Pourquoi Altice et Bouygues Telecom vendent leurs pylônes de téléphonie mobile

Ce mercredi, le groupe de télécoms et de médias de Patrick Drahi a décidé de vendre partiellement ses tours de téléphonie mobile pour 2,5 milliards d’euros. Il emboîte le pas à Bouygues Telecom, qui a cédé, ces deux dernières années, environ 2.000 pylônes. Pour les deux industriels, ces cessions apparaissent nécessaires soit pour se désendetter, soit pour dégager les marges d’investissements nécessaires.
Pierre Manière
Pour Altice et Bouygues Telecom, mais aussi de nombreux autres opérateurs à travers le monde, la vente de ces pylônes, jugés « non stratégiques » constitue un moyen de faire rentrer beaucoup d'argent rapidement.
Pour Altice et Bouygues Telecom, mais aussi de nombreux autres opérateurs à travers le monde, la vente de ces pylônes, jugés « non stratégiques » constitue un moyen de faire rentrer beaucoup d'argent rapidement. (Crédits : Reuters)

L'an dernier, Altice, plombé par les déboires commerciaux et managériaux de sa filiale SFR, a lourdement dégringolé en Bourse, avec en toile de fond, des inquiétudes sur sa capacité à rembourser sa très lourde dette. Alors qu'il s'était mis en retrait, Patrick Drahi, le fondateur et propriétaire du géant des télécoms et des médias, a d'emblée repris la barre de son paquebot. Avec deux nouvelles priorités : d'une part colmater les énormes fuites d'abonnés en France, et, d'autre part, désendetter le groupe. Pour y arriver, son état-major a indiqué qu'il céderait en partie ses pylônes de téléphonie mobile, tout en prévenant que les recettes serviraient à alléger la dette. Ce mercredi, après plusieurs mois de négociations, Altice Europe a ainsi annoncé la vente partielle de ses pylônes en France et au Portugal.

Concrètement, dans l'Hexagone, le groupe va créer une nouvelle filiale, SFR TowerCo, pour exploiter plus de 10.000 tours télécoms qui appartenaient avant à SFR. Altice gardera la main sur cette société, qu'il contrôlera à 50,01%. Et c'est le fonds américain KKR qui reprendra le reste du capital. Au Portugal, Altice va faire de même en créant une filiale, Towers of Portugal. Mais ici, ce sont 75% de cette société qui seront repris par un consortium mené par la banque américaine Morgan Stanley et le fonds sud-américain Horizon Equity partners. Avec cette opération, Altice Europe compte se renflouer à hauteur de 2,5 milliards d'euros.

Les opérateurs contraints de trouver du cash

Altice n'est pas le premier opérateur français à se délester, en partie du moins, de ses pylônes de téléphonie mobile pour faire rentrer du cash. Ces deux dernières années, son rival Bouygues Telecom, en quête de d'espèces sonnantes et trébuchantes - pour financer ses investissements dans la fibre et l'Internet fixe à très haut débit en particulier - a fait de même. En 2016, l'opérateur de Martin Bouygues a cédé quelques 200 pylônes pour 200 millions d'euros à l'espagnol Cellnex. Un an plus tard, Bouygues Telecom a récidivé, lui vendant, cette fois-ci, 1.800 tours pour 500 millions d'euros.

Pour Altice et Bouygues Telecom, mais aussi de nombreux autres opérateurs à travers le monde, la vente de ces pylônes, jugés « non stratégiques » constitue un moyen de faire rentrer beaucoup d'argent rapidement. Selon Jean-Luc Lemmens, à la tête du pôle télécoms du think tank Idate, les opérateurs européens qui vendent leurs tours n'ont surtout pas le choix.

« Entre le déploiement de la 4G qui n'est pas terminé, celui de la future 5G, l'arrivée de la fibre et ce qu'ils doivent débourser pour étoffer leurs portefeuilles de fréquences, les fournisseurs d'accès à Internet sont aujourd'hui confrontés à un mur d'investissements », souligne-t-il.

D'autant qu'en parallèle, poursuit-il, les opérateurs européens « sont à des niveaux d'investissements plus importants que chez leurs homologues des autres régions du monde », et ont généralement vu leurs revenus s'effriter après des années de guerre des prix. « C'est bien moins le cas aux Etats-Unis et en Asie, où les prix des abonnements Internet fixe et mobile sont beaucoup plus chers », précise-t-il.

Les pylônes, un placement sécurisant

En face, les fonds d'investissements, de pension ou les banques d'affaires qui investissent directement ou indirectement dans les pylônes n'hésitent pas à casser la tirelire. Pourquoi ?

« Parce que ces acteurs recherchent des activités qui rapportent du cash de manière régulière et sur le long terme, affirme Jean-Luc Lemmens. Les tours télécoms constituent, sous ce prisme, des actifs très alléchants. Dans 25 ans, il y aura toujours de la téléphonie mobile, et on aura forcément besoin de ces pylônes... »

Le placement est d'autant plus sécurisant qu'aujourd'hui, construire un pylône, dans une grande ville comme dans un village isolé, est de plus en plus difficile. Si les élus locaux veulent tous disposer d'un Internet mobile dernier cri, certains voient d'un mauvais œil l'arrivée de ces antennes accusées de défigurer le paysage, et dont les ondes qu'elles émettent sont, parfois, source d'inquiétudes.

Pierre Manière

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Commentaires 6
à écrit le 26/06/2018 à 8:40
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Fond d'investissement américain KKR avec à ça tête Xavier Niel, fondateur de Free. C'est énorme

à écrit le 23/06/2018 à 12:15
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Faux les arguments avancés : les gouvernement français ont été très généreux sur l'attribution des fréquences qui ont été quasiment offertes aux opérateurs contrairement à l'Allemagne ou la Grande-Bretagne et protégeaient de surcroit les opérateurs n...

à écrit le 23/06/2018 à 11:16
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Et si on créait une société spécialisé dans les points haut et les pylônes de diffusion ? Ca pourrait s'appeler un truc genre Tele Difusion de France ? Ha.. mince... on l'a déjà... Donc on va bien finir par refaire ce qu'on avait il y a 30 ans... Une...

à écrit le 23/06/2018 à 10:52
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"accusées de défigurer le paysage, et dont les ondes qu'elles émettent sont, parfois, source d'inquiétudes" En effet quand on voit le massacre qu'occasionne l'agro-industrie on ne peut que douter des effets de ces micros ondes, on ne doute pas da...

à écrit le 23/06/2018 à 0:41
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ha !! ses journalistes qui n'y connaissent rien...et qui relègue ce qu'on leur dit bêtement

à écrit le 22/06/2018 à 19:14
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Non, ce n'est pas du désendettement, c'est bien expliqué sur ce site que je viens de découvrir : https://lifestyle48.com/2018/06/21/altice-sfr-contracte-une-nouvelle-dette-la-presse-annonce-tout-le-contraire/

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