Paris XIe, sous l’œil des caméras du monde

Dans le XIe arrondissement de Paris, les rassemblements spontanés – en principe interdits par la préfecture – se sont poursuivis tard dans la nuit du dimanche 15 novembre. Des caméras du monde entier les surveillent, transformant les lieux, si ce n’est en « zone de guerre » du moins en scène planétaire. Reportage de l’autre côté des projecteurs.
Marina Torre
Boulevard Voltaire, au deuxième soir après les attentats du 13 novembre, des caméras sont installées à chaque coin de rue.

Babel médiatique aux pieds du Bataclan. Bal étrange, boulevard Voltaire, au soir du dimanche 15 novembre. Postées en rang d'oignon, aussi près du lieu du drame que le permettent les cordons de sécurité, des télévisions japonaises, australiennes, qataries, allemandes, néerlandaises ou italiennes, chacune dans leur langue, racontent les mêmes événements, montrent les mêmes images d'un quartier meurtri pour la seconde fois en un an. Et cela passe en boucle, sur toutes les chaînes du monde.

« Nous étions déjà là en janvier, après la prise d'otage de l'Hyper Casher et la grande marche. Mais là, c'est différent, bien sûr », explique Pedro Moreira, journaliste pour la chaîne portugaise TVI. Il a pris place avec quelques collègues sous les arbres du boulevard Richard-Lenoir, entre les poteaux des stands du marché que les employés de la voirie n'ont pas eu le temps d'enlever.

Que montrer, que dire

Ce dimanche soir, boulevard Voltaire, il n'y a pourtant pas grand-chose à « montrer ». Sauf bien sûr le recueillement des passants et des Parisiens, qui, bravant l'interdit, sont venus allumer des bougies, apporter des gerbes de fleurs ou des petits mots, un peu partout sur le sol ou sur des coins de grilles.

Richard Lenoir

Boulevard Richard-Lenoir, dimanche 15 novembre. Photo M.T.

 « Ce qui est compliqué, c'est d'aborder les gens. Beaucoup ne veulent pas parler. Ils viennent ici pour se recueillir, il y a beaucoup d'émotion. Je comprends, ce n'est pas facile de venir les déranger pour demander de témoigner. Beaucoup sont sous le choc », explique un journaliste de la radio espagnole.

Entre deux camions-régie, sur un lampadaire, un carton est scotché avec ce mot : « Parlez ».

La rumeur

Quelques minutes plus tôt pourtant, il y a eu de « l'action ». Un mouvement de panique causé par une rumeur - une fausse alerte -, qui a vidé la place de la République située un peu plus haut. « Il y a eu un bruit de  pétard, les gens ont commencé à courir. La police a commencé à boucler la zone et on nous a dit de nous cacher. Certains avaient sorti leurs armes », raconte Pedro Escoto, qui, lui, travaille pour la chaîne RTP. « J'ai couvert de nombreuses guerres, je suis allé en Irak, en  Syrie, etc. Là-bas, on peut à peu près faire le tri entre les 'bons' et les 'méchants', et voir d'où viennent les balles. Avec le terrorisme, on ne peut pas savoir d'où viendra la menace. Elle peut venir de partout », poursuit-il.

Comme lui, nombreux sont les reporters ou les techniciens sur place, aguerris dans tous les sens du terme, qui ont connu bien d'autres terrains, de vraies zones de guerres, autrement plus dangereuse que ce XIe arrondissement parisien « gentrifié » habituellement si calme.

Une zone de guerre ?

Aucun ce soir n'osera se sentir ici comme dans une « zone de guerre ». C'est le cas par exemple de Collin Gillan, technicien britannique pour un sous-traitant de la chaîne réseau CBS qui, installé dans son camion-régie, explique calmement :

« De toute évidence, après ce qui s'est passé vendredi soir, la perception du danger chez les gens est plus élevée. Mais, en réalité, après qu'un tel événement se soit produit, vous êtes peut-être ici dans la zone la plus sûre, parce que la sécurité est tellement accrue. »

Sur le blog de l'Agence France-Presse, le photographe Dominique Faget, présent dès le 13 novembre, raconte avec une certaine distance ce qu'il a vu.

