Télécoms : les grands opérateurs européens agitent la menace d’un déclassement

S’appuyant sur une enquête de l’ETNO, leur lobby à Bruxelles, les grands opérateurs européens considèrent que leur situation économique n’est plus tenable. Ils déplorent les conséquences d’une forte concurrence sur leurs revenus, lesquels se dégradent par rapport à ceux de leurs homologues aux Etats-Unis ou en Asie. Ce qui, au bout du bout, entrave leurs investissements dans la fibre et la 5G.
Pierre Manière
En 2022, sur le marché du mobile, le revenu moyen par abonné était de 15 euros en Europe, contre 42,5 euros aux Etats-Unis, 26,5 euros en Corée du Sud et 25,9 euros au Japon.
En 2022, sur le marché du mobile, le revenu moyen par abonné était de 15 euros en Europe, contre 42,5 euros aux Etats-Unis, 26,5 euros en Corée du Sud et 25,9 euros au Japon. (Crédits : Shutterstock)

Les grands opérateurs télécoms européens font grise mine. Dans une étude publiée le 29 janvier dernier par l'European Telecommunications Network Operators Association (ETNO), leur lobby à Bruxelles, ils alertent sur leur situation économique. Celle-ci ne cesse, d'après eux, de se dégrader par rapport à leurs homologues aux Etats-Unis et en Asie. Ces grands opérateurs historiques - Orange, Deutsche Telekom, Telefonica, Telecom Italia, Proximus ou Altice Portugal - considèrent que leurs revenus, limités par une forte pression concurrentielle, ne leur permet plus d'investir suffisamment dans les réseaux.

L'étude de l'ETNO affirme que les revenus des opérateurs « ont diminué en termes réels » du fait de l'inflation - et en particulier de la hausse des prix de l'énergie - qu'ils n'ont que partiellement répercuté sur leurs tarifs. « Les recettes des télécoms sur le marché de détail n'ont augmenté que de 0,7% et de 2,1% en 2021 et en 2022, précise l'enquête. Ces hausses ont été plus que compensées par l'inflation, qui s'est élevée à 2,9% en 2021, et à 9,2% en 2022. »

Des investissements moindres qu'aux Etats-Unis

Les opérateurs européens jugent que la forte concurrence à laquelle ils font face les empêche de rehausser leurs tarifs, ce qui plombe leurs profits. En 2022, sur le marché du mobile, le revenu moyen par abonné était de 15 euros en Europe, contre 42,5 euros aux Etats-Unis, 26,5 euros en Corée du Sud et 25,9 euros au Japon, détaille l'ETNO. Il en va de même dans l'Internet fixe. En Europe, le revenu moyen par abonné était, toujours en 2022, de 22,8 euros. Aux Etats-Unis, il était de 58,6 euros, contre 24,4 euros au Japon et 13,1 euros en Corée du Sud.

A en croire l'ETNO, les revenus des télécoms européennes contraignent les investissements du secteur. En 2022, les dépenses d'investissement par habitant se sont élevées, dans les télécoms, à 109,1 euros en Europe, contre 240,3 euros aux Etats-Unis, 270,8 euros au Japon, et 113,5 euros en Corée du Sud. Les opérateurs soulignent que, dans ces conditions, les objectifs de l'Union européenne de faire du continent un leader en matière de 5G et d'accès à la fibre optique sont compromis. « En matière de 5G, l'Europe affiche un taux de couverture de la population de 80% en 2023, contre 73% l'année précédente, affirme le lobby. Mais l'Europe reste à la traîne vis-à-vis des Etats-Unis et de la Corée du Sud (qui affiche un niveau de couverture 5G de 98%), du Japon (94%) ou de la Chine (89%). »

Les valorisations boursières fondent

Les difficultés de l'industrie des télécoms pèsent également sur leurs cours de Bourse. L'ETNO constate que, depuis 2016, les valorisations boursières des opérateurs ont fondu de 41%. Ce qui pourrait attiser l'appétit d'acteurs étrangers. « Les faibles valorisations rendent le secteur des télécommunications plus sensible aux fusions et acquisitions agressives et aux approches hostiles potentielles de la part d'acteurs non européens, souligne l'étude. Sachant que certains d'entre eux peuvent avoir peu d'intérêt à développer un avantage numérique pour l'Europe. »

En fin d'année dernière, l'arrivée surprise du saoudien STC au capital de l'opérateur historique Telefonica a, d'ailleurs, suscité un fort émoi en Espagne. Madrid a finalement décidé de revenir au capital du géant des télécoms, 26 ans après sa privatisation, afin de limiter l'influence de ce nouvel arrivant et de protéger ses intérêts stratégiques.

Le principal problème, pour les opérateurs européens, c'est qu'ils naviguent dans un marché trop « fragmenté », déplore l'ETNO. Selon son étude, il existe, aujourd'hui, pas moins de 45 opérateurs mobiles disposant de plus de 500.000 clients en Europe, contre huit aux Etats-Unis, et quatre en Chine. Les opérateurs européens estiment, en clair, qu'ils sont beaucoup trop nombreux à se partager le même gâteau. Ils appellent depuis longtemps Bruxelles à permettre davantage de consolidation au sein des marchés nationaux. Mais jusqu'à présent, la Commission européenne s'y refuse catégoriquement. Elle estime qu'un haut niveau de concurrence est essentiel pour garder des prix bas, et protéger les consommateurs.

Pierre Manière

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Commentaire 1
à écrit le 08/02/2024 à 8:46
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Pauvres lobbys... on peut pas comprendre nous autres aussi faut dire ! ^^

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