L'épineux et électrique dossier de l'extinction du réseau historique en cuivre d'Orange refait surface. D'ici la fin du mois de septembre, le géant français des télécoms va présenter à l'Arcep, le régulateur du secteur, son plan visant à « décommissionner » cette infrastructure qui date des années 1960, et qui est encore largement utilisée aujourd'hui pour le téléphone et l'ADSL. Alors que la fibre est en plein déploiement, 16 millions de foyers dépendent encore du réseau cuivre pour accéder à Internet. Même si ce chiffre décroît fortement au fil des ans.
Cette échéance était prévue. L'an dernier, Orange et l'Arcep ont convenu d'arrêter les modalités selon lesquelles le numéro un français des télécoms s'y prendra pour éteindre progressivement son réseau cuivre d'ici à 2030. En septembre 2020, Sébastien Soriano, l'ancien président de l'Arcep, a laissé entendre que si Orange présentait avec un « plan ambitieux », l'institution pourrait augmenter le « prix du dégroupage ». C'est-à-dire le prix, régulé, payé par les SFR, Bouygues Telecom et Free à l'opérateur historique pour accéder à son infrastructure pour vendre leurs abonnements ADSL.
« Si Orange venait avec un plan extrêmement concret et ambitieux de migration accélérée de ses abonnés du cuivre vers la fibre, alors, dans ce cas, il serait juste d'ouvrir la question d'une hausse plus significative de la paire de cuivre, précisait-il dans nos colonnes. De fait, si Orange fermait plus vite son réseau, il y aurait dans ce cas, pour lui, un manque à gagner. »
« Nous devons trouver une équation économique »
Laure de La Raudière, la nouvelle présidente de l'Arcep, a récemment confirmé qu'une augmentation du prix du dégroupage pourrait être envisagée. Pour Orange et ses rivaux, l'enjeu est colossal. Il s'agit d'une affaire de gros sous. Pour le numéro un des télécoms, hors de question de supporter financièrement seul le chantier de la fin du cuivre.
« Cette fin de vie du cuivre ne doit pas seulement être supportée par Orange en termes d'impact économique compte tenu du coût de ce réseau, qui augmente, alors que le nombre de clients baisse, a déclaré ce mardi Fabienne Dulac, la patronne d'Orange France, en conférence de presse. Sa rentabilité économique est aujourd'hui en décroissance. Nous devons trouver une équation économique sur ce réseau cuivre. C'est un point extrêmement important dans les discussions à venir. »
Un énorme chantier
Orange souhaite que les autres opérateurs passent à la caisse, via une augmentation importante du prix du dégroupage. Celui-ci est passé de 9,46 euros par ligne en 2020, à 9,65 euros pour la période 2021-2023. Une augmentation jugée insuffisante aux yeux de l'opérateur historique, qui souhaitait jusqu'alors voir ce tarif progresser de 2 à 3 euros, au regard, notamment, du coût d'entretien de ce vieux réseau qui va crescendo. Orange espère que ses négociations avec l'Arcep permettront de « retravailler ce prix », dixit Fabienne Dulac.
« Celui-ci doit être lié à la fois au coût de la maintenance préventive et curative du réseau jusqu'à son extinction, affirme la dirigeante. Mais nous aurons aussi une discussion sur le coût du décommissionnement du cuivre. »
Ce chantier s'annonce énorme. « Au total, nous avons plus d'un million de kilomètres de câbles en cuivre [à retirer], sachant que 22 millions de lignes existent encore », argue Fabienne Dulac. Orange souhaite industrialiser le décommissionnement. Des expérimentations ont été menées ces derniers mois dans certaines communes. L'objectif est qu'au final, la fibre devienne le réseau de référence, et que les foyers qui n'auront pas accès à cette technologie bénéficient de solutions alternatives via, par exemple, le satellite ou la 4G à usage fixe.
La concurrence prête à faire feu
En face, la concurrence ne va pas rester les bras croisés. Nul doute que SFR, Bouygues Telecom et Free se prépare à faire feu, les canons bourrés jusqu'à la gueule. Tous fustigent, à l'unisson, la possibilité d'une augmentation du prix du dégroupage. Ils s'insurgent, depuis longtemps, contre la position d'Orange consistant à dire qu'il faut augmenter ce tarif pour inciter le secteur à favoriser la fibre. A les entendre, leur grand rival a trouvé dans cet argumentaire un moyen grossier de leur faire les poches. « Stéphane Richard [le PDG d'Orange] veut faire un hold-up et braquer la concurrence alors que le cuivre est une rente absolue ! Aujourd'hui, ça génère 800 à 900 millions d'euros de cash flow pur à Orange, avec des tarifs qui sont beaucoup trop élevés ! », râlait l'hiver dernier un dirigeant d'un opérateur alternatif à La Tribune. L'été s'annonce très chaud dans les télécoms.
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