A entendre les opérateurs télécoms, les « zones blanches », où le mobile ne passe toujours pas, sont en voie de disparition. De fait, selon la Fédération française des télécoms (FFT), les déploiements d'antennes 4G dans les villages et territoires isolés, où il est impossible - ou très difficile - de passer un coup de fil, avancent à grands pas. Presque chaque semaine, le lobby du secteur communique à grand renfort de photos et d'interviews vidéo, sur son site, sur les nouvelles infrastructures de téléphonie mobile installées par les Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free. Certaines font l'objet d'inaugurations en grande pompe, avec des élus locaux, des dirigeants des télécoms, et parfois des ministres. Ce fut le cas vendredi dernier, où un nouveau site 4G a été mis en service à Mantilly (Orne) en présence du maire Eric Roulleaux, de Jérôme Nury, le député de l'Orne, et de Charles Barbier, le sous-préfet d'Alençon et secrétaire général de la préfecture.
Si la FFT et les opérateurs mettent ainsi les petits plats dans les grands, c'est parce qu'ils estiment qu'en matière de couverture des zones blanches, la donne a changé. Tous estiment prendre, désormais, le problème à bras le corps. Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free espèrent ainsi mettre un terme aux critiques, parfois virulentes, concernant leur désintéressement des villages peu peuplés, difficiles d'accès, et peu ou pas rentables.
Aussi, pour la FFT, les opérateurs remplissent parfaitement leurs engagements pris en 2018, au terme d'un accord avec le gouvernement et l'Arcep, le régulateur des télécoms. Baptisé New Deal, celui-ci vise à mettre fin à ces fameuses « zones blanches », qui empoisonnent depuis longtemps la vie de nombreux Français, en plus d'être accusées d'entretenir une fracture numérique. En échange du renouvellement des licences de certaines fréquences mobiles, Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free se sont engagés à investir 3 milliards d'euros pour y mettre un terme, en étoffant leurs réseaux 4G.
Dans cet accord figure un dispositif singulier : celui de la « couverture ciblée ». Les quatre opérateurs doivent ainsi déployer la 4G sur 5.000 nouveaux sites, généralement mutualisés, choisis localement par les collectivités territoriales. Régulièrement, le gouvernement sélectionne plusieurs centaines de sites par an par l'intermédiaire d'arrêtés. Ceci fait, Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free disposent d'un délai maximal de 12 à 24 mois, en fonction de la mise à disposition d'un terrain par la collectivité, pour apporter la 4G. Ce dispositif a le mérite d'exister. Il a effectivement fait bouger les lignes, sachant que tous les précédents programmes visant à éradiquer les zones blanches s'étaient révélés aussi inefficaces qu'insuffisants. Mais les choses avancent lentement. Très lentement.
De fait, ces 5.000 sites sont sélectionnés progressivement par le gouvernement. A ce jour, donc, « seuls » 3.000 d'entre eux ont été identifiés. Et parmi eux, 939 pylônes, selon les chiffres de la FFT, ont été construits et activés. Vice-président de la FFT, Nicolas Guérin, par ailleurs secrétaire général d'Orange, s'est félicité de ce chiffre le 24 août dernier, jugeant que le secteur était « totalement au rendez-vous sur le mobile ». Mais les Français qui vivent dans les zones blanches, eux, n'ont que faire de savoir si les opérateurs respectent ou pas leurs engagements... A ce rythme, et comme le prévoit d'ailleurs le New Deal, certains devront patienter, au mieux, jusqu'en 2027 pour bénéficier enfin d'une antenne de téléphonie...
« Nous ne couvrirons jamais 100% du territoire français »
Le gouvernement en est d'ailleurs bien conscient. Dans un entretien à La Dépêche du Midi le 9 avril dernier, Cédric O, le secrétaire d'Etat en charge du Numérique, n'en a pas fait mystère. « Nous ne couvrirons jamais 100% du territoire français, a-t-il concédé. Mais on peut espérer qu'il n'y ait plus de sentiment de zones blanches d'ici 2025-2026. » Or à ce moment-là, la 4G aura toutes les chances d'être dépassée par la 5G, aujourd'hui en plein déploiement - et qui nécessite, en outre, une densification des réseaux. Sous ce prisme, les débats liés à la fracture numérique sont probablement loin d'être terminés.
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