Malgré une perte d’abonnés record, Netflix limite la casse grâce à la série Stranger Things

Catastrophe évitée pour Netflix. La plateforme de streaming a certes perdu 970.000 abonnés au second trimestre, mais c'est deux fois moins que prévu. L'entreprise prévoit de regagner des abonnés dès le prochain trimestre, en plus de monétiser les utilisateurs qui profitent du partage de comptes dès l'an prochain.
François Manens
(Crédits : DENIS BALIBOUSE)

Le marché se préparait à une véritable tempête au second trimestre, mais elle n'a pas eu lieu. Pourtant, en avril, Netflix avait lui-même anticipé le pire. La plateforme venait de présenter sa première perte d'abonnés en 10 ans, sanctionné par un plongeon de 25% de son cours en un jour, et elle anticipait une perte 10 fois plus grande au second trimestre, soit 2 millions d'abonnés en moins. En tout, l'action s'est effondrée de plus de 66% depuis le début de l'année.

L'avantage de préparer au pire, c'est que tout résultat moins catastrophique apparaît comme positif, même s'il est intrinsèquement mauvais. Au second trimestre, Netflix a perdu environ 970.000 abonnés, un nombre record dans son histoire. Mais la nouvelle a bien été reçue par le marché, puisque l'action progressait de 7% dans les échanges électroniques après la clôture de la Bourse.

Et pour cause : les observateurs ont lu que Netflix n'a perdu « que » 970.000 abonnés, soit deux fois moins que prévu. Mieux, l'entreprise prévoit une relance de la croissance d'abonnés (et donc de son chiffre d'affaires qui y est étroitement lié) dès le prochain trimestre. Cerise sur le gâteau : les deux chantiers de Netflix pour alimenter sa croissance à moyen terme -l'ajout d'offres avec publicité et la monétisation du partage de compte- devraient arriver à terme, dès le premier trimestre 2023. Le champion du streaming semble donc déjà rebondir, même s'il est loin d'être tiré d'affaires.

« Succès écrasant » de la série Stranger Things

Netflix explique en partie sa moindre perte d'abonnés par le succès de ses séries et films en tête d'affiche. L'entreprise explique par exemple que la quatrième saison de la série Stranger Things a été « un succès écrasant sur tous les plans », avec 1,3 milliard d'heures de visionnage [Netflix communique peu sur ses audiences et rend les comparaisons difficiles, ndlr]. « La quatrième saison de Stranger Things a exposé l'efficacité de notre stratégie marketing qui concentre la conversation sur nos titres phares », se satisfait l'entreprise.

Bien qu'il soit difficile d'estimer précisément le rôle de la série dans la rétention d'abonnés, elle y a certainement participé. Netflix a étalé sa diffusion au rythme d'un épisode par semaine, comme à la télévision, alors qu'il s'y refusait il y a encore quelques années. Mais ce système a payé. Stranger Things est devenu un véritable phénomène de pop culture, comme en atteste le retour de la chanson Running Up That Hill de Kate Bush dans les classements d'écoute, près de 30 ans après sa sortie, simplement parce qu'elle a été utilisée dans un épisode de la série.

Alors que la quatrième saison a coûté plus de 30 millions par épisode, son succès a conforté Netflix dans ses investissements massifs sur des produits d'appel qui lui permettent de se démarquer d'une concurrence toujours plus fournie. La plateforme maintient ainsi son plan de dépenses de 17 milliards de dollars en 2022 pour ses productions originales (séries, films, documentaires, télé-réalité, émissions de divertissements), alors qu'elle a par ailleurs dû trancher dans ses effectifs pour maintenir sa marge opérationnelle au-dessus des 20%.

Si Stranger Things a été le coup de pouce supplémentaire, l'entreprise s'appuie aussi sur des bases solides : elle a réalisé 7,97 milliards de dollars de chiffres d'affaires au second trimestre (+8,6% par rapport à l'année précédente) grâce à ses plus de 220 millions d'abonnés, et elle dégage un bénéfice net de 1,44 milliard de dollars unique face à des concurrents majoritairement en perte.

