Free Mobile : retour sur une année folle en 30 dates et son lot de polémiques

Par Delphine Cuny  |   |  1581  mots
Xavier Niel, fondateur d'Iliad, maison mère de Free, lors du lancement de l'offre Free mobile le 10 janvier 2012. Copyright Reuters (Crédits : <small>Reuters</small>)
Il y a tout juste un an, un quatrième opérateur mobile venait dynamiter le secteur avec des offres simples et peu chères. Une arrivée tonitruante suivie de nombreuses polémiques sur le réseau, les conditions accordées au nouvel entrant et l'impact de la baisse des prix sur l'emploi et l'économie en général. Rétrospective de cette année riche en rebondissements.

Un coup d'envoi explosif
10 janvier : Xavier Niel présente l'offre de Free Mobile, entièrement sans engagement et sans subvention des téléphones. Appels et SMS illimités, 3Go de données pour 19,99 euros par mois et même 15,99 euros pour les abonnés ADSL à la Freebox, un forfait « deux fois moins cher que le marché. » Une autre offre proposant 1 heure et 60 SMS pour 2 euros est même gratuite pour les clients Freebox. Près de 500.000 personnes suivent en direct la diffusion de la prestation du « showman » qui égratigne ses concurrents et traite de « pigeons » leurs clients. C'est la ruée sur le site de Free Mobile, rapidement indisponible.

Après le buzz, les bugs et la polémique
17 janvier : l'afflux de clients provoque un engorgement au GIE Portabilité (on parle de 500.000 en une semaine). En parallèle, SFR envoie discrètement des huissiers au pied des antennes Free Mobile afin de constater que "80% à 97%" des appels transitent en fait sur le réseau d'Orange. C'est le début de la polémique sur la couverture effective et la qualité du réseau de Free.

26 janvier : Frank Esser, alors PDG de SFR, accuse Orange d'avoir « permis à Iliad de sortir des forfaits si peu chers » en signant avec lui un contrat d'itinérance par lequel il lui loue son réseau.

30 janvier : l'Arcep, le régulateur des télécoms, confirme qu'Eric Besson, le ministre de l'Economie numérique, lui a demandé de contrôler à nouveau le niveau de couverture du réseau mobile de Free.

13 février : Orange se plaint de la croissance exponentielle du trafic de Free qui transite à 97% sur son réseau. Le chiffre de 1,5 million d'abonnés à Free Mobile est évoqué

18 février : Eric Besson demande un audit parallèle du réseau mobile de Free à l'Agence nationale des fréquences qui conclura finalement que ce dernier couvre 30% de la population.

28 février : l'Arcep, qui avait été saisie par les syndicats CFE-CGC et UNSA de France Télécom et SFR, demandant une sanction à l'encontre de Free pour non-respect des obligations de couverture, rend publiques ces nouvelles mesures, affirmant que le réseau de Free couvre 28% de la population (ses obligations étaient de 27% au lancement en janvier).

8 mars: Iliad, la maison-mère de Free, présente ses résultats annuels mais ne dévoile pas le nombre de ses abonnés mobiles. Xavier Niel prévient qu'il attaquera en justice « toute personne dénigrant la réalité de la couverture ou des investissements » de Free Mobile. Il dément qu'une panne nationale ait affecté une grande partie de ses clients le vendredi précédent.

24 mars : le président de l'Arcep, Jean-Ludovic Silicani, fait polémique en ayant l'air de minimiser l'impact potentiel de l'arrivée de Free Mobile sur l'emploi, déclarant « certains analystes estiment que le secteur risque de perdre environ 5.000 à 10.000 emplois en un ou deux ans. Sur un total de 150.000 cela représente 3 %, c'est-à-dire moins que les départs à la retraite de ce secteur. »

Avril : nette amélioration des problèmes de réseau qui se manifestaient par de fréquentes coupures d'appels le soir, après le renforcement des équipements de passerelles (BPN) entre le réseau de Free et celui d'Orange. Le Pdg de l'opérateur historique indique que le contrat d'itinérance lui rapportera « beaucoup plus que prévu », sans doute 1 milliard d'euros sur trois ans plutôt que sur six ans.

Premiers bilans, premiers contrecoups
15 mai 2012 : Iliad annonce que Free Mobile a conquis 2,6 millions d'abonnés au 31 mars. « Un record mondial, du jamais-vu pour un nouvel entrant » se félicite-t-on chez Free. Le lancement a aussi un effet dopant sur les recrutements de clients ADSL, attirés par la ristourne accordée sur le forfait mobile, et qui atteignent des niveaux historiques.

15 juin : Arnaud Montebourg, le ministre du Redressement productif, critique la « concurrence sans limite » à laquelle l'Arcep s'intéresserait exclusivement. « Comment donc avons-nous trouvé le génie de mener la concurrence du marché à un tel point qu'il s'autodétruit ? » s'emporte-t-il sur fond de rumeurs de licenciements dans le secteur.

