Le Comité stratégique de filière, catalyseur espéré des télécoms françaises

Signé il y a deux ans avec le gouvernement, le Comité stratégique de filière (CSF) dédié aux infrastructures numériques vise à faciliter le déploiement de la fibre et la 5G. Il constitue aussi un levier pour inciter les entreprises à se convertir à ces nouvelles technologies, perçues comme essentielles pour la compétitivité du pays.
Pierre Manière
Le CSF doit permettre aux industriels de la fibre de former leurs troupes à de nouveaux métiers quand les réseaux français seront terminés.
Le CSF doit permettre aux industriels de la fibre de former leurs troupes à de nouveaux métiers quand les réseaux français seront terminés. (Crédits : ALESSANDRO BIANCHI)

Alors que l'État a fait de la réindustrialisation du pays un objectif prioritaire, notamment dans le cadre du plan de relance, les Comités stratégiques de filière (CSF) sont devenus des acteurs de premier plan. Il en existe aujourd'hui une dizaine, dans des secteurs aussi variés et stratégiques que l'énergie, l'automobile, la construction navale ou l'alimentaire. En novembre 2019, un petit nouveau s'est ajouté à cette liste : celui des infrastructures numériques.

Ce CSF rassemble tous les acteurs impliqués dans les réseaux télécoms du pays. En son sein, on retrouve la Fédération française des télécoms (FFT), le lobby des opérateurs français (avec notamment Orange, SFR et Bouygues Telecom), InfraNum, qui regroupe tous les industriels, petits et grands, impliqués dans le déploiement de la fibre, ou encore le Sycabel, l'organisme des fabricants de fils et câbles électriques et de communication.

Ce CSF dédié aux infrastructures numériques constitue, pour le gouvernement, un levier de choix pour favoriser la « digitalisation » du pays, et surtout des entreprises. L'exécutif souhaite épauler la filière pour qu'elle puisse déployer, aussi vite que possible, la fibre et la 5G. Ces technologies sont perçues comme essentielles pour préserver la compétitivité du pays.

Assurer l'avenir de la filière

Le gouvernement joue ainsi les facilitateurs dans plusieurs dossiers cruciaux pour les acteurs des infrastructures numériques. A la création du CSF, une des demandes les plus pressantes de la filière concernait sa difficulté à recruter pour déployer la fibre. Au point que certaines entreprises « sont allées chercher des ressources à l'étranger »expliquait alors Etienne Dugas, le président d'InfraNum.

Le CSF a permis de lancer différentes initiatives pour permettre aux opérateurs d'infrastructures, installateurs de fibre et bureaux d'études, de gagner en visibilité sur le marché de l'emploi, afin d'inciter davantage de jeunes à se lancer dans les télécoms.

Aujourd'hui, le problème est tout autre. Le déploiement de la fibre est très avancé dans l'Hexagone. Après 2022, les besoins en main-d'œuvre vont progressivement diminuer. Tout l'enjeu est de permettre aux entreprises d'orienter une grande part de leurs troupes vers de nouveaux métiers. C'est la raison pour laquelle un protocole d'Engagement de développement de l'emploi et des compétences (EDEC) a été signé entre le gouvernement et le CSF.

L'objectif est d'accompagner une large frange des professionnels de la fibre pour qu'ils trouvent leur place dans « les nouveaux écosystèmes industriels », liés à l'Internet des objets ou à l'essor des data centers, qui vont émerger grâce aux réseaux à très haut débit.

Cet EDEC « permettra de sécuriser l'emploi et les passerelles de formation vers les nouveaux métiers des infrastructures numériques », précise l'accord. « 13.000 entreprises, dont une majorité de TPE-PME, et plus de 140.000 emplois directs sont concernés », souligne-t-il.

Aider les industriels à s'exporter

Le CSF permet également de favoriser l'exportation du savoir-faire français en matière de fibre optique à l'étranger, et notamment dans les pays où cette technologie est encore peu développée. Deux pays figurent notamment dans le viseur des industriels des télécoms comme du gouvernement : le Royaume-Uni et l'Allemagne. Tous deux ont initié de vastes plans pour déployer la fibre à grand échelle. Les acteurs français y voient logiquement un moyen de poursuivre leur activité une fois que la couverture de l'Hexagone sera achevée.

L'exécutif s'appuie également sur le CSF pour accélérer l'adoption des réseaux à très haut débit par tout le tissu économique. C'est particulièrement vrai sur le front de la 5G. Le gouvernement a mis sur pied une « stratégie d'accélération » concernant ce nouveau réseau, pour inciter les industriels à s'y convertir, et à en saisir les opportunités. Celle-ci « sera soutenue au total à hauteur de 735 millions d'euros par des financements publics d'ici 2025, ce qui permettra, par effet de levier, de mobiliser jusqu'à 1,7 milliard d'euros d'investissements », a affirmé Bercy au début du mois.

Pousser les entreprises à utiliser la 5G

Dans ce cadre, le CSF a notamment la charge d'élaborer un « observatoire sur la 5G », visant à « confirmer le fort potentiel économique de cette technologie ». Selon les premiers travaux, les dépenses liées à la 5G et à ses usages pourraient atteindre les 23 à 27 milliards d'euros à l'horizon 2027, contre 2 milliards en 2020. Ces initiatives du gouvernement et du CSF ne seront sans doute pas de trop pour convaincre des industriels qui, jusqu'à présent, n'ont pas démontré une appétence particulièrement forte pour ce nouveau réseau.

Pierre Manière

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