Sauf que l'état d'urgence est décrété. Et même si la présence policière est renforcée, la menace plane. Le Premier ministre Manuel Valls a prévenu : d'autres attaques pourraient se produire. Le technicien poursuit :

« Comment gérer la crainte d'une éventuelle attaque terroriste ? J'ai travaillé dans des environnements hostiles. Nous avons eu un entrainement pour ce type de situation. Quand il y a des explosions, ce genre de choses, on sait qu'il faut se mettre à l'abri. Si vous êtes pris dans la zone de danger, il faut se protéger, pas forcément dans le véhicule, mais si vous pouvez vous abriter derrière un camion ou un gros morceau de métal qui pourra vous protéger des projectiles éventuels. »

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Place de la République, dimanche 15 novembre. Photo M.T.

A la différence des « stars », les présentateurs-vedettes de CNN ou Al-Jazeera, postés sous un dais en tissu, placés aux « meilleurs endroits » pour obtenir les « bons » cadrages, lui n'a pas droit à la présence d'un garde du corps personnel. C'est l'un de ces hommes de l'ombre qui confie :

« En cas d'alerte, nous protégeons ces personnalités, les autres se débrouillent comme ils peuvent.»

Les « autres » en question, ce sont des équipes pouvant aller jusqu'à une centaine de personnes.

La chaine espagnole Antena 3 a envoyé une équipe bien plus modeste. « Nous sommes quatre », indique l'un d'eux.

Il note : « Les informations nous parviennent de façon confuse et sont parfois erronées. Par exemple, à un moment donné, il a été question d'une personne qui était censée se  trouver à l'intérieur du Bataclan pendant la prise d'otage. En fait, elle n'était pas à Paris, et s'exprimait même sur les réseaux sociaux. »

Comment, dans ces conditions si tendues du direct, prendre le temps de vérifier ?

« Nous sommes une équipe de quatre ici, et nous pouvons nous relayer pour recouper les informations. Faire notre métier, en somme !», répond le journaliste.

Quand partir ?

Alignés devant leur cordon de sécurité, chacun reprend sa place, côte à côte, vérifie micro et caméra, jette un œil sur le prompteur, et relance le direct. Les voitures circulent mal, mais elles circulent, et les passants continuent de passer. Mouvement de panique ou pas.

« La nuit, le problème, ce sont aussi les toxicomanes et les alcooliques attirés par la foule ou les télés », relève un agent de sécurité. Ici et là, quelques égarés perdus dans la nuit parisienne tentent d'attirer les caméras. « Quand allez-vous donc quitter Paris ? », lance l'un d'eux à deux membres d'une équipe américaine qui font mine de ne pas comprendre le français.

Sol richard lenoir

Un peu à l'écart pourtant, à quelques mètres de là, se déroulent des scènes dont les caméras se sont détournées, ou qu'elles n'ont peut-être pas vues. Comme ces deux jeunes filles qui dessinent à la craie des arcs-en-ciel de couleur sur le sol, « comme ça, parce qu'elles sont voisines », qu'elles ont ressenti le besoin de venir se recueillir et qu'elles ont trouvé des craies. Ou comme ce vendeur solitaire dans un restaurant de sushis, qui a abrité des passants lors de la fusillade deux jours plus tôt et veillé toute la nuit dans son arrière-boutique, craignant les balles à travers des vitres qu'aucun rideau de fer ne protège. Il a « un peu peur de venir travailler, maintenant ». Mais il est venu, les clients aussi.

Le lendemain matin, sortis des hôtels du quartier, peut-être pas encore vidés de touristes mais remplis de journalistes, les mêmes sont là, près du Bataclan, qui interrogent les passants se rendant au travail.

« Nous savons quand nous sommes venus, pas quand nous allons repartir, tout dépendra des événements », conclut, stoïque, un caméraman.

Marina Torre

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Commentaires 2
à écrit le 16/11/2015 à 16:47
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Si Paris est troublé par des événements tragiques, la bourse n’est-elle pas molle, le dax progresserait mieux en masse monétaire élevée ?

à écrit le 16/11/2015 à 16:35
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Parie serait au XIème siècle sous l’œil d’une came-et-ra, on ne comprend pas bien, le langage BOOmeur n’est-il pas compliqué, le mot ra n’est pas dans le dictionnère des fautes et indulgences, mais Ra oui, est-ce des rats, existe-t-il une faute de fr...

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