Cloud et gouvernance des données : l’Arcep se voit confier de nouveaux pouvoirs

La loi visant à sécuriser Internet confie au régulateur des télécoms le soin de réglementer le marché du cloud pour mettre fin à certaines pratiques anti-concurrentielles. L’autorité a également la charge de labelliser de nouvelles plateformes de partage de données dans les domaines de la finance, de l’agriculture ou encore des transports.
Pierre Manière
Laure de La Raudière, la présidente de l'Arcep.
Laure de La Raudière, la présidente de l'Arcep. (Crédits : D.R)

C'est un nouveau terrain de jeu pour l'Arcep. L'autorité indépendante, souvent appelée « gendarme des télécoms », vient d'acquérir de nouveaux pouvoirs pour réguler les marchés du cloud et des services de données dans l'Hexagone. Ces nouvelles missions lui sont confiées par la loi visant à sécuriser Internet, qui a été promulguée ce mercredi au Journal officiel. Concernant le cloud, l'autorité indépendante va prendre des mesures pour « fluidifier le marché », explique à La Tribune Laure de La Raudière, sa présidente.

Sa mission est, en clair, de mettre un terme à certaines pratiques anti-concurrentielles. Aujourd'hui, le secteur est largement dominé par trois géants, Amazon Web Services, Microsoft Azure et Google Cloud, lesquels se partagent 65% du marché. Or l'Autorité de la concurrence a, dans une étude publiée l'an dernier, déploré certaines barrières commerciales et techniques visant, pour certains acteurs, à décourager leurs clients de changer de chapelle. Laure de La Raudière évoque, par exemple, le recours à des « crédits cloud ».

« Cette pratique consiste à offrir à un nouveau client plusieurs mois gratuits pour le faire venir, mais à rendre son départ très coûteux via d'importants frais de migration, explique la présidente de l'Arcep. L'idée est d'encadrer ces frais de migration pour faciliter le passage d'un client chez un autre fournisseur. »

Mais ce n'est pas tout. L'Arcep compte aussi prendre des mesures pour encadrer les frais dits de transfert de données. Certaines entreprises disposent, pour leurs besoins, de plusieurs fournisseurs de cloud. Or les transferts de données entre les différents acteurs sont, parfois, facturés très cher. Le travail du régulateur sera, ici, de veiller « à ce que les frais n'excèdent pas les coûts engagés », poursuit Laure de La Raudière. D'ici la fin juin, l'Arcep va lancer une consultation publique sur ces sujets, et sonder les acteurs du cloud sur ses projets d'orientations. L'enjeu est d'amener ces derniers à préciser clairement leurs positions, sachant qu'elles seront in fine rendues publiques. Cela permettra, ensuite, au régulateur d'affiner et de prendre ses décisions.

Améliorer la logistique dans les aéroports

En parallèle, l'Arcep va réguler de nouveaux acteurs de l'économie de la donnée. Il s'agit des « prestataires de services d'intermédiation de données ». Cette catégorie a été définie par le Data Act, le règlement européen sur la gouvernance des données. Encore peu nombreuses et méconnues du grand public, ces plateformes font aujourd'hui leur nid dans différents secteurs de l'économie, comme la finance, l'agriculture et les transports. Elles collectent des données de différentes sociétés, et les mettent à disposition des professionnels, moyennant un abonnement, pour améliorer leurs services.

Dans l'Hexagone, il existe, par exemple, la plateforme Agdatahub. Celle-ci a été lancée en 2020 pour créer une base de données sur les pratiques agricoles, afin de permettre aux professionnels de mieux gérer leurs exploitations et leurs pratiques commerciales. Un fabricant d'aliments pour bovins peut, par exemple, récolter des informations auprès des agriculteurs pour mieux cerner l'impact de ses produits sur la croissance des bêtes. Ces pratiques sont amenées à se démocratiser dans un monde agricole qui se numérise à toute vitesse.

Dans le domaine de la logistique aéroportuaire, la société HubOne a créé, l'an dernier, une plateforme de partage des données baptisée « Hub One Datatrust ». Lorsqu'un avion atterrit dans un aéroport, par exemple, des myriades d'acteurs sont mobilisés. Il s'agit aussi bien de préparer l'avion pour son prochain vol, que de gérer d'importants flux de passagers. Des monceaux de données sont alors collectées, et leur partage peut aider, dans bien des cas, les professionnels à gagner en efficacité.

Un cadre de « confiance » pour partager les données

L'enjeu pour l'Arcep est de créer, avec tous les autres régulateurs européens, « un cadre de confiance » pour permettre le développement de ces acteurs sur le continent. Concrètement, l'autorité aura la charge de labelliser ces plateformes, notamment pour « garantir leur indépendance, leur neutralité et leur loyauté », précise-t-elle. Toutes peuvent désormais effectuer leur demande de label. Si elles le décrochent, « elles pourront l'utiliser dans leurs communications écrites et orales », via un logo associé.

Pierre Manière

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