3 juillet : Bouygues Telecom annonce un plan de départs volontaires, portant sur 556 postes, citant « le développement des offres « low cost » et la guerre des prix rendue possible par les conditions offertes au 4e opérateur », SFR également, sans en préciser l'ampleur. Certains syndicats se demandent si Free ne constitue pas un prétexte

Juillet : Free attaque SFR pour « concurrence déloyale » devant le tribunal de Commerce de Paris, certains forfaits avec subventions des téléphones revenant selon lui à du « crédit déguisé » présentant des « taux d'usure. »

Bercy s'en mêle
17 juillet : Arnaud Montebourg et Fleur Pellerin, ministre déléguée à l'Economie numérique, reçoivent les dirigeants des quatre opérateurs mobiles, espérant trouver « un nouveau modèle économique créateur d'emplois et d'investissements pour le secteur des télécoms. » L'attribution de la 4e licence a été « mal anticipée » par le précédent gouvernement selon les ministres.

31 août: Iliad révèle que Free Mobile a séduit 3,6 millions de clients en six mois (au 30 juin). L'activité mobile du groupe a généré 320 millions d'euros de chiffre d'affaires et une perte brute d'exploitation de 44 millions. L'opérateur ne détaille pas la part des clients pour l'offre à 19,99 euros et celle des clients « à zéro euro » que ses concurrents soupçonnent d'être importants. Orange, SFR et Bouygues Telecom publient des résultats en baisse mais commencent à regagner des abonnés à leurs forfaits.

14 septembre : Free Mobile lance une campagne de publicité télévisée sur le thème des « pigeons. »

9 octobre : Bercy annonce 5 mesures pour l'emploi et l'investissement dans les télécoms. Après avoir envisagé un assouplissement de certaines règles favorables aux consommateurs (hotline payante, durcissement des conditions de résiliation anticipée), il définit finalement des orientations générales telles que la création d'un observatoire des investissements.

29 octobre : la rumeur d'un mariage SFR-Free circule, à la faveur d'une note d'analystes. Des discussions auraient bien eu lieu mais l'Autorité de la concurrence aurait fait savoir qu'un rapprochement était hors de question.

5 novembre : Bercy saisit l'Autorité de la concurrence pour avis sur le contrat d'itinérance signé par Free et Orange afin de savoir « dans quelle mesure Free ne bénéficierait pas d'un modèle de déploiement durablement plus avantageux que ses concurrents.» L'avis est attendu fin février 2013.

12 novembre : Arnaud Montebourg fait le lien entre Free Mobile et les difficultés d'Alcatel-Lucent, déclarant « la course au low-cost avec l'arrivée de Free a eu des conséquences sur les opérateurs, sur la sous-traitance, sur les fournisseurs. Et la situation d'Alcatel s'est aggravée : -40 % en un an en France. » De même, la députée PS des Côtes d'Armor Corinne Erhel écrit dans un rapport que la crise traversée par le secteur, y compris les difficultés d'Alcatel-Lucent, « est en partie due » au quatrième opérateur mobile.

13 novembre : SFR relève ses prévisions annuelles malgré l'impact de Free, grâce aux réductions de coûts. La filiale de Vivendi annonce quelques jours plus tard un plan de départs volontaires portant sur 1.123 suppressions d'emploi et 267 créations.

15 novembre: Iliad annonce que Free Mobile a conquis 4,4 millions de clients au 30 septembre, l'effet dopant sur les recrutements dans le haut débit se poursuit. Le chiffre d'affaires du mobile atteint 557 millions d'euros sur neuf mois, soit près d'un quart du total.


Déchaînement judiciaire et bataille d'économistes
19 novembre : publication d'une étude d'économistes, Augustin Landier et David Thesmar, concluant à l'impact positif de l'arrivée de Free, à raison de « plus de 1,7 milliard d'euros de pouvoir d'achat par an en France » redonné aux Français, qui, en consommant davantage, devrait se traduire par la création de 16.000 à 30.000 emplois dans l'Hexagone. Une contre-étude après celle de Bruno Deffains en juin, qui prévoyait plus de 60.000 suppressions d'emplois au total dans la filière à redouter sur deux ans, dont 10.600 chez les opérateurs.

4 décembre : le jugement dans le procès sur les subventions est repoussé au 28 janvier.

6 décembre: Free Mobile relance la guerre des prix et riposte à la concurrence, qui s'est prise au jeu (Bouygues a lancé un forfait B&You à 9,99 euros et SFR une offre Red à 4,99 euros). Il double les communications de son offre à 2 euros (2 heures et SMS limités).

11 décembre : Bouygues Telecom attaque Free pour « dénigrement » en référence aux propos tenus au lancement en janvier, lui réclamant 98 millions d'euros de dommages et intérêts.

12 décembre : Google révèle que Free Mobile arrive en tête des recherches ayant généré le plus fort trafic sur son moteur en 2012 en France selon son « Zeitgeist » annuel.

19 décembre : SFR attaque Orange auprès de la Commission européenne, plaidant qu'il y a « acquisition de contrôle conjointe de France Télécom sur Free Mobile» parce que la majeure partie du trafic de ce dernier transite par le réseau d'Orange.

9 janvier 2013 : Xavier Niel déclare que Free Mobile « aurait pu faire encore mieux » mais aussi que « les abonnements explosent. » Les experts du secteur anticipent que l'opérateur a déjà passé le cap des 5 millions d'abonnés. Ce serait une part de marché de plus de 7% en métropole.

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Pour en savoir plus :

>> DIAPORAMA Free : de l'audace toujours de l'audace.