Netflix a un nouveau problème : le cours du dollar

Malgré le soulagement de la moindre perte d'abonnés, Netflix fait encore face à de (très) nombreux vents contraires. L'inflation et le spectre d'une récession poussent les foyers à moins dépenser, notamment aux Etats-Unis, son premier marché. Cette tendance s'avère d'autant plus problématique que Netflix est devenu le service de streaming le plus cher du marché suite à plusieurs augmentations successives. Face à ce constat, l'entreprise prévoit de lancer dès l'an prochain des offres à moindre prix mais avec de la publicité. Il capterait ainsi de nouveaux revenus, tout en abaissant la barrière à l'entrée pour de nouveaux utilisateurs.

Ensuite, le champion du streaming se confronte avec une concurrence exacerbée. En plus de ses adversaires historiques (Amazon Prime Vidéo, Apple...), Netflix doit désormais composer avec la riposte des studios hollywoodiens qui débarquent avec des catalogues très fournis (Disney+, HBO Max, NBC Universal avec Peacock...) et une capacité de production élevée.

Une nouvelle difficulté économique s'est récemment ajoutée à cette pile : l'appréciation du dollar, qui a dépassé l'euro pour la première fois en plus de 20 ans la semaine dernière. Le problème ? Netflix réalise presque 60% de son chiffre d'affaires en dehors des Etats-Unis -dans des monnaies autres que le dollar-, mais paie une majorité de ses coûts en dollars. Autrement dit, à cause du marché monétaire, l'entreprise entre moins d'argent dans ses caisses. Cette tendance pourrait aussi affecter ses perspectives de croissance puisque son réservoir de croissance d'abonnés se trouve hors des Etats-Unis, où elle a déjà approché son plafond.

Monétiser 100 millions de foyers en partage de compte

Si Netflix ne peut pas contrôler toutes les difficultés qui affectent sa croissance, elle en a mis une en particulier dans son viseur : le partage de compte. L'entreprise estime que plus de 100 millions de foyers -soit près de la moitié du nombre de comptes- profitent de son service sans le payer directement. Et elle compte désormais monétiser ces utilisateurs clandestins, après les avoir tolérés pendant de longues années. L'entreprise a détaillé dans un communiqué ses tests en Amérique latine, et deux systèmes sont aujourd'hui à l'essai :

  • la création d'un sous-compte, toujours rattaché au compte principal. L'offre se déclenche lorsqu'un compte dépasse la limite d'appareil connectés en même temps. Le sous-compte dispose d'identifiants séparés, et Netflix prévoit qu'il puisse s'émanciper du compte principal sans perdre l'historique de visionnage.
  • la création de « maisons virtuelles ». Cette offre se déclenche lorsque Netflix détecte que le compte est utilisé pendant plus de deux semaines sur une télévision hors du foyer principal du client. Ce système recoupe l'activité du compte avec les adresses IP [sorte d'adresse sur Internet pour les machines, Ndlr ] des télévisions utilisées. Netflix refusait jusqu'ici d'exploiter cette donnée pour lutter contre le partage de comptes, un phénomène qu'il jugeait par ailleurs comme positif jusqu'à récemment.

La facture pour réguler les utilisateurs clandestins s'élève à environ 3 dollars pour l'instant, mais Netflix n'a pas encore figé les coûts ni le système. Il se donne deux trimestres supplémentaires pour optimiser la captation de ce nouveau réservoir de revenus.

François Manens

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 2
à écrit le 20/07/2022 à 13:27
Signaler
À lire depuis quelques mois sur les medias, netflix est dans la tourmente pour ne pas dire en faillite . Il a perdu de la valorisation boursière ,argent virtuel qui s'échange sur le grand casino de la spéculation ou les maîtres du jeu jouent avec la ...

à écrit le 20/07/2022 à 10:07
Signaler
Dans le monde de 2022, on est content lorsqu'une entreprise perd un million de clients au lieu de deux. Cela me rappelle les prémices de la grande crise bancaire où le titre SG avait gagné 8 pourcent parce que leurs pertes n'étaient que de 6 milliard...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.