En Espagne, le mariage entre Orange et MasMovil suspendu à la cession d’actifs à la concurrence

Selon nos informations, la Commission européenne a clairement désigné deux acteurs sur le marché espagnol pour récupérer des actifs - et donc se renforcer - dans le cadre de la fusion entre Orange et MasMovil. Le Roumain Digi, encore petit, mais particulièrement agressif, est l’un d’eux.
Pierre Manière
Christel Heydemann, la patronne d'Orange.
Christel Heydemann, la patronne d'Orange. (Crédits : Reuters)

Dans le monde des télécoms, tous les opérateurs du Vieux Continent ont les yeux rivés sur l'Espagne. La Commission européenne mène en effet des investigations en vue d'autoriser - ou non - le mariage entre Orange et MasMovil, respectivement numéros deux et quatre sur le marché. En cas de feu vert, le nombre de grands opérateurs passerait de quatre à trois. Une telle opération pourrait donner des idées de consolidation à d'autres acteurs des télécoms, dans d'autres pays européens. Y compris en France, qui compte quatre opérateurs : Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free.

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Depuis quelques temps, beaucoup se demandent toutefois si le deal entre Orange et MasMovil a une chance d'aboutir. Au mois d'avril, la Commission européenne a lancé une enquête approfondie sur cette fusion. Rien d'anormal, jusqu'ici, pour une opération de cette envergure. En revanche, la Commission européenne a émis fin juin de sérieuses réserves sur ce mariage. Celui-ci vise à créer une coentreprise valorisée à plus de 18,6 milliards d'euros, et dont l'ambition est de concurrencer frontalement Telefonica, l'opérateur historique et numéro un du marché. Bruxelles a notamment estimé que « les effets anticoncurrentiels prévus sont considérables ». Le 28 juillet, la Commission européenne a finalement décidé d'un « stop the clock » (« arrêt des pendules »). En clair, elle a momentanément interrompu l'examen de la fusion, dans l'attente d'informations complémentaires de la part d'Orange et de MasMovil.

Digi en « remedy taker »

Cette décision en a surpris plus d'un. « Ce qui est assez bizarre, c'est ce silence assourdissant de la Commission européenne depuis la communication des griefs, et l'absence de tout test de marché sur les remèdes [à apporter pour que la fusion aboutisse, ndlr] », confie un dirigeant d'un opérateur français, familier de ces opérations. Selon nos informations, la Commission européenne a en réalité, ce qui n'est pas fréquent, clairement identifié deux acteurs pour être le réceptacle des « remèdes » qui permettrait le mariage entre Orange et MasMovil. Parmi ces deux « remedy takers », comme on les appelle, il y a le Roumain Digi, un acteur encore modeste, mais très agressif en Espagne comme dans d'autres pays européens. Interrogé par La Tribune, Orange se refuse à tout commentaire. Même son de cloche du côté de la Commission européenne.

Le deuxième acteur identifié par Bruxelles pourrait, possiblement, être Avatel Telecom SL, dont le nom a récemment été cité par l'agence Bloomberg, via une source anonyme et proche du dossier. Concrètement, Orange et MasMovil doivent trouver des accords avec les « remedy takers » - sur des cessions de fréquences, de pylônes de téléphonie mobile, par exemple - afin qu'ils se renforcent sur le marché. Ces accords seront ensuite proposés à la Commission européenne. Si ceux-ci sont jugés suffisants - c'est-à-dire de nature à préserver un haut niveau de concurrence -, alors elle pourra autoriser Orange et MasMovil à passer des fiançailles au mariage.

Bruxelles n'a pas changé de religion

Dans les colonnes du quotidien El Mundo, l'opérateur Digi a déjà indiqué, le mois dernier, qu'il comptait profiter de ce mariage pour passer un cap de l'autre côté des Pyrénées. « Nous investirons 2 milliards d'euros en Espagne, si nous bénéficions des 'remèdes' de la part d'Orange et de MasMovil », a indiqué Marius Varzaru, son PDG. Interrogé par La Tribune, Digi, tout comme Avatel, n'ont pas, pour l'heure, répondu à nos sollicitations.

Quoi qu'il en soit, l'attitude de la Commission européenne montre qu'elle n'a pas vraiment changé de religion. Malgré la pression des opérateurs, qui appellent à davantage de consolidation dans les pays de l'Union européenne pour faire face aux investissements massifs dans la fibre, la 4G ou la 5G, Bruxelles semble considérer que la concurrence doit rester très forte. La Commission européenne demeure particulièrement méfiante à l'égard des opérations visant à réduire le nombre d'opérateurs télécoms, souvent synonyme, à ses yeux, de flambée des prix pour le consommateur.

La consolidation en France dans une « impasse »

En France, la possibilité d'une consolidation du marché des télécoms semble, sous ce prisme, s'éloigner. Christel Heydemann, la patronne d'Orange, n'y croit guère. A La Tribune, un analyste financier rapporte que la cheffe de file de l'opérateur historique a qualifié, cet été, cette perspective d'« impasse », notamment au regard des discussions de l'opérateur avec Bruxelles.

Pierre Manière

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