selon l'Arcom et le CNC. « Cette évolution crée un excès de concurrence à l'achat », pointe leur rapport. Avec souvent pour vainqueurs les géants du streaming qui, forts de ressources considérables, provoquent « une montée artificielle des prix ».

Des professionnels évoquent un coût de « 2 à 5 millions d'euros » pour « un épisode de série française ambitieuse produite pour un service de vidéo à la demande ». Pour rester dans la course, les chaînes pensent désormais alliances, y compris avec leurs rivaux. TF1 mise sur le « développement d'un partenariat plus structuré avec les grandes plateformes », expliquait fin mars son PDG Rodolphe Belmer au festival Séries Mania. « Tout le monde est gagnant », considère Iris Bucher, pionnière de ces cofinancements avec « Le Bazar de la charité », puis « Les combattantes », d'abord diffusées sur TF1 puis disponibles sur Netflix. Reste une tendance de fond, le raccourcissement : « Garder un public fidèle sur plusieurs saisons va devenir extrêmement difficile », renchérit Iris Bucher, qui dit croire à la mini-série « avec un début et une fin ».

 (Avec AFP)

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 02/05/2023 à 21:26
Signaler
"Les scénaristes disent avoir du mal à vivre de leur métier, avec des salaires qui stagnent, voire baissent en raison de l'inflation, et ce, alors que leurs employeurs réalisent des bénéfices et augmentent les salaires de leurs dirigeants." A c...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.