Google met 1 milliard de dollar sur la table pour plier le match avec les éditeurs

Tandis que la crise du Covid-19 a accéléré la fin des modèles économiques de la presse papier au profit du digital, Google intensifie son lobbying auprès des médias pour leur promettre de générer de nouveaux revenus. En échange, ceux-ci devront accepter la diffusion et la hiérarchisation de leurs contenus sur son nouveau kiosque augmenté : le Google News Showcase.
(Crédits : Arnd Wiegmann)

Alphabet, la maison mère de Google, se rapproche de son rêve ultime; devenir le nouveau maître de l'information au niveau mondial. Si jusqu'ici il l'avait en partie achevé avec son service "Actualités" intégré à son moteur de recherche, il lui manque toutefois un élément pour accélérer : le consentement des éditeurs de presse. De fait, depuis 2015 et la création de son fonds "Digital News Innovation (DNI Fund)" doté au départ de 150 millions d'euros en Europe, puis 300 millions de dollars avec le "Google News Initiative", la firme de Mountain View augmente, peu à peu, l'intensité de son lobbying auprès des grands médias. Cette fois-ci, le géant décuple la mise et met "1 milliard de dollars" à disposition des éditeurs dans le cadre de "partenariats", selon le CEO Sundar Pichai sur le blog de l'entreprise. Objectif : devenir la plateforme de diffusion et de rémunération des journaux avec un tout nouveau kiosque numérique baptisé "Google News Showcase".

Or, la relation entre Google et les médias est loin d'être apaisée. Au coeur du conflit, les négociations sur les droits voisins (rémunérant les contenus des journalistes repris par le moteur) mais qu'Alphabet dirige comme il l'entend, tandis que l'Union européenne tente - sans succès - de lui imposer sa directive de juin 2019 pour le contraindre à payer les contenus utilisés. «Durant toutes ces années, nous avons franchi beaucoup d'étapes pour soutenir l'industrie des médias, en envoyant 24 milliards de visites chaque mois au total sur les sites d'infos», oppose Sundar Pichai.

Lire aussi : Google et les droits voisins : « Touche pas au grisbi, salope ! »

Si Google fait aujourd'hui monter les enchères aux yeux des médias, c'est aussi parce que le contexte est porteur. Tandis que la crise du Covid-19 a accéléré l'arrêt de nombreux journaux papiers, l'Américain a, lui, surperformé grâce à ses services digitaux sollicités pendant les confinements. Avec une capitalisation boursière désormais supérieure à 1 trillion de dollar, Alphabet tente de séduire au moment opportun.

Si au deuxième trimestre 2020 les résultats du groupe ont fléchi, avec un chiffre d'affaires de 38,2 milliards, contre 38,9 milliards au deuxième trimestre 2019, en raison de la chute des revenus publicitaires liée au ralentissement du coronavirus, il reste porté par l'explosion de nouveaux relais de croissance, telle son activité Cloud. Fin juin, son bénéfice net reste stratosphérique, à 6,9 milliards de dollars.

Le groupe a ainsi toujours plus de latitude pour investir sur de nouvelles technologies. Et de miser sur le recul progressif des éditeurs, notamment en France, pour leur lancer une nouvelle perche."Cet engagement financier (...) rémunérera des éditeurs pour créer et sélectionner des contenus de haute qualité", pour une "expérience" de l'information en ligne, écrit M. Pichai.

Un nouveau kiosque sur tous les canaux

Dans le même temps, les éditeurs ne sont pas parvenus à proposer une offre alternative de kiosque et une "expérience" aussi efficace que l'Américain. Google dispose en plus déjà de tous les canaux puisque ce nouveau kiosque sera disponible sur Google News sur Android, puis sur Google News sur iOS (le système d'exploitation des appareils mobiles d'Apple).

A terme, il sera également déployé via les recherches standard (Google Search) et sur Google Discover, le flux d'informations personnalisé proposé par Google.

Pour créer un nouveau mouvement en sa faveur, Google assure avoir déjà signé des accords pour ces nouveaux contenus avec près de 200 éditeurs en Allemagne, au Brésil, en Argentine, au Canada, au Royaume-Uni et en Australie.

En négociant au cas par cas avec chaque éditeur, Google espère aussi briser les éventuelles alliances que pourraient nouer les acteurs entre eux. Parmi ses signataires, il cite notamment Der Spiegel, Stern, Die Zeit , Folha de S.Paulo, ainsi que des éditeurs plus locaux comme "El Litoral , GZH , WAZ and SooToday". L'enjeu étant pour Google, qui cherche à générer un contenu de qualité pour son modèle publicitaire, de convaincre les plus belles marques.

Selon Sundar Pichai, le "Google News Showcase" sera constitué d'espaces dédiés permettant aux éditeurs participant de "mettre en forme" leurs articles afin d'apporter "plus de profondeur et de contexte" grâce à des chronologies, des découpages de présentation, et des articles liés. "D'autres composants comme la vidéo, l'audio, et des résumés quotidiens suivront", selon Sundar Pichai.

Persuader les éditeurs français

Selon Sébastien Missoffe, le patron de Google France, des discussions ont lieu autour du Google News Showcase avec des éditeurs français.

"Dans le cadre de ces négociations" sur les droits voisins, "nous avons également proposé notre nouveau programme Google News Showcase", a indiqué M. Missoffe dans une déclaration transmise à l'AFP.

"Nous restons plus que jamais mobilisés auprès des éditeurs de presse afin d'apporter notre aide à leur projet de transformation numérique, et soutenir un journalisme de qualité", a-t-il indiqué.

La même stratégie côté Facebook

Facebook a annoncé cet été l'accélération du déploiement à l'international de sa section d'informations, qui permet à des éditeurs de presse d'obtenir une rémunération pour leurs contenus. La section propose une sélection d'articles de quotidiens, magazines et sites partenaires.

Le géant des réseaux sociaux paie une partie des partenaires, qui sont plus de 200 aux Etats-Unis, dont le Wall Street Journal, le Washington Post, People, les chaînes ABC, CBS News ou Fox News.

Avec Amazon et Apple, Facebook et Google font actuellement l'objet aux Etats-Unis d'auditions devant le Congrès dans le cadre d'enquêtes anti-trust. En France, les GAFA sont dans le viseur des autorités  fiscales, avec la création d'une nouvelle taxe GAFA que le gouvernement espère voir aboutir au niveau européen en 2021.

(Avec AFP)

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Commentaire 1
à écrit le 05/10/2020 à 10:32
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Merci à La Tribune de nous gratifier d'un aussi beau français! "Plier le match" ... bientôt lire La Tribune sera comme lire le Parisien ou L'Equipe.. et encore l'équipe à un meilleur niveau de français.

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